Syndicalisme ou manif violente : trois surveillants du lycée Victor-Hugo risquent la prison

Actualité
le 20 Mar 2024
7

Trois anciens personnels du lycée Victor-Hugo ont comparu devant le tribunal judiciaire de Marseille ce mardi. En juin 2023, ils s'étaient introduits dans le bureau du proviseur lors d'une action syndicale.

Le tribunal judiciaire de Marseille (Photo : LC)
Le tribunal judiciaire de Marseille (Photo : LC)

Le tribunal judiciaire de Marseille (Photo : LC)

“Ce ne sera pas le procès du syndicalisme. Ce sera le procès de personnes, et je dirais même de jeunes individus, qui ont fait le choix de se placer dans une situation hors la loi”, annonce Thomas Ribeyre, procureur, lors de l’audience qui se tient ce mardi 19 mars au tribunal correctionnel de Marseille. Un ton et des réquisitions particulièrement fermes pour venir sanctionner des faits liés à une mobilisation syndicale. “C’est regrettable, près de neuf mois après les faits, je n’ai pas l’impression qu’il y ait de travail rétrospectif. J’en tiendrai compte pour les réquisitions”, prévient-il.

Cet après-midi, il requiert un an de prison dont six mois ferme, à effectuer sous forme de détention à domicile sous surveillance électronique à l’encontre d’Emmanuel Roux, ancien assistant d’éducation (AED) du lycée Victor-Hugo (3e) syndiqué à la CGT et secrétaire de son union locale centre-ville. Il demande deux mois de prison avec sursis simple à l’encontre de Myriam I. et Bassekou D., également anciens AED dans le même établissement, syndiqués sous les mêmes couleurs. Le parquet demande aussi une interdiction, pour les trois prévenus, d’entrer en contact avec les parties civiles, l’ex-proviseur du lycée Fabien M. et son adjointe Aude P., pendant trois ans. Interdiction aussi, sur la même durée, de se présenter au lycée Victor-Hugo et à ses abords.

Une vingtaine ou une cinquantaine de personnes – ça varie selon les témoins – se sont introduits dans l’enceinte du lycée Victor-Hugo.

La présidente, Mandana Samii

Les trois prévenus comparaissent pour des faits qui datent du 1ᵉʳ juin 2023. Dans un contexte de lutte sociale menée par les AED du lycée au sujet, notamment, du non-renouvellement de leurs contrats précaires, une action d’ampleur est menée ce matin-là. Considérée par certains comme un simple coup de force syndical et par d’autres comme un délit, elle est discutée au tribunal aujourd’hui. “Une vingtaine ou une cinquantaine de personnes – ça varie selon les témoins – se sont introduits dans l’enceinte du lycée Victor-Hugo”, indique la présidente de l’audience, Mandana Samii.

Les trois AED à la barre aujourd’hui faisaient partie du rassemblement. Ils sont tous poursuivis pour “intrusion dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement scolaire commise en réunion dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement”. Et l’un d’entre eux est aussi poursuivi pour “violence aggravée par deux circonstances suivie d’incapacité de travail n’excédant pas huit jours”.

Autrement dit, les trois prévenus sont accusés par le proviseur, son adjointe et une représentante de l’académie d’Aix-Marseille, d’avoir participé à ce rassemblement et s’être introduits dans le bureau du chef d’établissement. L’un d’entre eux est visé par une plainte pour des violences qui auraient été commises ce même jour à l’encontre des deux employés de l’Éducation nationale.

“Une action syndicale assez classique”

Organisée par l’union départementale de la CGT à l’occasion de la journée nationale contre les répressions syndicales, l’opération menée ce jour-là avait un objectif précis : obtenir un rendez-vous pour discuter des contrats non renouvelés. Cette action syndicale n’est pas une première dans l’établissement, où se joue un bras de fer depuis des années autour de la précarité des AED. Un contexte électrisé par les révélations quelques semaines plus tôt dans Mediapart de propos tenus par le proviseur en direction de jeunes filles musulmanes en lien avec les dernières consignes ministérielles sur le port de l’abaya.

“Ça faisait un paquet de fois qu’on demandait à être reçus et qu’on ne l’était pas”, contextualise le secrétaire de l’union départementale CGT des Bouches-du-Rhône Yann Manneval, témoin à la barre. “C’est une action syndicale assez classique. On maîtrisait la situation. Il y avait un service d’ordre. Et à partir du moment où on a eu un accord de principe pour le rendez-vous en préfecture, on a évacué les lieux”, relativise-t-il.

