L’ex vice-présidente à la formation professionnelle de la région recrutée à l’AFPA
Ancienne vice-présidente en charge de la formation professionnelle à la région, la socialiste Pascale Gérard vient d'être recrutée à l'AFPA. Un acteur très important du secteur, qui a remporté de nombreux marchés régionaux. Une situation de conflit d'intérêts ? Elle s'en défend.
L’ex vice-présidente à la formation professionnelle de la région recrutée à l’AFPA
En ne se maintenant pas au second tour des élections de décembre, la gauche a perdu tous les mandats et emplois de collaborateurs de cabinet afférents à la région. Pour les concernés, il appartient désormais de rebondir au mieux. Pour la socialiste Pascale Gérard, ça n’aura pas traîné.
L’ex-conseillère azuréenne, élue depuis 1998, a exercé durant le dernier mandat le poste de vice-présidente de la région PACA en charge de la formation professionnelle. Le 4 janvier prochain, elle deviendra “directrice des relations partenariales et de la diversité” de l’Association pour la formation professionnelle des adultes plus connues sous son acronyme AFPA.
À l’AFPA, le syndicat Sud s’est étonné de cette arrivée. “Congédiée par le peuple le 6 décembre, elle retrouve un emploi le 22 décembre ! Bel exemple de sécurisation des parcours professionnels ! Elle est pas belle la République !”, s’agace le syndicat minoritaire dans un communiqué. L’élue refuse quant à elle de lier son arrivée à la défaite de la gauche, alors même qu’elle était candidate sur les listes Castaner : “Cela fait plusieurs mois que ma décision [de reprendre une activité professionnelle] était prise. Mais je m’étais engagée en mars à être sur les listes. Si j’avais été élue pour siéger dans l’opposition, j’aurais démissionné. Si nous avions été reconduits, je n’aurais pas occupé de fonction exécutive. J’avais envie de faire autre chose.”
La nomination de cette ancienne professeure des écoles peut pourtant poser quelques questions. Depuis une dizaine d’années, ce sont les régions qui pilotent la formation professionnelle. En PACA, cela représente un budget d’environ 300 millions d’euros par an, soit un huitième du budget global.
L’AFPA est toujours considérée comme faisant partie du service public de l’emploi. “Le président de l’AFPA est dans les faits toujours choisi par l’État”, note à ce propos un rapport de la Cour des comptes publié en janvier 2014. Toutefois, l’association ne reçoit plus de subventions mais doit, comme ses concurrents potentiels, concourir à des appels d’offres. Et les montants en jeu sont considérables : 37 millions d’euros en 2014 pour l’AFPA en région PACA¹, certains de ces marchés publics courant sur plusieurs années.
“Je ne vois pas où cela poserait un problème”
De quoi placer Pascale Gérard en situation de conflit d’intérêts ? La charte de l’élu local inscrite dans la loi en mars dernier précise que “dans l’exercice de ses fonctions, l’élu local s’abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel ou professionnel futur après la cessation de son mandat et de ses fonctions“.
Elle renvoie ainsi à la pratique bien connue mais rarement réprimée du “pantouflage” visé dans un article du code pénal et applicable depuis 2013 aux titulaires d’une “fonction exécutive locale”. Il concerne “une personne ayant été chargée […] d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décision”. Il lui est alors interdit “de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions”.
“La question est légitime, admet l’intéressée, connue pour son engagement contre les pratiques clientélistes, notamment auprès de l’association Anticor. Je me suis moi-même posé la question. J’ai regardé cela de très près, des juristes ont fait de même, j’y ai réfléchi moralement. Je ne vois pas où cela poserait un problème. À la région, je n’étais pas membre de la commission des marchés. On ne peut pas dire que c’est moi qui les leur ai attribués.”
Une influence nationale
Pascale Gérard est aussi une personnalité influente sur les questions de formation professionnelle. Elle a coiffé ces dernières années les casquettes de chargée de la formation professionnelle à l’assemblée des régions de France, de vice-présidente du Conseil national de l’emploi de l’orientation et de la formation professionnelles et de secrétaire nationale du PS sur ces mêmes questions.
“Je me suis demandé s’ils me recrutaient parce qu’en tant que vice-présidente de la région je défendais une vision élargie du service public, explique-t-elle. Mais je crois que c’était davantage mon réseau national qui a joué. J’ai notamment beaucoup travaillé sur la question du compte personnel de formation”, souffle-t-elle. L’année 2016 devrait être marquée par “un plan massif de formation des demandeurs d’emploi” annoncé par le président de la république lors de ses vœux. L’AFPA espère bien jouer un rôle actif dans ce plan évoqué depuis les régionales, comme l’a expliqué selon la CFDT son président Yves Barou lors du dernier comité central d’entreprise des 16 et 17 décembre.
Pascale Gérard assure qu’elle ne sera “pas en lien avec les régions” au nom de l’AFPA et s’occupera “des questions de précarité et des migrants en lien avec d’autres pays européens et des organisations nationales”. Contacté pour éclaircir le sens de cette embauche, le directeur de l’AFPA, Hervé Estampes, n’a pas souhaité nous répondre, mécontent d’un précédent article relatif à ses activités passées à Sciences po Aix. Il nous a simplement indiqué par SMS : “Les textes le permettent, qu’ils concernent les marchés ou la déontologie applicable aux élus. S’ils empêchaient le recrutement de Pascale Gérard, vous pensez bien que nous les aurions respectés.”
