Contre le breakdown, un Belsunce Chinatown ?

Décryptage
le 13 Jan 2018
7

Parmi les nombreux projets avancés par la municipalité pour redonner vie au centre-ville, le dernier en date est particulièrement inédit. La maire des 1er et 7e arrondissements a annoncé cette semaine qu'elle voudrait voir naître un "Chinatown" dans le quartier de Belsunce.

Rue Thubaneau, au coeur de Belsunce. (LC)
Rue Thubaneau, au coeur de Belsunce. (LC)

Rue Thubaneau, au coeur de Belsunce. (LC)

“Pour l’instant, il faut plutôt parler d’un petit quartier chinois, mais, qui sait…”. Lors de ses voeux, Sabine Bernasconi, maire LR des 1er et 7e arrondissements a laissé glisser l’un des nouveaux projets sur lesquels elle travaille pour dynamiser le centre-ville : y voir naître un “Chinatown”“Un très beau projet”, estime-t-elle quand Marsactu l’interroge sur le sujet.

De quoi s’agit-il exactement ? “Nous travaillons avec le consulat chinois et les commerçants, en imaginant comment pourrait se développer un quartier chinois, là où aujourd’hui les grossistes sont installés”. Le périmètre envisagé : de la rue du Tapis-vert à la rue nationale, avec comme potentiel espace central, l’esplanade à l’arrière de la bibliothèque de l’Alcazar. En clair, alors que la question se pose, à l’aube de l’ouverture du complexe MIF 68 dédié au grossistes du textile chinois, de voir un “départ des Chinois de Belsunce” comme redouté par la présidente du département, la maire de secteur affiche ses réflexions au long terme. En somme, un Chinatown pour parer au breakdown, “la panne” en anglais, telle que rappée dans un célèbre morceau.

Des restaurants … avant de poser les lanternes rouges

“C’est quelque chose qui est voulu par la communauté chinoise, avec notamment l’idée d’une maison de la Chine, et en favorisant l’installation de commerces de détail, de restaurants, salons de massage… À terme, on risque de voir partir les grossistes, l’idée est d’imaginer une refondation des activités, sans place vide”, poursuit Sabine Bernasconi.

Si l’élue reconnaît que le projet peut mettre “des années” à prendre forme, pour voir des petites lanternes rouges flotter dans les rues de Belsunce, il faudra attendre davantage : “je crois qu’entre l’avis de l’architecte des bâtiments de France et l’Avap, ça va être compliqué. On pourra s’en passer à court terme, mais dans un second temps, oui, pourquoi pas faire quelque chose de plus visible”. À New York, Londres ou d’autres villes anglosaxones, les Chinatown, dédales de la taille de petites villes, se parent bien souvent de lampions et autres éclairages à néons fascinants pour les badauds. Hasard qui n’en est pas vraiment un, la prochaine édition des “dimanches de la Canebière” aura pour thème … le nouvel an chinois.

Éviter les “rideaux fermés”

Un projet, qui, s’il était confidentiel jusqu’ici, trouve plutôt un bon écho auprès des commerçants. Déjà au courant, le président de l’association des commerçants chinois, Dingguo Chen salue “une bonne idée” et espère que ce petit Chinatown pourra voir le jour prochainement.

Même réaction du côté de Marseille-centre, fédération des commerçants du centre-ville, dont les locaux se trouvent justement dans le périmètre visé, rue Thubaneau. Un secteur qui avait déjà connu d’autres projets, comme celui d’une rue des arts, dont il ne reste aujourd’hui qu’un portique, mais guère d’artistes. “Pourquoi pas, avance Guillaume Sicard, président de la fédération, pour nous l’inquiétude, c’est les rideaux fermés. Donc si, vraiment, les grossistes chinois partent, bien sûr qu’il faut penser à l’après”.

“Hors sol” ?

Sabine Bernasconi voit dans cette perspective “un véritable atout touristique”, à l’instar de ce qui existe dans d’autres “grandes métropoles”. Mais peut-on vraiment décider d’implanter un Chinatown dans une ville où la répartition des communautés dans l’espace ne ressemble en rien à ce qui existe dans les pays anglosaxons ? Le résultat ne risque-t-il pas de paraître artificiel ? “Ce n’est pas quelque chose de hors sol, rétorque la maire de secteur. C’est un choix de leur part, ils sont venus s’installer ici. La communauté chinoise est de plus en plus intéressée par Marseille comme un pôle de développement commercial”. Et quid des autres communautés – nombreuses – du quartier ? Si elles font “évidemment” partie de l’identité du quartier, il s’agit ici de réfléchir au devenir de ces espaces actuellement occupés par la communauté chinoise, se défend-elle.

