Affaire Bernardini : la défense du maire d’Istres met en difficulté sa première adjointe

Enquête
le 3 Avr 2024
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Éternelle dauphine du maire d'Istres, Nicole Joulia a été entendue par les enquêteurs dans le cadre de l'affaire de corruption au sein de municipalité menée par le parquet national financier. Selon nos informations, c'est François Bernardini lui-même qui, pour se défendre, a pointé certaines responsabilités de l'élue.

Le maire d
Le maire d'Istres François Bernardini en 2017, entouré par sa première adjointe Nicole Joulia et son directeur général des services Nicolas Davini, en présence de sa directrice de cabinet Marlène Picon. (Photo JML)

Le maire d'Istres François Bernardini en 2017, entouré par sa première adjointe Nicole Joulia et son directeur général des services Nicolas Davini, en présence de sa directrice de cabinet Marlène Picon. (Photo JML)

L’enquête ouverte par le parquet national financier (PNF) concernant la gestion de la mairie d’Istres connaît ces dernières semaines de nouveaux développements. Et l’un d’entre eux est particulièrement retentissant à l’échelle de cette ville de 40 000 habitants. Selon nos informations, la première adjointe Nicole Joulia, épargnée jusque-là, est désormais inquiétée. L’élue qui est aussi vice-présidente du département des Bouches-du-Rhône chargée de la culture, a été entendue par les gendarmes et fait figure aujourd’hui de mise en cause. S’agissant d’une enquête préliminaire, il ne peut y avoir de mise en examen et Nicole Joulia, qui n’a pas répondu à notre demande d’entretien, reste à ce stade présumée innocente.

De sources concordantes, c’est la défense du maire François Bernardini qui a suscité l’intérêt du PNF et déclenché ces nouvelles investigations. L’édile tente en effet de se dépêtrer d’une affaire dans laquelle il est susceptible d’être poursuivi pour la bagatelle de 20 dossiers, dans lesquels il se dit totalement en règle. Ils concernent un large éventail d’atteintes à la probité, dont la corruption, le détournement de fonds publics ou encore le favoritisme dans les marchés publics. Lui aussi présumé innocent, François Bernardini risque une lourde peine assortie d’une inéligibilité.

Joulia, éternelle dauphine de Bernardini

Ces griefs ont été explicités dans une note de synthèse aux fins de poursuite le 29 juin 2022. Cela a aussi donné le top départ à François Bernardini et ses avocats – qui n’ont pas souhaité faire de commentaires auprès de Marsactu – pour accéder au dossier pénal et faire parvenir au parquet national financier leurs premiers éléments de défense. Selon nos informations, c’est à cette occasion que François Bernardini a fait valoir qu’il n’était pas en poste au moment de certains faits qui lui sont reprochés. Notamment car une précédente affaire lui a valu d’être inéligible pendant cinq ans de 2002 à 2007. Nicole Joulia, flanquée d’un Bernardini omniprésent, avait alors remporté des municipales partielles en décembre 2006 et pris la suite de Michel Caillat, élu par le conseil municipal en 2002. Elle a porté l’écharpe de maire jusqu’aux municipales de mars 2008. Après cette date, elle est devenue première adjointe de François Bernardini qui lui avait confié plusieurs délégations. Du fait de ces attributions, elle pourrait avoir là encore à répondre de certains faits.

En effectuant des recoupements à partir du dossier judiciaire, Marsactu a pu constater que c’est sous le mandat de Nicole Joulia, en janvier 2007, qu’a été intégré au cabinet du maire Philippe Colonna, dont le parquet national financier estime, malgré ses démentis, qu’il occupait un emploi fictif en mairie. Or, c’est à cette date que le parcours de celui qui organisait en parallèle avec son fils le salon des vins et de la gastronomie de Marseille devient de plus en plus trouble. “Aucune mission particulière n’était formalisée pour le poste qu’il occupait en tant que chargé de mission au cabinet du maire (janvier 2007-janvier 2009), la fiche de poste au dossier étant restée vierge”, notait dans la synthèse de 2022 Aurélien Létocart, alors premier vice-procureur financier au PNF et chargé de l’affaire.

Elle a signé des marchés publics litigieux

Autre domaine à propos duquel Nicole Joulia pourrait être inquiétée : les marchés publics. Le parquet national financier a ciblé François Bernardini pour plusieurs d’entre eux. Or, il s’avère que par délégation, même en n’étant plus maire, Nicole Joulia, signait un certain nombre de documents dédiés. Elle est notamment intervenue dans un dossier de 2013, symbolique à maints égards. Il s’agissait de la sous-traitance d’un marché de réfection de cantines scolaires à Cuisines et bain à la carte (CBAC), une société propriété de la fille d’Alain Aragneau, premier opposant (UMP) de la majorité.

Signataire du marché initial, Nicole Joulia avait explicitement permis dans un document la sous-traitance à CBAC alors même que cette société ne présentait pas les garanties nécessaires. C’est sa griffe qui apparaît aussi sur le marché général quand le budget est augmenté pour, selon le PNF, rendre possible la sous-traitance. Quand elle a mis le nez dans ce marché, la chambre régionale des comptes a estimé que “l’ensemble des irrégularités pourrait s’expliquer par l’intention du maire d’obtenir le ralliement d’Alain Aragneau dans la perspective des élections municipales”. À l’aube des élections de 2014 en effet, l’intéressé avait rejoint la liste de François Bernardini, “en toute transparence, dans le cadre d’un front républicain”, avait-il affirmé dans un droit de réponse à Marsactu.

