Européennes : qui occupera la place à gauche du PS ?
Européennes : qui occupera la place à gauche du PS ?
Tafta habille les européennes. À la gauche du PS, mis à part la politique du gouvernement, ce sont les négociations en cours autour du traité de libre échange transatlantique qui font figure de catalyseur de la campagne. Tous espèrent profiter de l'appel d'air créé par la déroute annoncée des listes socialistes. Au point d'agacer Henri Weber, eurodéputé socialiste : "L’extrême gauche et EE-LV ont choisi de faire des négociations commerciales entre l’Union européenne et les Etats-Unis leur principal point de clivage avec le parti socialiste et leur argument majeur de campagne", constate-t-il dans une tribune titrée "Assez de démagogie".
Avec Europe écologie, Front de gauche, Nouvelle Donne, Régions et peuples solidaires, Féministes pour une Europe solidaire, Lutte ouvrière, l'éventail offert dans l'isoloir sera large pour les citoyens désirant voter à gauche tout en évitant le PS. Si ces formations se retrouvent dans leur opposition à Tafta, les deux forces alternatives au PS qui comptent des députés sortants (Europe Ecologie-Les Verts et le Front de gauche) ne partagent pas exactement la même vision de l'Europe. Sur les dix dossiers emblématiques de la mandature 2009-2014 sélectionnés par le site Vote Watch, quelques différences apparaissent même si la majorité des votes converge.
Secrétaire national du Parti de gauche, composante du Front de gauche, Eric Coquerel formule : "Il y a une liste de co-gestion [le PS, ndlr], une liste de réformes de l'intérieur [EELV] et une liste de contestation, de résistance". Une démarcation illustrée par le mot d'ordre affiché dans le manifeste du Front de gauche : "Rompre et désobéir : assumer l’affrontement pour ouvrir des brèches". À Nouvelle donne, Rémy Rivier, n°5 sur la liste, se situe plutôt dans la deuxième catégorie. "Ce n'est pas que le système est mauvais, c'est qu'il n'est pas régulé". La réforme de l'intérieur donc, "mais à l'extérieur du PS car on a bien vu que ça ne marche pas", souligne Sandrine Lopez, coordinatrice du parti à Marseille. Pour ce "jeune parti", certains sujets sont encore "sans position", à l'image du nucléaire ou de la dette. "Nous proposons de refinancer la vieille dette, mais une partie pense qu'il faut l'effacer", illustre-t-elle. Un congrès devrait clarifier ces points à la fin de l'année, avant une éventuelle campagne des régionales.
Les écologistes tentent de limiter la casse
Mais pour ce parti créé en novembre 2013, la bataille risque d'être rude pour obtenir un premier poste à Strasbourg. Il faut réaliser au minimum 5% des voix pour pouvoir espérer obtenir un siège. Même en cas de déroute du PS, cela n'éclaircit pas la voie à gauche car c'est surtout le Front national qui pourrait s'adjuger des sièges supplémentaires. En 2009, il n'en avait pris qu'un, avec un score de 8,49% loin des tendances actuelles. Europe Ecologie alors allié avec Régions et peuples solidaires avait au contraire fait le plein avec trois députés (dont 1 RPS). Et même quatre en comptant Karim Zéribi, élu sur les listes socialistes en tant que "société civile" mais depuis encarté au parti écologiste. La chute risque d'être lourde, dans un contexte de dispersion illustrée par le parcours de deux de ses sortants. Malika Benarab-Attou est passée à Nouvelle donne, tandis que le mouvement de François Alfonsi, Régions et peuples solidaires, n'a pas renouvelé l'alliance avec EELV.
"Nous avions un eurodéputé sortant qui a un bon bilan, qui a toujours voté avec les Verts européens, malgré cela et la cohérence de nos projets politiques, ils ont sacrifié tout ça au profit de Karim Zéribi notamment par rapport à des enjeux internes au parti", se désole Peire Costa, du parti occitan. Malgré les convergences, la tension a grimpé ces derniers mois autour d'une "rétractation jacobine", dixit le bras droit de François Alfonsi, avec "un soutien aveugle à l'émergence des métropoles, antinomique avec le projet régionaliste". Les municipales bastiaises ont aussi donné lieu à des crispations en Corse : EELV a soutenu François Tatti face au nationaliste de Femu a Corsica Gilles Simeoni.