Les prévenus ont tous les trois reconnu s’être introduits à l’intérieur du lycée. “Je ne savais pas que ça constituait un délit”, confie Myriam I., “Moi, je suis arrivé en retard. Je suis passé voir, mais je ne suis pas entré dans le bureau du proviseur”, ajoute Bassekou D.. Quant à Emmanuel Roux, il admet être entré, mais nie les accusations de violences portées à son encontre.

Quand on vous parle de répression syndicale, ce n’est pas par hasard. C’est parce que ce sont les AED syndiqués qui n’ont pas été renouvelés.

Alban Richeboeuf, avocat des surveillants

Les avocats des prévenus, Valentin Loret et Alban Richeboeuf plaident l’atteinte à la liberté syndicale. En questionnant notamment le fait de cibler seulement trois AED, tous syndiqués et en conflit pour non-renouvellement de leurs contrat ou licenciement. Des procédures toujours en cours à ce jour. “Ce sont toujours les mêmes qui sont visés par les plaintes, pointe Alban Richeboeuf, leur avocat. C’est parce que les AED, on en a marre. Quand on vous parle de répression syndicale, ce n’est pas par hasard. C’est parce que ce sont les AED syndiqués qui n’ont pas été renouvelés”. 

“Les uns et les autres ont prémédité leur coup”

Un argument auquel le parquet semble sourd. “Le tribunal a été saisi pour les faits d’intrusion. Les trois reconnaissent sans difficulté avoir pénétré dans l’établissement sans y avoir été invités. Les uns et les autres ont prémédité leur coup. Et par voie de conséquence ont causé le trouble qui pour moi est parfaitement caractérisé”, soutient le procureur.

Les avocats des prévenus reviennent sur les accusations de racisme à l’encontre du proviseur. Les surveillants en question s’étaient impliqués sur le sujet et demandaient des sanctions. Questionné, Fabien M. refuse de répondre. “Ce n’est pas le lieu pour parler de ça”, estime-t-il.

Du côté de la défense des parties civiles, l’avocat du proviseur, Bruno Lombard, demande 1000 euros de dommages et intérêts, 1000 euros pour les frais d’avocat. Et pour la proviseure adjointe, Joseph Grimaldi demande de “lui conférer, à travers les sanctions que vous allez prendre, le statut de victime qu’elle mérite”. Il réclame 10 000 euros pour préjudice moral et 1500 euros pour les frais d’avocats. L’agent judiciaire de l’État réclame quant à lui 16 000 euros en réparation du préjudice lié aux arrêts de travail qui ont suivi. Le délibéré sera rendu le 18 avril prochain.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Unjoursansfin Unjoursansfin

    Bonjour
    Attention vous mettez le nom entier d’un des prévenus au début de l’article (ensuite vous le designez par une lettre)

    Signaler
    • Yasmine Sellami Yasmine Sellami

      Bonjour,
      Nous avons gardé le nom et prénom d’Emmanuel Roux car c’est une figure connue localement pour son engagement syndical.
      Et nous avons volontairement maintenu l’anonymat pour les deux autres surveillants.

      Signaler
  2. julijo julijo

    les réquisitions du parquet : 1 an dont six mois ferme, puis deux mois de sursis….3 jeunes gens ont fait le choix de se placer dans une situation hors la loi. bigre, c’est la vérité !

    comme je suis très mauvaise langue, je compare avec les condamnations que l’on peut connaître, guerini, sarkozy, tant d’autres……qui ont eux, séquestrés du fric.
    et j’ai envie de gerber.

    Signaler
    • RML RML

      Ne pas confondre les réquisitions et les condamnations réelles…
      Et séquestrer des personnes est plus grave aux yeux de la loi séquestrer du fric ( et j’ai envie de dire ” heureusement “)
      Pour ce cas précis, j’ai été étonné, comme vous, de la lourdeur des peines demandées…
      Restent toutefois les violences que nie avoir commises l’accusé…l article ne parle pas de quelles violences. Matérielles ? Physiques? Ceci pouvant expliquer cela.

      Signaler
    • julijo julijo

      oui, vous avez raison, mais je ne confonds pas (les réquisitions dans le cas des “condamnés” que je citaient étaient à peine plus élevées que la peine finale)

      effectivement, les infos sont floues ou imprécises.
      le lycée victor hugo, son proviseur et son adjointe ont eu des attitudes un peu curieuses, et un poil outrancières concernant les impératifs d’habillements de lycéennes..
      il semble s’agir au départ d’un non renouvellement de contrats de certains aed -notamment ceux qui étaient syndiqués.
      bon, on verra bien

      Signaler
  3. Alceste. Alceste.

    Julijo,faites un jour la sortie de Victor Hugo concernant les tenues.Vous serez fixé.

    Signaler
  4. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Faire la sortie du Lycée ? Ben voyons ,c’est chelou !

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire