Une centralité à Marseille
Qu’est-ce qu’un centre pour la ville de Marseille ?
Les informations récentes sur les projets de la municipalité des 1er et 7ème arrondissements de Marseille nous conduisent à repenser ce qu’est un centre pour une ville comme Marseille, ce qu’y signifie la centralité.
Qu’est-ce qu’un centre pour la ville de Marseille ?
Un centre est un lieu de citoyenneté
C’est d’abord cela, un centre : un lieu de rencontres, un lieu dans lequel les habitants de la ville se rencontrent, parlent, échangent des idées et des informations. C’est souvent dans les centres que sont nées les grandes initiatives politiques parce que c’est là que les habitants exercent pleinement leur citoyenneté. C’est la première raison pour laquelle il est surprenant d’apprendre que la municipalité des arrondissements du centre a le projet de susciter l’émergence d’un quartier de commerces chinois importants à Belsunce. En effet, s’il est important de penser l’aménagement du cours Belsunce, car il s’agit d’un des lieux emblématiques du centre de Marseille, il est sans doute discutable de le réduire à un espace de commerces comme à des salons de massage, pour reprendre les propos de la maire du secteur, cités par « Marsactu » le 13 janvier[1]. C’est l’installation de la bibliothèque municipale à l’Alcazar qui constituait un usage du centre de nature à lui faire retrouver le sens de la centralité, ce ne sont pas des commerces, et ce n’est pas plus l’idée de livrer le centre au tourisme. Un centre n’est pas un objet que l’on peut vendre et livrer aux entreprises commerciales : il s’agit d’un lieu dont il convient de laisser la maîtrise aux habitants de la ville.
Un centre est l’espace qui est porteur de l’identité urbaine
En effet, si le centre est un lieu de citoyenneté, c’est qu’il s’agit du lieu de l’espace urbain qui y exprime l’identité de la ville. C’est en évoquant le centre de la ville que l’on peut exprimer ce qui fonde son identité, et ce sont les paysages du centre qui peuvent représenter l’identité urbaine. C’est, d’ailleurs, pourquoi le cours Belsunce occupe une place si importante dans les représentations anciennes du centre de Marseille, car il s’agit de l’une des voies qui le structurent, qui en constituent l’armature. À cet égard, sans doute convient-il de mettre en question, avec le recul, la construction des immeubles situés derrière la Bourse, le long du cours Belsunce, et, au-delà, l’ensemble de l’aménagement de ce quartier, car le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas contribué à l’expression de la centralité urbaine dans l’espace. C’est grâce à un véritable projet esthétique dans l’architecture et à un véritable projet d’aménagement de lieux d’échanges, d’expression et de représentation que Marseille pourra retrouver un centre. C’est la raison pour laquelle l’idée de faire du cours Belsunce une forme de « Chinatown » est un projet contestable, car un tel projet empêche l’expression de ce qui fonde l’identité marseillaise, en particulier en empêchant l’expression des autres cultures qui fondent ensemble l’identité de la ville.
Un centre est un enjeu politique
C’est bien pourquoi l’aménagement du centre est, pour une ville, un véritable enjeu politique. Peut-être même s’agit-il de l’un des éléments qui permettent de distinguer le centre des quartiers périphériques : tandis que l’aménagement des périphéries n’est pas véritablement un enjeu politique, l’aménagement d’un centre constitue bien l’expression d’un projet politique. On peut, en particulier, élever trois significations pleinement politiques du projet de la municipalité. La première est le choix du remplacement d’une identité par une autre : en choisissant de faire du cours Belsunce un espace d’entreprises de culture chinoise, la municipalité choisit de dénier à d’autres cultures comme la culture maghrébine la possibilité de s’y exprimer. La seconde signification de ce projet est ce que l’on peut appeler l’institutionnalisation d’une logique de ghetto : alors que le centre est un espace urbain de rencontre d’identités et de cultures différentes et un espace d’ouverture, d’échanges et de libre circulation, le réserver ainsi à une culture particulière est une façon de le fermer sur le mode du ghetto, dont on sait ce qu’il implique en termes de discriminations. Enfin, il s’agit, fondamentalement, de l’aveu d’une absence de politique économique pour la ville de Marseille : ce n’est pas d’un « Chinatown » que Marseille a besoin pour retrouver une véritable vie économique, mais c’est d’activités, d’emplois et d’entreprises engageant pleinement l’ensemble de ses habitants et constituant réellement l’expression économique d’une identité urbaine.
[1] Cf. Lisa Castelly, Contre le breakdown, un Chinatown ? , in « Marsactu », 13 01 18 :
https://marsactu.fr/contre-le-breakdown-un-belsunce-chinatown/
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