Europe écologie présente une liste à deux têtes. Les tensions de la désignation du n°1 ne sont pas oubliées et les relations entre Karim Zeribi et l'eurodéputée sortante et fondatrice de la Criirad Michèle Rivasi ne se sont jamais apaisées. Mais, dans un intérêt commun bien compris, les deux élus ont concentré leur campagne sur les aspects les plus écolos de leur action au parlement. Des appellations d'origine contrôlées dans l'agriculture que le Tafta pourrait menacer à l'idée phare de leur campagne – un euro investi pour les énergies renouvelables amène un euro européen en complément – ils marquent ainsi leur différence. Ils espèrent profiter d'un contexte jugé plutôt favorable : un candidat PS impopulaire, Vincent Peillon, qui devrait payer sa réforme des rythmes scolaires, estime-t-on en interne et une liste UDI-Modem moins verte qu'en 2009 puisque l'eurodéputé sortant Jean-Luc Bennahmias, ancien membre des Verts, n'est plus de l'équipe centriste. L'ambition étant pour cette fois-ci plutôt de sécuriser deux sièges.
Au Front de gauche, l'objectif est semblable. Avec 5,9%, il avait obtenu de peu un siège pour Marie-Christine Vergiat. Il espère en conquérir un deuxième, ce qui nécessite d'atteindre 11%, calcule Eric Coquerel, qui occupe cette position charnière sur la liste Sud-Est. "On peut se retrouver à perdre un député avec cet émiettement, regrette-t-il. Mais le problème pour nous ce n'est pas tellement Nouvelle Donne, c'est de mobiliser notre électorat, qui est dans un refus vis-à-vis de l'Union européenne. Et du refus à l'abstention… EELV est dans une situation différente avec un électorat qui s'inscrit dans l'Europe."
"Nous avons besoin de vous"
Le Front de gauche travaille donc son coeur de cible. Mercredi, quatre des cinq premiers candidats de la liste participaient à Marseille à une rencontre avec des syndicalistes de l'industrie des Bouches-du-Rhône. "Je vais vous le dire clairement, pour les européennes nous avons besoin de vous", leur a lancé Eric Coquerel. "Toutes les boîtes en lutte ont demandé à nous rencontrer, commente Jacques Lerichomme, n°4 sur la liste Front de gauche, qui cite en exemple les Fagor/Brandt. Nous avons fait une campagne de terrain, avec une multitude de petits événements. L'autre jour j'étais avec des producteurs de lavande. Il y avait 10 personnes, mais ensuite le bouche à oreille fonctionne". Il espère aussi bénéficier d'une dynamique européenne : "Avec Alexis Trispras, notre candidat à la Commission européenne, et son parti Siriza, qui est désormais la première force politique en Grèce, les gens ont conscience que nous ne sommes pas une force politique isolée en Europe."
À Nouvelle donne, à côté de quelques "cafés citoyens", on revendique "une campagne à 90% numérique". Une manière de contourner un accès difficile aux grands médias. Une stratégie qui vise aussi les 65% d'abstentionnistes chez les moins de 30 ans. "Deux tiers de nos adhérents n'avaient jamais été encartés nulle part", souligne Rémy Rivier, pointant du menton Victor, qui a sauté le pas à 18 ans et quatre jours. Mais la force de frappe reste limitée en terme d'affichage. Les militants se désolent devant les alignements de panneaux électoraux aux couleurs de Renaud Muselier. "On a envie de dire « que fait la police ? »", commente Sandrine Lopez. Après des difficultés avec un prestataire, Nouvelle donne a reçu 900 affiches de Paris et tente d'occuper le terrain dans la dernière ligne droite. "Si on était parti trois mois plus tôt, on aurait pu faire un autre score", glisse un militant.
Régions et peuple solidaires, à l'implantation militante plutôt localisée (Corse, Savoie, Provence), accueille avec soulagement un relais officiel. "Depuis que notre clip de campagne passe à la télé et la radio, on reçoit plein de messages encourageants comme « Je suis en Ardèche et de gauche, impossible de voter PS vu leur bilan. Mais EELV ce sont des bobos, le Front de gauche est jacobin, je vais voter pour vous »", raconte Peire Costa. Il compte aussi sur "la Corse qui est hyper mobilisée derrière François Alfonsi, le seul en position éligible". Mais, au jeu des grandes eurorégions, la Corse ne pèse que 200 000 électeurs dans une circonscription Sud-Est qui en compte sept millions et demi…
Commentaires
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Ça fait du bien de voir des gens qui font de la politique autrement, Nouvelle Donne amène un souffle d’air frais sur la politique.
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Votre article est intéressant,et particulièrement le tableau récapitulant les votes,mais appelle,selon moi,quelques précisions essentielles: – Deux listes seulement se battent contre le traité transatlantique de libre échange (dans le sillage des alertes d’attac et de la fondation Copernic),et prennent l’engagement de le rejeter dans leur profession de foi: Le F.D.G ,(dans le sillage de ses combats précédents),et les Verts (c’est plus nouveau,mais c’est un engagement ferme). Les autres listes,dans ce même document n’y font aucune allusion. Quand on sait les conséquences prévisibles de ce traité,socio-économiques,écologiques,en matière de normes sanitaires et surtout en matière de démocratie et de souveraineté (tribunaux arbitraux,prévalents sur les juridictions nationales et mettant à l’amende l’état et nos collectivités locales pour les “obstacles” non tarifaires aux libres investissements des multinationales…),cette “impasse” est de taille et devrait faire réfléchir les électeurs! -Ensuite,il y a l’histoire qui conditionne et révèle toute organisation : Les Verts ont approuvé et se sont battus (avec le P”S”) pour tous les traités qui ont ficelé l’U.E que les peuples ont à présent sur le dos (Maastricht,Amsterdam,traité constitutionnel et sa suite,votée à l’insu de notre plein gré par l’assemblée nationale, Lisbonne,aprés l’échec de leur referendum). Le F.D.G, et son “antécédent” le P.C.F les ont tous combattus,y compris victorieusement lors du referendum de 2005.Cela fait également une grooossse différence,essentielle! – La palme revient une fois de plus au P”S”(ici à Henri Weber) qui s’inquiète de l’importance que prends le traité transatlantique dans la campagne. Il a Bien raison,lui qui a donné un mandat secret à la commission pour une négociation discrète,avec les U.S.A et les lobbys,commencée depuis 13 mois! ET il a bien tort,lui qui,en matière de démagogie reste toujours le premier de la classe,en écrivant sur ses affiches électorales “non a l’austérité européennes”,cette austérité qu’il organise à Bruxelles et Strasbourg comme à Paris. Le groupe sociaux-démocrates co-gère avec le P.P.E et les centristes depuis de nombreuses années au parlement,et s’apprête à le faire officiellement,dans le cadre d’une “grande coalition”,vu la perte attendue de nombre de députés pour ces co-gestionnaires?
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@Homme des bois: Concernant les verts,je suis tout à fait d’accord avec vous,mais d’une part,je ne voulais faire qu’une intervention courte,d’autre part,j’étais bien moins documenté que vous et,notamment,j’ignorais la dernière “faiblesse” citée en mai 2013. Ce que vous indiqué ne se trouve pas seulement sur le site de Melenchon mais également (en moins documenté)sur celui de Politis,dans un bon article de Michel Soudais sorti cette semaine. Plus généralement,je considère que sur l'”europe”il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier entre le P”S” et les verts et que c’est dans ce domaine que leur complaisance permanente avec la mondialisation capitaliste et ses “valeurs”(mise en concurrence des peuples ) est la plus prégnante et la plus dangereuse (Cohn Bendit en est le meilleur symbole,mais ils sont tous sur cette ligne et Bové,c’est bien dommage,ne leur sert que de caution).Je les nomme le plus souvent E.e.L.v et les considère comme des eurobabaphiles. J’ai toutefois tendance à penser (conservant un reste d’innocence) que sur le traité transatlantique,ils auront du mal à se dénier,une fois de plus,tant les dégâts écologiques et sanitaires serait immédiats,massifs et probants. Ils y perdrait la “crédibilité” qu’ils ont su jusqu’à présent,trés habilement conserver,du moins en partie. ON verra,mais je ne recommanderai à personne,ni cette fois ni pour les autres,de voter pour eux. Quand à “Nouvelle” Donne,je les considère tout à fait comme une succursale du P”S”,un grand classique pour ce genre d’élection,et ne leur envoi pas dire. Je me permet de vous renvoyer à l’échange,trés polémique,que j’ai eu avec “eux” sur l’article de Marsactu concernant leur site “bloqué” dans les services municipaux. Trés polémique,car étant une succursale du P”S”,nous avons à faire ici à une succursale du P.”S” marseillais(on est privilégiés!) avec les moeurs politiques et polémiques idoines! – Electeur du 8°,ce que vous dites,concernant les déclarations de “Nouvelle” Donne à propos du TAFTA,est exact,mais vous pouvez constater qu’ils ne poussent pas l’honnêteté politique (ils sont assez démunis en la matière) jusqu’à en parler dans leur profession de foi,pas un mot,et donc ne prennent aucun engagement à ce propos,ce qui est une “bonne” manière d’annoncer la couleur de leurs actes à venir!
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