[C’est mon data] Dans quel état est l’école de votre enfant ?

Décryptage
le 29 Mar 2021
8

La Ville de Marseille a mis en ligne l'intégralité de l'audit des écoles mené en 2019. Mais difficile de s'y retrouver parmi les centaines de fichiers et tableurs qu'il contient. Pour y voir clair, Marsactu a fait le tri et vous propose une carte, avec son mode emploi pour connaître la situation exacte de chaque établissement.

Salle de classe de l
Salle de classe de l'école Estaque Plage. Photo JV.

Salle de classe de l'école Estaque Plage. Photo JV.

Un an après sa livraison, l’audit des écoles est désormais public en intégralité. En 2019, après plusieurs années de critiques récurrentes sur l’état des locaux scolaires, ce travail d’envergure avait été confié par la Ville de Marseille à deux bureaux d’experts “indépendants”. Le but ? “Établir, loin de toute polémique et de tout parti-pris, un diagnostic technique complet du patrimoine scolaire”, résumait à l’époque la municipalité Gaudin. Mais l’exercice de transparence avait tourné court. En janvier 2020, à deux mois des municipales, seule une synthèse avait été communiquée, qui concluait que “l’état général des écoles se situe entre moyen et satisfaisant”.

Dès son arrivée à l’hôtel de Ville, la nouvelle équipe municipale a été confrontée à des demandes, dont celle de Marsactu, de publication de ces documents restés sous clé. Le Collectif des écoles de Marseille, qui regroupe des parents d’élèves, en a fait une de ses priorités. La Ville, qui justifiait le délai par un travail d’anonymisation à mener sur les rapports a donc fini par les rendre accessibles à tous. Mais accessible ne veut pas dire facile à lire.

Tableur de 225 000 lignes

En effet, cette publication prend la forme d’un fichier au format tableur de 1497 lignes, où l’on trouve les liens permettant de télécharger des documents. Cela complète un autre fichier, envoyé à la presse et au Collectif des écoles en décembre, et qui comportait 225 000 lignes. Celui-ci constitue un gigantesque tableau des notes données par les sociétés d’audit, salle par salle, thème par thème, assorties de commentaires.

Pour rendre leur consultation plus aisée, Marsactu a regroupé les documents de chaque école ou groupe scolaire sur une carte interactive. Nous y avons ajouté le nombre de “dégradations critiques”, la pire note, repérées dans ces sites.


Cliquez sur les points pour afficher les documents à télécharger

Si vous êtes parent d’élève, vous voilà donc en possession des documents concernant l’école de votre enfant. Selon les cas, cela peut aller de un à plusieurs dizaines. Un petit guide de lecture s’impose donc.

Des notes très moyennes

Parmi la pile que vous venez de télécharger, ouvrez tout d’abord la ou les synthèses. Car il y en a autant que de bâtiments. C’est le cas à Bonneveine (8e), où l’on compte une école maternelle, deux écoles élémentaires, un gymnase, une conciergerie et un réfectoire, tous traités à part. Ces documents d’une ou deux pages vous donnent, en un coup d’œil, le bulletin de notes général des locaux pour les 37 thématiques allant du toit au chauffage en passant par l’acoustique. La notation va de 1 pour “dégradation critique”, les plus urgentes, à 5 pour “parfait”, en passant par 2 pour “médiocre”, 3 “moyen” et 4 “satisfaisant”.

En janvier 2020, la Ville avait communiqué ces notes, mais en effectuant une moyenne par grand groupe d’écoles. Les 43 écoles dites “Egger”, du nom de l’architecte qui les a dessinées en masse après la Seconde guerre mondiale, voyaient leurs faux-plafonds notés 3,9 en moyenne. On sait désormais que pour l’école élémentaire Peyssonnel II (3e), qui appartient à cette catégorie, cette note est plus précisément de 3,7.

Les notes des locaux de l’école élémentaire Peyssonnel II.

Mais ce n’est encore qu’une moyenne des différentes salles inspectées, qui masque un point critique dans l’une des toilettes de cette école : “faux plafond démonté entièrement, réseaux apparents”, lit-on dans la fiche de cette pièce. Idem pour les “revêtements murs et cloisons intérieures”. La note est de 3,2 mais un gros problème a été relevé au sein de la cantine : “pieds de doublages détruits, invasion de rongeurs”.

Si vous êtes dans une école du Sud ou de l’Est (1er arrondissement et du 6e au 12e), les voyants rouges seront plus visibles. Frappée de certains écarts de notation en fonction du cabinet qui a réalisé l’audit, la Ville a scruté ces points noirs et les a homogénéisés à partir des commentaires fournis. Un grand nombre d’alertes ont été rétrogradées au Sud. Mais l’analyse des services municipaux a parfois été dans le sens inverse. À l’école maternelle du parc Bellevue (3e), le cabinet d’audit Apave signalait une “chute de pierre des sculptures” et des “fissures en façade”. Cette note 2 a été revue en 1 pour être traitée prioritairement.

“Fissures” et “risque de ruine subite”

On l’entrevoit avec ce dernier exemple, les cabinets privés ont parfois sonné des alarmes sur l’état même des structures des bâtiments. Cela contredit la communication de la Ville de janvier 2020. “La bonne nouvelle, c’est qu’aucun bâtiment n’est menaçant”, se félicitait l’adjointe aux écoles Danielle Casanova. “Tous les enfants et les personnes qui les fréquentent sont en sécurité à cet égard”, insistait la synthèse publiée à l’époque.

Rencontré en septembre, alors qu’aucun autre élément n’avait filtré, son successeur Pierre-Marie Ganozzi témoignait lui aussi de son soulagement : “On n’est pas sur des dangers graves et imminents. Moi, ma crainte, c’était la rue d’Aubagne.” Mais si aucun bâtiment n’a été fermé après le passage des auditeurs, il a toutefois trouvé des cas limites en arrivant, en juillet 2020.

risque de corrosion accrue des aciers et donc risque de ruine subite du balcon

Fiche école élémentaire de la Roseraie

“Décollement du balcon par rapport à la façade : fissure tout le long de la façade avec risque de corrosion accrue des aciers et donc risque de ruine subite du balcon”, lit-on dans une fiche de l’école élémentaire de la Roseraie (7e). “Mur de soutènement qui assure la clôture de l’enceinte de l’école présente de nombreuses fissures non stabilisées. Renforts d’urgence à prévoir”, alerte une autre à la maternelle Jean-Mermoz (8e).

Extrait d’une “fiche pathologie” de Qualiconsult à l’école Jean-Mermoz.

Une photographie prise fin 2019

Selon la Ville, plus de 67 % des 843 points critiques ont déjà été levés.

Si le nouvel élu parvient à “dormir la nuit”, c’est que la plupart des notes 1, les problèmes les plus graves, ont été traitées l’été dernier, lorsque les écoles étaient fermées, à commencer par les problèmes de structure et de sécurité incendie. Les documents publiés ce mois-ci reflètent en effet l’état des écoles fin 2019, sans tenir compte des travaux menés en réaction. À la Roseraie, un confortement a été réalisé en août. Pour Jean-Mermoz, cela a été fait pendant les vacances de la Toussaint. Selon la Ville, plus de 67 % des 843 points critiques ont ainsi déjà été levés, même si certains chiffres restent à actualiser.

En décembre, la Ville revendiquait plus de 55 % de points traités, dont environ 11 % finalement déclarés “sans objet”. Il peut s’agir de nombreuses remarques sur l’absence d’alarme incendie dans certains locaux, où il n’y a “pas d’obligation réglementaire”, explique la Ville. Idem lorsque les bâtiments sont désaffectés.

L’objectif affiché est d’atteindre 90 % dans l’année. Les 10 % restants, précise la Ville, concernent les écoles GEEP, ces établissements des années 1960 qui concentrent de nombreux problèmes, notamment d’isolation. “On chauffe les petits oiseaux”, ironise Pierre-Marie Ganozzi.

Le sort des écoles GEEP remis à plus tard

La municipalité Gaudin pensait un temps démolir et reconstruire l’ensemble des 31 groupes scolaires GEEP, avec un partenariat public-privé qui devait aboutir à de premières inaugurations à la rentrée 2021. Mais il a été annulé par la justice et seuls trois établissements ont depuis fait l’objet d’un plan B. Pour Pierre-Marie Ganozzi, l’idée est de faire du cas par cas. “L’école Azoulay était vouée à être détruite. Il se trouve que son directeur la trouve très grande et je ne crois pas que les parents d’élèves soient arc-boutés là-dessus. Je ferai de la concertation et on verra ce qu’il en sort”, illustrait-il en septembre.

Arrivée à 100 % des points critiques résolus, la Ville n’aura encore traité que l’urgence.

