Affaire des procurations Vassal : des gardes à vue d’élus et une enquête à toute vitesse

Actualité
le 24 Sep 2020
8

Julien Ravier et Yves Moraine sont ressortis de garde à vue au bout de 36 heures. Les deux élus de droite devaient répondre comme sept autres personnes sur des soupçons de procurations au profit de la candidate LR aux dernières municipales, Martine Vassal.

La permanence de la liste de Julien Ravier, avant le second tour des municipales 2020. (Photo : JML)
La permanence de la liste de Julien Ravier, avant le second tour des municipales 2020. (Photo : JML)

La permanence de la liste de Julien Ravier, avant le second tour des municipales 2020. (Photo : JML)

Ils sont tous les deux sortis du commissariat du 8e arrondissement ce mercredi vers 18 heures avant de quitter les lieux dans les voitures de leurs avocats respectifs, tentant de dissimuler leur visage face aux objectifs des photographes. Julien Ravier et Yves Moraine, deux figures de la droite locale, ont passé la nuit au dépôt et subi trente-six heures de garde à vue, soit une demi-journée de moins que le maximum prévu par la loi. Ces gardes à vue s’inscrivaient dans un plus vaste coup de filet de neuf personnes, comme l’indiquait La Provence, qui a révélé cette nouvelle étape de l’enquête.

Au cours de ce jour et demi, ces élus ont été interrogés à plusieurs reprises, parfois seuls, parfois lors de confrontations puisque les versions proposées ne concordaient pas toujours. Tous deux devaient répondre de leurs rôles dans l’affaire des procurations frauduleuses, après les révélations de France 2 et Marianne et l’ouverture d’une enquête préliminaire par la procureure de la République de Marseille Dominique Laurens.

L’affaire qui a plombé la campagne municipale de Martine Vassal (LR) est désormais bien connue. La justice s’intéresse à des circuits parallèles de recueils de procurations dans deux secteurs électoraux de la ville : les 6e et 8e arrondissements dont Yves Moraine est l’ancien maire d’une part et les 11e et 12e arrondissements que dirige toujours Julien Ravier.

Dans l’équipe Ghali, des gardes à vue déjà menées cet été
En parallèle, l’équipe de Samia Ghali est visée pour des faits similaires dans les 15e et 16e arrondissements. Roland Cazzola et Marguerite Pasquini, deux de ses colistiers et adjoints à la maire de Marseille – qui n’ont par la suite pas reçu de délégation – avaient déjà été placés en garde à vue en juillet. L’ex sénatrice avait alors dénoncé un traitement “disproportionné” par rapport aux élus de droite.

Tous deux contestent toute implication. “Comme tout le monde, monsieur Moraine était au courant qu’en raison du Covid, il allait y avoir un allègement du système de procurations, on parlait même de vote par correspondance. Il a participé au même titre que par exemple la tête de liste [Martine Vassal, ndlr] au recueil de procurations. Le gouvernement n’a pas fait d’allègement et ces procurations n’ont jamais servi”, expose son avocat Erick Campana qui estime que l’on parle seulement de “32 procurations” litigieuses.

Dans un message interne à ses troupes révélé par Libération que Marsactu a aussi pu consulter, Yves Moraine avait pourtant semblé admettre des pratiques hors des clous. “La police acceptant par facilité et manque de moyens qu’on lui remette des documents déjà signés, nous avons fait dans notre secteur ce que font les autres secteurs habituellement”, écrivait-il. Mercredi soir, son conseil a refusé de commenter ce message sans toutefois en contester l’authenticité.

Le commissariat du 8e arrondissement, où avaient lieu les garde à vue. (Image JML)

L’embarrassant Ehpad

Mais, depuis le début de l’enquête, les éléments les plus embarrassants pour la droite se concentrent sur les 11e et 12e arrondissements. C’est dans ce secteur qu’une cinquantaine de résidents d’un Ehpad ont voté à leur insu par procurations, toutes établies le même jour. Nul doute que Julien Ravier aura particulièrement été interrogé sur les modalités de réalisation de ces procurations. Plusieurs personnes de son entourage ont subi le même régime de garde à vue dont Richard Omiros, son directeur de cabinet et de campagne qu’il a écarté au début de l’affaire, sa directrice générale des services ainsi que l’élue Magali Devouge. Le directeur de l’Ehpad Saint-Barnabé a lui aussi été placé en garde à vue.

Selon nos informations, leurs positions sont fragilisées par les déclarations préalables d’une autre colistière de Julien Ravier qui a démissionné très peu de temps après son élection au conseil d’arrondissements. Joëlle Di Quirico exerçait jusqu’à il y a peu comme secrétaire à la mairie de secteur. Retraitée, elle aurait donc dû rester dans les murs comme élue. Marsactu et Mediapart avaient révélé l’habilitation particulière dont elle bénéficiait. Déléguée des officiers de police judiciaire, elle faisait partie des citoyens habilités par la justice à récolter des procurations en lieu et place des policiers. “Pour les tiers délégués, c’est là que le système est plus fragile“, avait reconnu auprès de Marsactu la présidente du tribunal judiciaire Isabelle Gorce.

Le policier tamponneur aussi inquiété

Selon nos informations, Joëlle Di Quirico aurait admis dans le cadre de l’enquête avoir participé à des procurations frauduleuses. Ces procurations auraient été remises à un autre fonctionnaire, de police celui-là, le commandant Roland Chervet bientôt retraité. Après une première longue audition, ce dernier a été réentendu en garde à vue suite à ce coup de filet. “Je n’ai rien à voir avec les faux, usages de faux, les facilitations et tout ça. Tout est transparent du côté police”, avait-il expliqué à Marsactu et Mediapart.

Désormais, tous ces acteurs sont suspendus aux décisions du parquet de Marseille. Tout semble indiquer qu’il souhaite une procédure rapide, même si l’immunité parlementaire dont devrait jouir Julien Ravier la semaine prochaine a pu jouer dans le calendrier judiciaire. L’actuel maire des 11/12 s’apprête en effet prendre le siège de Valérie Boyer à l’Assemblée, où il est son suppléant, alors que celle-ci est quasiment assurée d’accéder au Sénat dimanche. Dans cette procédure, aucun juge d’instruction ne devrait être nommé et Dominique Laurens pourrait garder la main sur l’enquête avant de traduire ou non les protagonistes devant le tribunal correctionnel. Ce qui pourrait désormais aller très vite.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Alceste. Alceste.

    Nos élus locaux hurlent auprès le gouvernement qui nne consutent pas ces derniers.
    Consulter qui ?. Une maire d’Aix qui est condamnée, une présidente de métropole qui a des ennuis avec la justice, des élus mis en examen, un sénateur qui est un magasin de casseroles à lui seul, des condamnés pour détournement de biens public, des faussaires de liste électorale, etc.

    Signaler
    • Zumbi Zumbi

      Euh… il se trouve que ces gens-là ne sont plus en charge de la municipalité, vous avez remarqué ?

      Signaler
    • Pascal L Pascal L

      Ils ne sont plus en charge de la municipalité mais vont réussir à avoir un train de sénateurs (au moins un wagon).

      Signaler
  2. Alceste. Alceste.

    Que fait Payant cher Zumbi à part jouer la Vierge outragée ?.
    Police municipale absente, aucune fermeture d’établissements qui n’appliquent pas les consignes de prudence, etc.
    Alors il se croit tellement important qu’il pense qu’il doit être consulté. Si il était crédible sûrement, mais cela n’est pas le cas. Il est dans la lignée des autres.

    Signaler
  3. Happy Happy

    Autant je souhaite que l’enquête progresse jusqu’à des mises en examen s’il y a lieu, autant je suis chaque fois étonné et même choqué par cette pratique de la garde à vue où les présumés innocents sont retenus de nuit, dans des conditions qu’on imagine éprouvantes. Qu’est-ce qui le justifie ? Empêcher de dissimuler des éléments ou de se concerter entre suspects, alors qu’on leur a laissé des mois pour le faire s’il y avait à faire ? Ou bien les faire craquer psychologiquement ? Est-ce bien digne de l’idée de justice ?

    Signaler
  4. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Plus que ces GAV qui sont finalement anecdotiques c’est ce que va dire le juge de l’élection qui importe. J’espère que le PM est sur le pied de guerre pour prendre la Mairie du 11-12 si l’opportunité se présente et bétonner ainsi sa majorité tronquée par “l’affaire” du 13-14.

    Signaler
  5. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    L’affaire des procurations comme d’autres est celle d’élus ou d’équipes d’élus du même bord qui durent trop longtemps.
    La démocratie faut que ça tourne et le Peuple sera bien représenté.

    Signaler
  6. Zumbi Zumbi

    On aura au moins pu rigoler de voir Moraine dissimuler son visage, lui qui il y a trois ans, des mois durant, avait fait tapisser tout son secteur d’affiches portant uniquement sa bobine et son nom. Tout ça pour finir éliminé au premier tour des législatives par deux inconnus avant de subir le même sort aux municipales. On dirait que le message à été reçu : en bon marseillais “va te cacher, va !”

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire