Les Marseillais tanqués à Avignon
Les Marseillais tanqués à Avignon
Le 25 juillet 1995, au milieu d'une partie de pétanque, quelque part en Provence, la radio distille son venin: une bombe posée par des islamistes algériens explose dans le RER B, station Saint-Michel. Le boulodrome se mue en arène où quatre personnages issus de tout horizons jouent, tentent de faire triompher leur vérité, leur mémoire vive et douloureuse autour de la guerre d'Algérie. Un français d'origine algérienne (Sofiane Belmouden) – un père membre du FLN, un oncle harki assasiné -, un pied-noir nostalgique de son paradis perdu (Gérard Dubouche), un Provençal (Thierry Paul) s'estimant envahi – "qui fait le Tartarin, le bouffon, qui pagnolise, mais en réalité il ne sait plus de quoi il est fait" – et un Parisien, fraîchement débarqué dans la région, dont le père, officier parachutiste pendant la guerre d'Algérie, s'est suicidé (Philippe Chuyen).
La pièce, peu à peu, gagne en puissance, en gravité, rythmée par le son d'un accordéoniste (Jean-Louis Todisco). La légèreté cède la place à la tension tandis que les paroles des personnages se libèrent, précédant malencontreusement leurs pensées, blessent, ravivent les déchirures retenues par les coutures fragiles du temps écoulé, aux vertus amnésiantes totalement éphémères. Las ! Spectateur, l'on ne peut qu'avoir la gorge nouée, impuissant face au flot des blâmes – pointés ou tirés – qu'il semble impossible d'endiguer. "La France, il faut l'aimer – Mais je l'aime la France," se défend Yaya, le jeune d'origine algérienne. – "Prouve-le !" invective Loul – silence de stupéfaction – "Elle est con, ta question Loul. -Oui, elle est sortie comme ça", admet, penaud, le provençal.
L'unité demeure en dépit de tout autour de la rage de gagner, de la passion du jeu, peut-être aussi de l'amitié, improbable mais bien réelle. Les clans se font et se défont aussi sûrement que les vérités de chacun éclatent comme des bulles de savon décapant. Philippe Chuyen, le metteur en scène expliquait vouloir "jeter un regard artistique pouvant permettre une libération de la parole, agir par le théâtre comme d'autres le font par l'étude scientifique, le documentaire, le cinéma ou le roman, et faire ce nécessaire travail de re-visitation lucide du passé à la lumière de notre conscience d'aujourd'hui. C'est un impératif de salut public". La partie est assurément gagnée.
Les Pieds Tanqués, jusqu'au 23 juillet, à 11 h 30, au Boulodrome chemin de l'île Piot, sous le pont Edouard Daladier, 84 000 Avignon. Tarif : de 10 à 15 € . Réservations : 06 18 77 42 55
E. C.
Retrouvez en page 2 la critique de Rémi Baldy sur Le Pays des galéjeurs
Ça galéje à Avignon
Photo Stef Durel
Le Pays des Galéjeurs est présent au Festival Off d’Avignon, l’occasion de prendre l’accent avec ce théâtre musical. L’opérette marseillaise mise en scène par Frédéric Muhl Valentin et joué par la troupe Les Carboni, nous emmène pendant 1h40 au cœur du restaurant « La Rascasse » fricoter avec des malfrats du quartier dans le Marseille des années 30.
Cette pièce est une réussite, place donc en premier lieu aux reproches afin de s’en débarrasser. Car si l’identité marseillaise voulue est affichée, on peut regretter la compilation un peu excessive d’expressions et tics verbaux locaux. On se demande même si nous n’avons pas affaire à de « faux » Marseillais. Mais après tout, seuls les Marseillais peuvent galéjer sur Marseille. Place maintenant au spectacle, car c’est bien le mot adapté : des chants, des coups de feux et même une partie de pétanque qui finit dans le public. On n’en dévoile pas plus.
Les premières minutes donnent le ton, pêche et chanson sur un rythme soutenu à l’accent provençal avec des répliques qui font mouche. La pièce s’accompagne de chansons de Sarvil et Scotto : « Miette », « Sans toi », « la valse à petits pas », « j’ai rêvé d’une fleur » ou encore « Zou un peu d’aioli ».
La trame s’articule autour de l’histoire d’amour entre Titin (Cristos Mitropoulos) et Miette (Amala Landré) qui se complique après que le riche Mr Bouffetranche (Benjamin Falletto) demande la main de la jeune fille à son père. Titin fou de rage s’en va avec Francis (Benjamin Falletto encore), jeune mafieux, et se retrouve mêlé dans le meurtre d’un gangster alors qu’il tente de reconquérir le cœur de Miette. Les histoires s’enchaînent au fil de nouveaux personnages qui apparaissent tout au long de la pièce. L'interprétation est réalisée par huit acteurs qui jouent pour la majorité au moins deux rôles, en plus d’être chanteurs, musiciens et danseurs. Une mention spéciale pour Marc Pistolesi qui, avec son rôle de Chichois brûle les planches, dans un rôle de comique à la répartie toujours juste.
Le Pays des galéjeurs se joue jusqu’au 28 juillet au Théâtre du chêne noir, Avignon. Tarif: de 8 à 22 €.
R. B.
Et ne manquez pas, toujours à Avignon, Pacamambo de Wajdi Mouawad. La mort emporte la grand-mère chérie de Julie. Celle-ci, furieuse, cherche la mort pour lui casser la figure. Hymne à la vie, humour et poésie, la pièce de la troupe marseillaise Méninas fait fureur et a été sacrée coup de coeur du Off d'Avignon. Pacamambo, jusqu'au 28 juillet, 15 h 25 à l'Entrepôt, 1er bd Champfleury, Avignon. Tarifs : de 16 à 8 €.
Sans oublier Marsiho, de Philippe Caubère, d'après l'oeuvre d'André Suarès, jusqu'au 28 juillet, tous les jours à 20 h, au théâtre des Carmes, 6 place des Carmes, Avignon. Tarif : 17,80 €.
Commentaires
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Merci Remy pour cette critique, mais je crois que nous n’avons plus l’habitude d’entendre cette langue qui est en fait une malformation du français en passant par le provençal…Oui à cette époque les Marseillais parlaient comme cela, les marseillais ont été obligés de parler le français vers la fin du 19ème…40 ans après l’état jacobin n’avait pas fait complètement son travail d’uniformisation.
Amicalement Frédéric
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Merci de mentionner PACAMAMBO, qui rencontre, c’est vrai, un beau succès auprès du public. Mais le lien n’est pas le bon! C’est une autre mise en scène! plus d’image et d’infos sur le site de diffusion: http://www.7eciel.fr Merci de rectifier et à bientôt!
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