À Saint-Chamas, l’évacuation de 14 000 tonnes de déchets que personne ne veut payer

Actualité
le 6 Jan 2023
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Il y a un an, un incendie dans un prétendu centre de tri de déchets industriels mettait au jour un important trafic. Aujourd'hui, les milliers de tonnes de déchets de cette activité présumée illégale sont toujours sur place. La question de leur évacuation reste en suspens.

Le 13 janvier 2022, les pompiers du SDIS démarrent l
Le 13 janvier 2022, les pompiers du SDIS démarrent l'opération de "noyage", à Saint-Chamas après l'incendie de cet entrepôt de déchets. (Photo SL)

Le 13 janvier 2022, les pompiers du SDIS démarrent l'opération de "noyage", à Saint-Chamas après l'incendie de cet entrepôt de déchets. (Photo SL)

Les tas d’immondices n’ont pas bougé. Depuis un an, 14 000 tonnes de déchets industriels incendiés trônent sur un terrain de la commune de Saint-Chamas. Le 27 décembre 2021, les pompiers découvrent sur ce site près de 30 000 mètres cubes de plastique et autres matières inertes en feu. Légalement, en l’absence d’autorisation spécifique, seuls 1000 peuvent y être stockés. Il faudra plus d’un mois aux soldats du feu pour éteindre le gigantesque brasier. En mai, la justice mettra, elle, cinq personnes en examen, dont deux en détention provisoire. Gestion irrégulière de déchets, escroquerie, exploitation irrégulière d’installation classée, destruction par incendie… Le tout en bande organisée. Les chefs de prévention sont éloquents et témoignent, comme Marsactu l’a raconté, d’un véritable trafic dont Saint-Chamas n’est qu’un maillon.

Les premières condamnations et l’heure des comptes ne devraient pas tomber avant plusieurs années. D’ici là, que faire des déchets brûlés présents sur le site de Saint-Chamas ? Depuis un an, État, métropole et mairie se renvoient la balle pendant que les Saint-Chamassens côtoient les montagnes de déchets.

“Pas de danger donc pas d’obligation pour l’État”

Selon les estimations, le coût de l’évacuation des déchets, comprenant la manutention et la mise en décharge, s’élève à près de 3 millions d’euros. “Est-ce au contribuable national de payer ? Ou au contribuable local ? Sachant que ce dernier a déjà été victime dans cette histoire”, fait semblant de s’interroger Didier Khelfa, maire de Saint-Chamas et vice-président de la métropole délégué aux finances. Les fumées de l’incendie se sont répandues sur la ville, et ont engendré pendant plusieurs semaines une pollution comparable à celle que connaît de manière chronique la ville de Pékin, comme le notait Atmosud – l’organisme en charge de la surveillance de la qualité de l’air. Aujourd’hui, le sinistre ne présenterait plus aucun danger immédiat, du moins en ce qui concerne la pollution.

“Selon les études dont nous disposons, il n’y a plus de risque de pollution, confirme l’édile. Mais celui-ci refuse d’écarter complétement le risque pour l’environnement. Je maintiens qu’il faut surveiller la nappe phréatique lorsqu’il pleut et que l’eau ruisselle. Et une chose est sûre, quand il y a du vent, je retrouve des plastiques de l’autre côté de la route, dans une zone naturelle.” Quoi qu’il en soit, pour le moment, l’absence de risque avéré est mis en avant pour justifier l’inaction de l’État. Contactée, la préfecture n’a pu répondre à Marsactu dans les délais impartis à la publication de cet article.

“Il n’y a pas d’obligation des services de l’État de lever ces déchets, car la situation n’est pas dangereuse”, confirme cependant Jean-Marc Zulesi, député Renaissance de cette circonscription des Bouches-du-Rhône. Une affirmation qui sera complétement juste quand les 1200 tonnes de déchets potentiellement inflammables seront retirés. Un premier engagement de l’État qui concerne seulement 8 % du stock présent sur place.

“La métropole a déjà mis au pot”

Pour autant, l’élu macroniste ne conçoit pas que les collectivités locales prennent à leur charge le reste de l’opération. “La métropole a déjà mis pas mal d’argent”, reconnaît Jean-Marc Zulesi. 800 000 euros précisément, pour l’évacuation de 4000 tonnes de déchets dans le cadre de l’opération d’extinction du feu, ainsi que pour la création du bassin de rétention d’eau utilisée à cette fin. Une demande de remboursement a été faite à l’État sans beaucoup d’espoir de la voir honorée.

De son côté, Jean-Marc Zulesi a écrit au ministre de la Transition écologique. Consulté par Marsactu, le courrier va clairement dans le sens du maire de Saint-Chamas. Et s’avère plus alarmiste que les discours officiels. “Des milliers de tonnes de déchets sont toujours présents sur le site. Les phénomènes de pollution de l’air, des sols et des nappes phréatiques sont toujours existants et les populations y sont exposées. Nous devons avoir la capacité d’apporter une aide afin de permettre l’enlèvement de ces déchets”, écrit-il à l’adresse de Christophe Béchu, qui n’a pour l’heure pas répondu.

Une solution tripartite ?

“À un moment, il va falloir trouver les moyens. Je demande à l’État de m’aider, voire de prendre en charge la totalité”, insiste Didier Khelfa. Mais celui-ci se dit également prêt à imaginer une solution tripartite. Pour cela, indique-t-il, il faudrait que la métropole puisse obtenir une dérogation pour débloquer des fonds hors de ses compétences. Il n’est pas certain que la métropole se précipite pour cofinancer. Avec sa casquette de maire d’une commune de 8600 habitants, Didier Khelfa dit pouvoir aussi avoir recours à un emprunt, “mais cela se fera au détriment d’autres choses”, prévient-il.

“Je sens le préfet ouvert et engagé pour résoudre le problème. Je me vois mal finir mon mandat en laissant à mon successeur cela”, conclut-il. Une réunion en présence de toutes les parties prenantes est prévue pour le 24 janvier. Le chiffre de trois millions d’euros pourrait être amené à évoluer, plutôt vers le haut. D’ici là, les montagnes de déchets continueront de faire tache dans le paysage saint-chamassien. Voire, au-delà.

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Commentaires

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  1. Stéphane Coppey Stéphane Coppey

    Etonnant que l’article n’évoque pas la responsabilité financière des contrevenants, qui ont empoché jusqu’à 10000 € par jour pour des déchets qu’ils n’ont pas valorisé, et dont les producteurs (privés ? publics ?) n’ont pas cherché à savoir ce qu’ils devenaient, alors que la loi leur en donne l’obligation.

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