Charlie Hebdo à Marseille, tous aux abris ?
Charlie Hebdo à Marseille, tous aux abris ?
On s'en souvient, après une semaine d'irruption de violences et de (peu représentatives) manifestations dans le monde entier à la suite de la diffusion du film – brûlot – islamophobe "l'innocence des musulmans", Charlie Hebdo avait publié de nouvelles caricatures du prophète Mahomet. Initiative qui avait provoqué une polémique dans l'opinion publique, jusqu'aux propos du premier ministre Jean-Marc Ayrault, exprimant "sa désapprobation face à tout excès […] dans le contexte actuel". Il n'était alors pas le seul, loin s'en faut.
A Marseille, pourtant, la publication est sortie sans heurts. Mais pas sans bruit. A la porte d'Aix, un seul manifestant, Omar Djellil, a alpagué les rares curieux en brandissant quelques affichettes sur lesquelles on pouvait lire "Porcs Hebdo". Face à près de soixante CRS, une horde de journalistes et un hélicoptère, cet associatif sulfureux pour ses accointances avec l'extrême-droite a clamé : "Je suis peut-être le seul mais je suis porte-parole d'une majorité silencieuse".
C'est dans ce contexte – mais en l'ayant prévu de plus longue date – que Le Ravi, mensuel satirique régional, a décidé d'inviter Charlie Hebdo à l'occasion de la parution de son centième numéro, qui tombait en même temps que les 20 ans du journal national. Les directeurs de la publication et de la rédaction de Charlie Hebdo, Charb et Riss, ont répondu présents pour participer samedi prochain à un débat sur la liberté de la presse à la bibliothèque nationale de l'Alcazar, suivi d'une séance de dédicaces à l'Equitable café.
"Contraint d'annuler"
Étrangement, l'Alcazar qui propose par ailleurs une rétrospective sur les 100 numéros du Ravi, n'a pas inscrit sur sa page d'accueil la tenue du débat sur la liberté de la presse. Le nom de Charlie Hebdo ne figure nulle part. Initialement, la librairie Maupetit devait assurer la table de presse. "Ils étaient d'accord", nous indique Stéphane Sarpaux, journaliste au Ravi. "Quelques jours plus tard Charlie Hebdo sort sa une, et la librairie se désiste. Ils ne sont pas les seuls, cela c'est également produit dans d'autres villes où Charlie Hebdo devait se rendre à l'occasion de leur vingtième anniversaire." Le directeur de la publication Charb nous fait parvenir un extrait du message envoyé par le directeur de la librairie Maupetit Damien Bouticourt :
Les réactions au dernier numéro de Charlie Hebdo me font craindre pour le bon déroulement de cette rencontre que je me vois contraint d'annuler.
Damien Bouticourt explique qu'il n'a reçu "aucune pression" ni subi aucune menace. "Seulement il ne fallait pas provoquer quoi que ce soit, ce n'est pas la peine d'entretenir les passions. Nous voulions faire quelque-chose de festif lorsque nous avons accepté la venue des journalistes de Charlie Hebdo. Il aurait fallu que ça le reste, notre librairie n'est pas un lieu pour recevoir un car de CRS". Il ajoute que "dans trois mois, s'ils le veulent, ils seront à nouveau les bienvenus". Finalement, la librairie militante de l'Arbre a accepté d'assurer la table de presse. Xavier Pene, qui en est le gérant et directeur, n'a pas hésité : "La dernière Une de Charlie Hebdo peut prêter à controverse, je ne suis pas sûr qu'elle soit très judicieuse. Mais cela ne nous empêchera pas de fêter les 20 ans de Charlie Hebdo".
"Politiquement intéressant de le faire"
Du côté de l'Equitable café, où se tiendra la séance de dédicace, même son de cloche, mais une réponse donnée uniquement par mail, après une concertation au préalable avec toute l'équipe : "On était pas tous d'accord sur la ligne éditoriale mais on a décidé de prendre le risque parce qu'on pense que politiquement c'était intéressant de le faire, et puis on est un peu libertaire. Nous avions déjà reçu au café Sylvie Coma, Gérard Biard et Le Ravi en 2010 pour un débat intitulé " la satire est-elle une arme pour lutter contre l'extrême droite ?" En ces temps de prohibitions morale, on a trouvé ça intéressant de réitérer. […] Comme on vous l'a dit, certains membres de l'équipe trouvaient la Une provocatrice, mais "le contexte mondial ne sera jamais favorable à rigoler de l'islam radical ou des religions en général. Si on tient compte du contexte, on ne parle plus de rien, jamais, la presse satirique est condamnée et c'est foutu", disait Charb. C'est ce que pensent certains membres de l'équipe."
Quant à savoir si cela les inquiète tout de même un peu de les recevoir, la réponse servie, non sans humour, semble claire : "Non. Grâce à toutes les caméras high tech placées dans le quartier de la Plaine et du cours Julien, les policiers pourront anticiper l'émeute." La réaction du public vis-à-vis de la décision du café paraît très mitigée. "Certains se sont étonnés que l'on accueille un journal qu'ils qualifient de haineux, raciste. Est-ce possible de permettre à Charlie Hebdo de répondre ? La politique de la chaise vide ne vaut rien." Aucune menace, nous affirme t-on. "Ah si, il y a un mec qui nous a menacé de nous abonner à Marianne."
Vendredi matin, des policiers devraient inspecter les lieux et les trois policiers qui escortent désormais les journalistes Charb et Riss dans leurs déplacements seront fidèles à leur poste durant la manifestation, d'après Stéphane Sarpaux. En attendant, vous êtes invités à assister au débat sur la liberté de la presse, samedi à 13 h 30 à l'Alcazar ( 58 cours Belzunce) et à la séance de dédicaces à l'Equitable Café à 15 h 30 (54 cours Julien, Marseille 6e).
Commentaires
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Personnellement je la trouve excellente cette une de Charlie Hebdo puis c’est plutôt “gentil” je vois pas en quoi elle peut être choquante.
Bon, dessiner un pape avec un crucifie dans le cul ou le prophète Mahomet à poil je trouve que ça relève plus du mauvais goût que de la “haine” et du “racisme” ou encore de “l’islamophobie”!
Traiter l’Islam différemment du Catholicisme s’apparente pour moi à une sorte de discrimination, aussi “positive” soit-elle, puis c’est surtout faire gagner une minorité d’intégristes et faire l’amalgame entre ces derniers et l’immense majorité des français musulmans qui sont des gens ouverts et qui, j’en suis sûr, sont dotés d’un bon sens de l’auto-dérision.
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j’aimerais bien rencontre un journaliste de charlie hebdo merci
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– Ce n’est pas le problème : d’abord il y a aucun risque à s’attaquer en France à l’islam ou au FN, qui n’ont aucun pouvoir réel. Les critiques contre “Charlie-Hebdo” ne viennent pas seulement du FN ou des musulmans, mais de partout sauf de l’UMP. C’est une preuve d’amitié des CRS que de vouloir escorter Charb partout. Vu les leçons de morale distribuées pendant des années par le curé Philippe Val, il me semble que “Charlie” pourrait mettre la pédale douce sur la critique des religions qui ne sont pas 100% politiquement correctes comme la leur.
– Le fond du problème c’est que c’est un vieux truc colonial d’invoquer la barbarie de la culture des pays colonisés pour justifier le pillage de leurs richesses. Et que, bien sûr, “Charlie-Hebdo” rentre dans ce jeu de la provocation, sans doute plus par bêtise que par méchanceté, mais ça revient au même.
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