¹ Selon les données mises en ligne sur la plateforme Open PACA.
Commentaires
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Si c’est pas du petit bureau douillet sur mesure… Ce pays en crève de çà non?
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Franchement pour quelqu’un qui milite à anticor, on est limite limite limite …
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Un cas, dans la partie émergée de l’iceberg, où l’on se met en réserve de la république socialiste en attendant des jours meilleurs. Peut-être en réfléchissant aux causes de l’échec ? Plus certainement en réfléchissant à une stratégie du retour. Il s’agit là d’un cas d’une pratique assez généralisée après des évènements comme la perte d’une région par une équipe en place. Mais Marsactu, il faut dérouler l’écheveau de ces recasages. Voyons aussi quels techniciens de la région la dame va embaucher dans le service qui vient d’être créé pour elle à l’AFPA ?
La formation et l’économie sont deux secteurs de l’activité régionale qui prêtent à la critique. Pas d’évaluation très exigeante des prestataires de formation, dont certains comme l’AFPA ont été en position dominante, avec toute la stimulation à la qualité que cela suppose. Quelle sera l’intensité des remises en cause auxquelles pourrait procéder le nouveau président de région ? Ce ne sera sans doute pas une guerre, Estrosi va avoir besoin du PS face au FN.
C’est là que Marsactu a sa place : si la presse n’en parle pas, un voile pudique va recouvrir le sujet et ses acteurs. C’est bien que Marsactu renoue avec une tradition d’enquête dans laquelle il s’était illustré avec l’IEP d’Aix, sans rouvrir toutefois le dossier lors des dernières élections universitaires : https://marsactu.fr/des-diplomes-bidons-a-sciences-po-aix/#comment-36088
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Seconde lecture de votre article, en visitant aussi les textes des différents liens donnés dans votre article bien documenté.
On lit dans la petite biographie de Pascale Gérard au PS de Menton : « Vice-présidente de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (réélue conseillère régionale sur la liste des Alpes-Maritimes en 2004 et 2010) où je gère un budget de plus de 300 M€ par an. »
Dans votre article Pascale Gérard nous dit : « À la région, je n’étais pas membre de la commission des marchés. On ne peut pas dire que c’est moi qui les leur ai attribués. »
Sauf erreur (peux-tu nous dire comment fonctionne la mécanique Trésorier), la commission des marchés n’est là que pour vérifier la régularité de la passation du marché, dans le processus d’attribution.
Les attributions ne sont-elles pas décidées en commission, éventuellement dans le bureau du président ?
Quant à sa participation à Anticor, je vois qu’elle présidait la section des Alpes-Maritimes. L’association Anticor est souvent maquée à gauche, dans le cadre d’une opposition à des pratiques jugées mauvaises à droite. Il n’empêche que je connais une élue de gauche qui sait ce que clientélisme et népotisme veut dire, à qui on a laissé signer la charte Anticor qui proscrit les conflits d’intérêt. On avait d’ailleurs refusé cette signature au très voyant Mennucci. Il a alors obtenu cela auprès d’Amnesty.
La capacité d’esquive verbale des élus est remarquable, leur souplesse par rapport à l’éthique également.
Le syndicat Sud, habituellement très jusqu’auboutiste dans la défense des salariés, s’indigne à propos de ce recasage : http://www.sudfpa.net/index.php?option=com_content&view=article&id=658:l-afpa-colonie-bananiere&catid=8&Itemid=102
« A peine un mois après le naufrage de la flotte socialiste en PACA, l’AFPA accueille sa 1ère réfugiée politique !
« Pascale Gérard, qui était présidente de la commission formation professionnelle de l’Association des Régions de France et vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, vient d’être nommée par le président Barou « Directrice des Relations Partenariales et de la Diversité » (sic) de l’AFPA.
« Congédiée par le peuple le 6 décembre, elle retrouve un emploi le 22 décembre ! Bel exemple de sécurisation des parcours professionnels ! Elle est pas belle la république ! »
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JL 41,
Une CAO est une commission d’elus designes par le conseil deliberant de la collectivite, pour rendre un avis, non obligatoire, sur les differents soumissionnaires a un appel d’offre.
Le receveur municipal (votre serviteur) voire d’autres services de l’Etat (DGCCRF,…) peuvent y etre convies.
Il faut verifier prioritairement que tous les documents exiges soient fournis (NOTI2,…) et dans les temps.
Il faut ensuite analyser les propositions techniques et les noter, sur differents aspects aux coefficients differents. Une note globale est alors calculee. L’aide des services techniques locaux ou d’un expert conseil ou d’un maitre d’oeuvre , selon les cas, est souvent necessaire aux elus.
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Franchement dans cette affaire, on est au dela du pantouflage (je cherche a trouver un boulot en vendant mon carnet d’adresse a une societe que je controlais).
Il s’agit de recasage d’elus ayant failli, dans un organisme para public, biberonne a la subvention publique.
Enfin, l’AFPA va tres mal et l’intitule de sa fonction est du plus haut grotesque.
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@J.M. Leforestier: “souffle- t-elle” !! Mme Gérard serait-elle asthmatique? Pourtant elle n’a pas l’air d’en manquer (de l’air)! Merci de nous épargner cette béquille langagière qui se répand chez les journalistes; les homonymes à “dire” ne manquent pas. Bien cordialement.
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