À Frais-Vallon, la liste Unir veut créer du lien avant de faire campagne

Reportage
le 12 Mar 2020
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À quelques jours du premier tour, la liste Unir, présente seulement dans les 13/14, fait campagne en espérant faire reconnaître sa "dynamique citoyenne". Reportage à Frais Vallon avec des militants insoumis, écologistes et venus du Pacte démocratique.

À Frais-Vallon, la liste Unir veut créer du lien avant de faire campagne
À Frais-Vallon, la liste Unir veut créer du lien avant de faire campagne

À Frais-Vallon, la liste Unir veut créer du lien avant de faire campagne

“Le 15 et le 22 mars, on s’en fout madame, allez voir le médecin d’abord !”. En plein porte-à-porte, Mohamed Bensaada s’applique dans le rôle du candidat serviable et attentionné. Objectif : faire connaître la “dynamique citoyenne” de la liste Unir !, soutenue par Europe écologie-Les Verts, la France insoumise et le mouvement du Pacte démocratique dans les 13e et 14e arrondissements. Cet après-midi là, la cage d’escaliers d’un HLM de Frais Vallon (13e) sollicite fortement les connaissances médicales du manipulateur en radiologie. De la septuagénaire qui souffre du genou, cloîtrée dans son appartement au 4e sans ascenseur, à la prothèse d’épaule douloureuse d’une quinqua tentée par le vote RN en passant par les AVC à répétition de sa sœur, la distribution de tracts se transforme en grande consultation, non pas citoyenne, mais plutôt para-médicale.

Le candidat recommande un centre médical à proximité, note les numéros de téléphone, redirige vers les écrivains publics mis en place par la France insoumise pour aider dans des démarches… Et n’oublie pas de tapoter la tête des animaux de compagnie et de s’émerveiller sur la rénovation d’un appartement, ne différant pas beaucoup de ses concurrents dans cet exercice de style de toute campagne locale.

“Ce sont souvent des gens qui ne discutent plus avec personne. Si je prends le temps de discuter, c’est déjà un lien de renoué, même si ça ne va pas forcément changer leur vie ou leur avis”, admet Mohamed Bensaada. Qui compte tout de même laisser une bonne impression en même temps que le tract distribué, bien souvent sans avoir pu en placer une au sujet du programme. “On a un meilleur accueil qu’en 2014, même dans les noyaux villageois, même pour Bensaada Mohamed. Sur l’écologie, les gens sont sensibles, s’enthousiasme pourtant le candidat, présent sur la liste du Front de gauche lors des dernières municipales. Je ne sais pas s’il y aura une traduction électorale, mais je me sens vachement plus Marseillais après cette campagne.”

Plus bas dans la cage d’escaliers, Hélène Busidan, binôme du candidat, prend ses marques de militante novice. “Ça me change énormément, j’avais un métier plutôt solitaire”, sourit l’ancienne magistrate. En ce samedi après-midi, les maigres troupes sont mises à profit dans le quartier.

“Virer Stéphane Ravier”

“Bonjour, c’est la liste écolo-solidaire soutenue par Jean-Luc Mélenchon”, lance Mohamed Bensaada, quand un de ses colistiers, le jeune Pierre Leroux, préfère aborder un locataire d’un “notre objectif c’est de virer Stéphane Ravier !”. Manifestement, les habitants rencontrés ce jour-là sont à des années-lumière des bisbilles politiciennes qui ont donné lieu à la naissance de la liste Unir. En février, alors que les discussions entre le mouvement d’union de la gauche – le Printemps marseillais – et EELV étaient au point mort depuis des semaines, trois militants du 13/14 ont organisé une négociation pour trouver un accord ad hoc dans ce secteur tenu depuis six ans par le Rassemblement national.

Unir est le résultat de ces réunions. Ou plutôt sa version inaboutie puisque le Printemps marseillais a finalement choisi de présenter son propre candidat, Jérémy Bacchi, quand la liste menée par EELV, Debout Marseille, acceptait de suivre l’Insoumis Mohamed Bensaada, amenant avec lui les militants du Pacte démocratique, mouvement vieux de quelques mois qui milite pour une meilleure représentation des habitants des quartiers populaires. Né au milieu des déchirements de la gauche marseillaise, Unir est parvenu néanmoins à arracher le soutien officiel de la France insoumise.