La logique n’a pas bougé, même si des études de sol sont en cours sur l’ensemble des sites pour préciser la capacité des fondations à encaisser une rénovation lourde. Un établissement, Malpassé-les Oliviers (13e), qui arrive premier en nombre de points noirs, devrait être traité en priorité dans le cadre du programme de rénovation urbaine du quartier. Parmi les casse-têtes, celui du déplacement ou non des cours pendant les travaux, en fonction de leur impact et des possibilités d’écoles de rabattement.

Arrivée à 100 % des points critiques résolus, la Ville n’aura encore traité que l’urgence. S’y ajouteront la mise aux normes plus générale de locaux parfois exigus ou datés, avec la question de l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite et surtout la construction de nouvelles écoles dans les secteurs où la démographie pousse fort. Ces thématiques, avec celle du personnel et des rythmes scolaires, sont censées nourrir le plan écoles d’avenir, qui devrait être présenté avant l’été.

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Jean Pierre RAMONDOU Jean Pierre RAMONDOU

    Concernent l’école Coin-Joli, il me semble, qu’il n’est pas mentionné qu’elle est incluse dans la fermeture du lotissement Coin-Joli et n’a pas d’accès handicapé.

    Signaler
  2. Dark Vador Dark Vador

    Aïe aïe aïe… Mon anti-virus (GData) bloque l’ouverture du site pour lire les tableaux! Motif : ce site contient un code infecté… 😢😢😢

    Signaler
    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour,
      de quel site (et de quels tableaux) s’agit-il ? Vous cliquez depuis la carte ?

      Signaler
  3. toto toto

    Très bien MArsactu. Ce travail aurait dû être fait par la mairie de MArseille.
    On attend bien sûr la liste des travaux réalisés depuis… Peut-être sera-t-elle mise à disposition dans un an ou deux vu le délai pour ces audits.
    Il est à notrer que ces audits sont de qualité inégale.
    Celui de l’Apave est scandaleux. Il faut dire qu’on en a probablement pour l’argent qu’on y a mis.
    Celui de Qualiconsult est bien plus complet, lisible et exigeant. Des éléments qui sont critiques pour Qualiconsult ne le sont pas pour l’Apave.
    Il est quand même inquiétant que la mairie se base sur des audits qui n’ont fait qu’un constat visuel (cf appel d’offre). Je n’ai pas vu la trace d’expertises supplémentaires. Donc concernant la structure des bâtiments (murs gorgés d’eau…), en tant que parent, c’est déjà pas très rassurant… Je ne dormirais pas sur mes deux oreilles si j’étais adjoint en charge du bâti…

    Signaler
  4. Pierre12 Pierre12

    « Pour Pierre-Marie Ganozzi, l’idée est de faire du cas par cas. »
    Très ambitieux à la base, comme toujours lorsque l’on est dans l’opposition, le plan avenir va se terminer par un coup de peinture, faute de moyens…et quelques écoles construites pour 2030.

    Signaler
    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Sur ce sujet grave – il s’agit juste de l’avenir de nos enfants -, l’ironie doit juste tenir compte du fait que la nouvelle municipalité hérite des conséquences du je-m’en-foutisme de la précédente, et se trouve face à un mur d’investissements qui n’aurait pas dû exister si cette dernière avait fait son boulot pendant un quart de siècle.

      Jusqu’à la parution du dossier de Libé sur les écoles de Marseille, “honte de la République”, le site internet de la ville annonçait triomphalement qu’en vingt ans, 32 écoles avaient été réhabilitées ou construites. Moins de deux écoles par an. Ce paragraphe a disparu, curieusement, dans les jours qui ont suivi cette parution.

      A ce rythme, compte tenu d’un parc d’environ 450 écoles, c’est un cycle de 280 ans qui aurait été nécessaire pour remettre à niveau la totalité d’entre elles. Si l’on considère qu’une école a une durée de vie, sans gros travaux, d’une cinquantaine d’années, ce sont 8 à 10 écoles par an qu’il aurait fallu rénover : ce n’est pas beaucoup, mais encore faut-il le vouloir, et penser un peu au-delà de l’échéance électorale suivante.

      Signaler
    • Alceste. Alceste.

      Tiens de retour ?
      Une question simple et directe.Que pensez vous de la politique des écoles de l’ancienne majorité ?.

      Signaler
  5. Alceste. Alceste.

    Commentaire adressé à Pierre 12

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire