Le 23 juin sonne-t-il la fin d’un rêve ?

Billet de blog
le 1 Juil 2016
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Il y a tout juste soixante ans, avec quelques amis étudiants, nous adhérions avec enthousiasme au mouvement “Jeunes Europe“. Nous avions été reçu à Strasbourg par Robert SCHUMAN, puis par Jean MONNET, les leaders charismatiques de cette Europe en gestation.

Deux années plus tôt, j’avais suivi avec intérêt et inquiétude les premiers déchirements de la classe politique à l’Assemblée Nationale qui avait conduit au rejet, le 30 août 1954, du projet de création d’une Communauté Européenne de Défense (François MITTERAND, ministre de l’Intérieur, s’abstient lors du vote).

Cette première désillusion de la part d’européens convaincus comme nous qui, pour la plupart, gardaient le souvenir vivace et souvent douloureux des “horreurs de la guerre“ fut suivie de bien d’autres au fur et à mesure de l’avancée chaotique de ce projet qui traçait notre avenir commun. Le Traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne est signé en 1957. En 1970 le programme du “Club de Rome“ à l’initiative D’Aurélio PECCCEI a rassemblé les plus grands chercheurs et intellectuels du monde. Ce manifeste nous a servi de guide. Le livre sous le titre HALTE à la CROISSANCE fait le procès de la croissance anarchique, du gaspillage, de l’injustice. La brutalité de la logique nous met face à une évidence : IL faut changer. Changer quoi ? Changer comment ? qui doit changer ? Vous , moi les autres, nous ?Devons nous faire une révolution culturelle ? et pourquoi ?

Au fil des négociations et des compromis à cinq, six ou treize, vingt-­‐deux ou vingt-­‐sept etc… De révolution, il n’y en eu point mais plutôt la montée en puissance des marchands du temple et des grands argentiers au détriment de l’intérêt des peuples et de leurs souhaits de paix et de prospérité rapidement oubliés. CECA, Marché Commun, Euratom, autant d’accord sur des bases économiques laissant la main aux défenseurs du “renard libre dans le poulailler libre“ !! A ce stade, l‘odieux marchandage de l’impérialiste Thatcher alors Premier Ministre, a marqué la transformation radicale du projet européen fondé sur la solidarité entre les nations de l’ancienne Europe. L’absence de projet politique et la remise en cause du rôle des chefs de gouvernements au profit des commerçants, des financiers et des technocrates de Bruxelles ont scellé l’abandon du projet européen conçu par ses fondateurs et des recommandations des sages du Club de Rome

Désillusion ? Fin d’un rêve ? D’une utopie ? Retour de vieux démons ? Soyons justes : ce continent européen marqué par de siècles de guerres fratricides est en paix depuis soixante-­‐ dix ans et ce n’est pas rien !! Les frontières ont disparu, l’Euro est reconnu comme monnaie d’échange dans le monde entier, la liberté de circulation et d’installation à l’intérieur de l’Europe est garantie, les échanges permanents entre les étudiants se multiplient, les chercheurs, les règles protégeant les consommateurs, la charte européenne des droits de l’homme autant d’acquis dus à n’en pas douter au projet européen que nos amis anglais ont ce triste jeudi de juin dramatiquement rejeté.

Mais à quoi ont-­‐ils vraiment répondu ces English ? Par une réponse simpliste de “leave“ ou “remain“ Pour le plus grand nombre, le plus souvent à d’autres questions comme c’est presque toujours le cas lors des referendums sensés recueillir l’avis du peuple. Qui se souvient des raisons qui ont mis fin au règne De Gaulle en avril 1969 ? Qui se souvient que les Français, avec quelques autres, ont, par referendum dit non au traité de Lisbonne le 29 mai 2005, lequel à finalement été ratifié par le Parlement le 13 décembre 2007 ? On peut multiplier à l’infini les exemples néfastes de ces consultations qui, sous couvert de respecter la démocratie, sont des outils aux services de ceux qui les manipulent . Mais c’est un autre sujet.

Cette décision du 23 juin 2016 signe-­‐elle la fin du projet européen et la disparition progressive de tous ses acquis qui lui donnent un sens ? Nous sommes nombreux à le craindre au vue des réactions et des voix qui expriment, avec de plus en plus de force, le retour des vieux démons qui l’on nomme nationalisme, xénophobie, racisme. Faudra-­‐t-­‐il attendre pour réagir un nouveau referendum, un nouveau “leave“ dans d’autres langues, Suédoise, Autrichienne, Danoise ? « le Brexit de ce jeudi exprime un choix de régression et d’enfermement à rebours du futur. Il faut lucidement interpréter cette marche arrière comme une tentative de mise à mort de notre meilleur bien commun : la solidarité » (1°)

Il faut sans délai remettre le projet sur la table et reprendre les fondamentaux des pères fondateurs. Le néo-­‐libéralisme cher à Margaret Thatcher et aux puissants est remis en cause de toute part même s’il résiste encore. Les gouvernants démocratiquement élus doivent reprendre la main et se remettre au travail pour rendre l’Europe aux peuples et aux gens ordinaires « regrouper les énergies autour de grands projets d’avenir, encourager les Etats qui le veulent à pousser plus loin leur intégration pour faire à plusieurs ce qu’il leur est impossible de faire touts seul, construire ensemble de nouveaux modèles de développement,

démocratique, solidaire, écologique et social. (1°)

Alain FOUREST Marseille le 26/06/2016

1° Nicolas Hulot in le Monde du 26/6/2016

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