Mélenchon, en tout cas, ne viendra pas distribuer de tracts dans les quartiers Nord d’ici au premier tour. “Il est occupé. Mais on a eu Bompard, et le soutien de tous les députés FI en vidéo. Mais c’est sûr que quand les gens entendent Mélenchon en soutien, ça fait son effet”, glisse Mohamed Bensaada, doux-amer.

L’attelage EELV-FI, qui ne prend forme concrètement que dans ce seul secteur, fait grincer des dents au sein du Printemps marseillais qui se revendique comme seule force d’union à gauche. “Le Pacte démocratique refusait une tête de liste socialiste, mais ça ne les gêne pas de s’allier avec des macronistes !”, raille une tête de liste, pointant la présence d’anciens soutiens d’En marche sur les listes Debout Marseille. “Il n’y a pas de soutiens LREM sur la liste Unir, ça ce n’est pas possible, rétorque Julien Ollivier, syndicaliste et 13e sur la liste, qu’il tient à se distinguer de Debout Marseille. Je suis prof et j’en suis à 12 jours de grève, s’il y avait une once de macronisme dans cette liste je ne serais pas là”.

“Difficile de se faire entendre dans ces quartiers”

Plus tard cet après-midi là, un comité d’action citoyenne, ou “CAC”, est organisé devant la bouche de métro de Frais-Vallon. Une initiative un peu moins traditionnelle que le porte-à-porte, “à l’image de la mandature qu’on voudrait mettre en place, avec l’expertise citoyenne au centre”, explique Julie Digne, militante Insoumise. Annoncée au feutre sur un bout de carton, la réunion a été décalée d’une heure après des soucis d’organisation.

Un fil à linge a été tendu entre des poteaux pour mettre en place un “porteur de parole”, ce dispositif prôné par les Insoumis pour épingler les expressions des passants. Le thème abordé ce jour-là étant la jeunesse, une quinzaine de feuilles font état des souhaits des habitants qui ont bien voulu se prêter au jeu pour faire leurs propositions en termes d’infrastructures sportives, de stages, d’écoles, de bibliothèques mais aussi de sécurité. Puis Kévin Vacher prend le micro sur un petit bout d’esplanade où a été installée une table. Le cofondateur du collectif du 5 novembre ne figure pas sur les listes Unir, mais anime le comité de soutien, et donc, la réunion du jour.

Les militants de la liste Unir tentent de créer du débat à l’entrée du métro Frais-Vallon. Photo : Lisa Castelly

Autour de la table, surtout des membres de la liste et leurs soutiens, l’atmosphère ronronne malgré le mistral. Au bout d’une demi-heure, un groupe d’adolescents se saisit du micro pour parler de leurs actions pour l’environnement, applaudis par l’assemblée. Il y a là des figures de l’action militante et citoyenne des quartiers nord, les Karima Berriche, Anne-Marie Tagawa, Samy Johsua, Hanifa Taguelmint, qu’on avait tous pu croiser au Pacte démocratique. Brigitte, habitante d’un HLM voisin, ex militante socialiste, observe d’un œil curieux. “Le projet est intéressant, la participation des citoyens c’est ce qu’il faut faire. Pour la motivation, chapeau ! Mais c’est difficile de se faire entendre dans ces quartiers”, regrette-t-elle, désabusée. Les nombreux passants traversant en direction de la cité sans même jeter un œil au petit rassemblement ne lui donneront pas tort.

“Depuis le début, ce qui nous différencie avec le Printemps, c’est qu’on dit qu’il faut parler aux abstentionnistes, réenchanter la politique, estime Karim Khelfaoui, également issu de la France insoumise. On fera le bilan après les élections.” En janvier, Mohamed Bensaada confiait à Marsactu au sujet des divisions de la gauche, “visiblement on n’a pas envie de faire campagne tous ensemble, s’il n’y a pas de plaisir d’être ensemble, à un moment il faut arrêter de se forcer”. En attendant le soir du premier tour où, face au RN, la bande de militants devra se forcer à rechercher une union plus large.

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Commentaires

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  1. Louise LM Louise LM

    Bravo pour les valeurs que vous portez, celles de la solidarité nécessaire entre tous les habitants de cette ville, du respect mutuel et de l’égalité dans l’accès aux services publics.
    Si je votais dans votre secteur c’est évidemment ce bulletin que je mettrais dans l’urne

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