Michel Samson vous présente
Sorties de crises

Le difficile retour au réel des retraités

Chronique
le 1 Juin 2021
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Alors que le déconfinement s'amorce, que garderons-nous de ces mois suspendus par la pandémie ? Le documentariste et auteur Michel Samson, a proposé à Marsactu de traquer les petits et les grands changements dans nos quotidiens qui pourraient bien laisser des traces sur le long terme. Une série de chroniques à découvrir ce printemps.

Le difficile retour au réel des retraités
Le difficile retour au réel des retraités

Le difficile retour au réel des retraités

Arthur l’adolescent était content de découvrir la visio grâce aux confinements. Michèle, 69 ans et retraitée du travail social, a trouvé, elle, des avantages à WhatsApp : cela lui a permis de “rester proche de (son) fils confiné en Patagonie”. Quant à Monique, 75 ans, qui lit l’Humanité et La Marseillaise tous les jours, les réunions du parti en visio, c’est non : “Sur mon petit téléphone, ça m’a énervé, j’ai arrêté”.

Marité, 75 ans, retraitée de l’enseignement et inlassable militante de la Cimade, a dû agir en visio, mais ces indispensables façons de faire ne lui ont pas plu. “Sur Zoom, ça dure, c’est long, c’est sérieux… Mais tu ne discutes pas, tu t’engueules pas, il n’y a pas d’échange en réalité et c’est épuisant”. D’autant que cette interminable période a rendu les régularisations dont elle s’occupe encore plus compliquées : “Il faut toujours téléphoner, tenir des permanences téléphoniques, rappeler untel… Tout est compliqué, plus long, démultiplié. On est tous au taquet !”. Un constat durable puisqu’elle constate, à la sortie du confinement, que tous les bénévoles sont, eux aussi, “fatigués”. Elle craint que “ces mauvaises habitudes” continuent “même quand tout sera redevenu normal”.

D’ailleurs, si lors du premier confinement on téléphonait régulièrement à la famille et aux amis, dès le deuxième ce courant s’est tari. Marité le vit d’autant plus mal qu’elle a dû interrompre ces deux séances par semaine d’aviron qui la tenaient en forme. C’est aussi pourquoi “retrouver les réunions au local de la Cimade a été un vrai bonheur : on peut même avoir des fous-rires !”

Marie-Jo Dho, 66 ans, ex professeure de lettres questionnée sur les effets probables de ces périodes évoque d’abord “une de [ses] nouvelles manières d’envisager le temps : plutôt pas comme une flèche pointée sur le futur, mais comme une série de “stations” imprévisibles”. Et continue : “Je pense que je suis devenue un peu plus solitaire (ou poseuse peut-être) et que ça c’est pas génial, c’est vrai ! La retraitée prend de l’âge, est moins agile à monter ou à sauter en route, mais on a moins que jamais envie de regarder en arrière”

“Je lis, je couds, je fais des mots croisés, les journaux tous les jours…”

Un constat proche de celui de Marité qui “n’a jamais ressenti tant de solitude” puisque les sorties au resto ou chez des amis “ces moments de respiration” étaient devenues interdites – et souvent même les proches avaient tendance à se cloîtrer chez eux. Inquiète, cette responsable administrative de Film Femmes Méditerranée, craint d’être moins intéressée. Intéressée à quoi ? “Moins…”, elle ne trouve pas le mot. 

Monique, pilier du Foyer du peuple de la place Pierre-Roux (où cette chronique a démarré), dit n’avoir pas trop souffert de cette année : “Je lis, je couds, je fais des mots croisés, les journaux tous les jours, je sais m’occuper”, alors que sa sœur, elle, “le supportait très mal. Surtout de ne pouvoir embrasser ses petits-enfants”. L’appel au Secours populaire, les réunions, discrètes (“on respectait les distances, y avait du gel”) lui auront rendu la période plus facile à vivre. Ce qui restera de ces isolements ? Toujours politique, elle répond : “On le sait, pour les élections par exemple, les abstentions vont encore être plus nombreuses. Et pour les jeunes… avec le chômage, je les plains”. Et peut-être que les gens “resteront encore plus individualistes” déplore cette éternelle engagée…

“J’ai pensé très fort à mon âge”

Marie Balazard, 75 ans, à la retraite depuis 12 ans après différents métiers, a souffert “des changements en raison d’un manque de transports en commun, dans ma vie sportive : plus de gymnastique ou de randonnée pendant un certain temps”. Interdite d’activité associative lors du premier confinement pour cause d’âge, elle a enfin repris ses maraudes pour le Secours catholique. “Et sur ce terrain, c’est presque identique ; souvent on connaît les gens qu’on aide, c’est la même clientèle. Et on ne distribue pas les Vache qui rit avec Zoom !”. Ses préoccupations restent les mêmes, puisque qu’elle avait répondu ainsi à mes premières questions : “O, temps suspends ton vol et vous … Restez dans votre immobilisme, dans votre infantilisme, dans votre absence de lien social, dans votre nombrilisme, dans un monde où (hors covid), l’autre n’arrive plus jusqu’à vous, dans un rétrécissement du monde…”

Une amère ironie, qu’on sent poindre chez ces retraitées qui avouent parfois avoir “un peu trop bu, trop mangé” parce que les journées ont été vécues comme trop longues quand ils/elles étaient seules. Monique le formule ainsi : “C’est sur le plan humain que ça a beaucoup marqué, oui humain. Je crois que ça restera longtemps pour ceux qui ont perdu un proche ; un traumatisme pour des années”, poursuit celle qui constate quand même que la réouverture des terrasses de Foyer du peuple semble enchanter les habitués qui y retrouvent leurs marques. Sourire un peu amer, Marité se demandait : “Je ne sais pas ce qui va rester, mais… J’ai pensé très fort à mon âge. Comme jamais”.

Commentaires

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  1. Pascal L Pascal L

    En plus des mots croisés, j’écris des commentaires sur Marsactu, ce que je ne faisais quasiment jamais avant ! Et il me semble n’être pas le seul retraité dans ce cas …

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