D’autres marchés portent aussi la trace signée de l’intervention de Nicole Joulia. Et en matière pénale, en présence d’une délégation de signature, un maire peut, dans certaines conditions, être exonéré de ses responsabilités. C’est par exemple le cas, dans un tout autre contexte, dans le dossier du drame de la rue d’Aubagne où la chaîne de responsabilité pénale s’est arrêtée à l’adjoint délégué, Julien Ruas, sans remonter jusqu’au maire de Marseille d’alors, Jean-Claude Gaudin.

Le risque d’un grand vide en mairie

S’il ne fait aucun doute que le maire François Bernardini a toujours été omniprésent dans le fonctionnement de sa mairie, Nicole Joulia peut tout de même formellement être mise en cause. Le coup est rude pour une élue qui, depuis le début de l’affaire, s’est tenue à distance sans jamais se désolidariser d’un maire qu’elle a suppléé au début de l’année 2023 quand sa santé ne lui permettait momentanément pas d’assurer sa fonction.

L’élue a toujours mis l’éthique en avant dans son parcours : faite chevalier de la Légion d’honneur en 2015, elle s’était vu remettre la médaille par Laurence Vichnievsky, juge d’instruction connue pour sa lutte contre la corruption puis devenue députée. Durant la campagne des municipales 2020, elle disait encore à Marsactu refuser de se porter “garante de quoi que ce soit. On ne peut préjuger de rien. Je mène mes délégations avec des principes éthiques et de responsabilité.”

Surtout, elle pourrait une nouvelle fois faire figure de joker du maire en cas de sortie de route prématurée avant les municipales 2026. Avec un procès qui pourrait intervenir l’an prochain, François Bernardini n’est pas à l’abri d’une décision le rendant inéligible avec exécution provisoire, à l’image de la sanction qui a visé son homologue toulonnais Hubert Falco. Si Nicole Joulia était elle-même sous le coup d’une sanction, son absence laisserait un grand vide dans une ville sur laquelle lorgne avec appétit le Rassemblement national.

Un premier élu condamné

Cette affaire a déjà débouché sur une première condamnation d’un élu le 12 mars devant la 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Ce jour-là, s’est tenue une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Dans ce cadre, l’adjoint de François Bernardini Marc Einaudi a admis avoir commis une prise illégale d’intérêts. Le juge a homologué la peine proposée par le PNF de trois mois de prison avec sursis sans inéligibilité. Cette condamnation définitive permet toutefois à Marc Einaudi de poursuivre son mandat.

L’élu avait participé au vote par le conseil municipal de subventions à l’association L’Avancée, une structure d’accompagnement de personnes autistes, au sein de laquelle travaillait sa fille. “Par son lien de parenté avec Anaïs Einaudi, il avait un intérêt manifeste dans l’attribution de subventions”, avait noté le PNF le 29 juin 2022 dans sa note de synthèse.  Cette embauche est par ailleurs scrutée de près puisque Anaïs Einaudi avait été en réalité mise à disposition par la mairie dès son embauche en tant qu’employée municipale, un procédé analysé comme un détournement de fonds publics par le PNF.

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Commentaires

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  1. Patafanari Patafanari

    Автор, набирающий популярность

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    • julijo julijo

      Да, они того стоят

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  2. Alceste. Alceste.

    Socialiste un jour,Socialiste toujours!

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    • julijo julijo

      ah ouais, c’est sûr que à renaissance, les lr et le fn, et tant d’autres, ils ont tous les cuisses propres !!!!

      votre haine vous a perdu alceste !!

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  3. julijo julijo

    dans cette histoire, les gens sont méchants au pnf.
    cette pauvre joulia, qui en plus d’être vice-présidente du département des Bouches-du-Rhône chargée de la culture avec vassal, se coltine l’interim à istres….franchement, heureusement qu’elle est chevalier de la Légion d’honneur , ça doit la consoler.

    et puis, n’en déplaise à alceste, parler du ps pour bernardini et joulia, c’est un peu osé (ou obsolète !)

    quand on y pense, bernardini-joulia, le vide, ou le fn…..sacré choix pour istres !

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  4. Alceste. Alceste.

    Bel argument Julijo, pourquoi les socialistes auraient-ils les cuisses propres alors que leurs concurrents ne les ont pas.

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    • julijo julijo

      alceste vous ne savez pas lire ?
      quel argument vous laisse penser que j’imagine les socialistes avec des cuisses propres ?????
      je dis exactement le contraire ! et je pense que malheureusement pour nous contribuables, cioytens-électeurs, tous les partis sont concernés, et ont à peu près tous leurs délinquants !

      pour ce qui concerne bernardini, il s’est fait jeter du ps en ….2000- 2001 ? quant à jouila elle appartient à la majorité du cd. donc rien à voir avec le ps !
      pour répondre à votre commentaire : “Socialiste un jour, Socialiste toujours! “

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  5. Mars, et yeah. Mars, et yeah.

    Le jours où “Le Gros” perd son siège, il s’assurera de ne laisser qu’une terre brûlée, dont héritera sans aucun doute l’extrême droite.

    Et imaginez une terre brûlée entre les mains d’esprits cramés…

    Bref, terrifiant de voir une fois encore les conséquences finales de la dérive connue et durable de ce genre d’élu, certes bâtisseur mais surtout magouilleur.

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  6. Richard Mouren Richard Mouren

    Qui pourrait penser que Mr Bernardini, maire ou non, n’était pas derrière toutes les décisions municipales? Mme Joulia, bénéficiaire de ce tour de bonneteau, était le paratonnerre de son patron et elle le savait. Ainsi va la vie politique….

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  7. petitvelo petitvelo

    Votez istréens

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