Michéa Jacobi : l’art de renoncer 26 fois et de ne pas le faire
Quelques renonçants. Linogravures de Michéa Jacobi.
Les lecteurs de Marsactu connaissent son art d’arpenteur. Depuis quelques mois, Michéa Jacobi rassemble pour nous le fruit de ses obsessions croisées. À pied ou à vélo, il collecte divers objets qu’un piéton (ou un cycliste point trop véloce) peut saisir en passant. Il les range (ou dérange) par lettre initiale dans l’ordre (ou désordre) alphabétique. Accessoirement, ces lettres lui servent aussi à écrire les légendes sous les photos (de lui ou de Luc Barras) qui les montrent. Elles lui permettent aussi de mener à bien son travail d’écrivain, forcément très marqué par cette obsession abécédaire.
Voilà donc quelques années, il a entrepris un grand œuvre baptisé humanitas elementi réunissant 26 ensembles de vies humaines réunies par leur obsession commune. Chacune de ces classes comprenant 26 biographies, cela porte à 676 les vies passées et présentes qui défileront ainsi sous sa plume et, parfois sous sa gouge – mais nous y reviendrons. Les éditions La Bibliothèque ont déjà publié une première collection de héros marchant baptisée walking class heroes. Elles récidivent aujourd’hui avec Renonçants, décrivant “26 manières de se soustraire au monde (ou de renoncer à le faire)”.
De Saint-Antoine à Zevi Sabbataï, il trousse la vie de 26 personnages souvent épris d’ascèse au point de renoncer au monde, au cyclisme, au sexe, au cinéma ou à la littérature. Quand on dit 26, il y a toujours bon poids. À la lettre Z, comme Michéa Jacobi a du nez, il ajoute Robert Allen Zimmerman, alias le prix nobel Bob Dylan, grand renonciateur au messianisme. À la lettre G, Antonio de Guevara, conseiller de Charles Quint côtoie Ernesto, un homonyme barbu et révolutionnaire à la mine plus connue.
La lecture de cet opuscule couleur moutarde a la qualité d’un condiment littéraire. Chaque biographie ainsi contée, parfois en quelques lignes lapidaires, rehausse avec goût la vie de son lecteur. Le format est parfait pour les trajets quotidiens si ce n’est qu’il faut aussi assumer le sourire qui pointe sous l’abri-bus ou le rire qui pouffe au beau milieu d’une rame du métro.
Et pour revenir au burin et à la barbe de Guevara, Michéa Jacobi sait assortir son art d’écrire d’une pointe de graveur. Il le fait dans du linoléum, une matière peu noble mais fort réactive à la gouge. Plume et gouge étaient les deux cannes du premier piéton de Marseille qui dix ans durant occupèrent une chronique dans feu Marseille L’Hebdo. Les éditions Parenthèses les avaient réunies en pavé. Ce sont elles encore qui accueillent à partir de samedi 19 novembre, 11 heures et jusqu’au 13 janvier, une exposition des linogravures des Renonçants. Comme Michéa Jacobi manie la plume et le burin avec la même légèreté, ce plaisir ne se refuse pas. Le modeste artisan sera d’ailleurs là samedi pour présenter ses livres et dédicacer ceux-ci. Nous ajoutons modeste à dessein. Entre deux Guevara renonçant, il glisse une rencontre avec une admiratrice. “À l’épicerie de mon quartier : ma notoriété ne dépasse pas les limites de son territoire”, ajoute-t-il. Nous sommes donc contents d’être riverains de son monde.
Les renonçants de Michéa Jacobi, exposition de linogravures. Vernissage, samedi 19 novembre à 11 heures. Exposition jusqu’au 13 janvier, au 72 du Cours Julien (6e). 04 95 08 18 20. Les Renonçants vient de paraître aux éditions La Bibliothèque (14 euros)
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