Vitrine d’un commerce asiatique à Belsunce. (LC)

“C’est important de reconnaître ce qui existe désormais : la dernière vague de migrants à Belsunce, c’est les Chinois”, analyse Nathalie Cazals, anthropologue et à l’origine de nombreuses promenades urbaines, dont une autour de ce quartier, où il est beaucoup question des communautés qui s’y sont côtoyées : “Maghrébins, là depuis des dizaines d’années, mais aussi les communautés historiques de Marseille, Italiens, Arméniens, juifs, ou encore à une époque des Russes blancs, des Suisses même !”.

Fine connaisseuse de Belsunce, elle s’inquiète néanmoins de voir “cloisonner des espaces”, en opposition à l’espoir d’un “mélange” des cultures. “Il ne faut pas en privilégier une pour stigmatiser les autres, bien sûr. Chacune doit apporter sa pierre. La petite taille de Belsunce fait qu’on peut imaginer plus de mélanges qu’ailleurs, pas besoin de rêver des lumières d’un Chinatown pour ça…”. Et de souligner que les Chinatown les plus célèbres dans le monde dépassent d’ordinaire très largement la surface de quelques petites rues étroites.

“Je ne pense pas qu’ouvrir la porte comme ça à une communauté soit du favoritisme, il ne s’agit pas de mettre une communauté avant les autres”, nuance Ali Timizar. Président du comité d’intérêt de quartier, il a moins de réserves. Il a eu quelques échos du projet, et se réjouit d’une “très très bonne idée”.

Sauver le quartier du “délitement”

Pour des raisons pratiques notamment : “dans le centre-ville, il est plus judicieux d’avoir des commerces de détails. Le commerce de gros comme aujourd’hui pose des problèmes de transports, d’arrêt des véhicules dans des rues étroites. Et puis les gens viennent en ville pour acheter des choses au détail”. Il reconnaît à la communauté chinoise, dont il a vu l’implantation naître et s’étendre au cours des “quatre ou cinq” dernières années d’avoir rempli les espaces inoccupés.

“On commence à souffrir d’un délitement dans ce quartier, poursuit-il. Il y a un vide commercial, mais aussi pour la propreté, la sécurité. Ce n’est que depuis quelques temps qu’on voit des améliorations, notamment avec la place Louise-Michel qui a été réhabilitée. Le souhait des habitants, c’est de continuer à améliorer, avoir de nouveaux commerces, et amener le tourisme dans ces rues là”. L’opportunité d’un quartier asiatique a donc tout son soutien.

“Place Louise Michel, aujourd’hui, il y a un café citoyen, et en face il va y avoir un restaurant chinois. La rencontre de ces cultures, sous les yeux de Louise Michel, au fond, c’est joli”, sourit Nathalie Cazals. Belsunce, avec ou sans Chinatown, devrait surtout demeurer… éclectique.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. barbapapa barbapapa

    Et pourquoi pas y créer un souk ? avec échoppes de vente de loukoums et cornes de gazelle, taraillettes, coucoussiers, éponges naturelles, épices, tapis, torchons, savons de Marseille et d’Alep, bâtons de réglisse, chichas, harissa, poteries, tenues de danse orientale, encens, henné, sepsis à haschich, babouches, etc. Il y a sur place toutes les compétences.
    Et ce n’est pas une proposition farfelue, je me souviens avoir entendu cela d’un grand bâtisseur marseillais, Marc Pietri patron de Constructa, qui râlait un peu beaucoup contre les projets de “rénovation – mise à net” du cours Belsunce en disant que pour la ville, pour le tourisme, pour le commerce, il fallait au contraire y organiser un grand marché désorganisé et vivant de produits orientaux…

    Signaler
    • Mars1 Mars1

      C’est déjà ce qu’on peut trouver à Noailles, non ?

      Signaler
  2. reuze reuze

    Chinatown à Belsunce pour séduire la communauté chinoise locale et à travers eux les investisseurs chinois voire les touristes, la ficelle est un peu grosse.
    Espérons que cette mauvaise idée ira rejoindre le cimetière des velléités municipales.

    Signaler
    • reuze reuze

      Pour élargir le débat, il y a beaucoup mieux à faire avec Belsunce qui fait partie des quartiers les mieux desservis en transports de toute la métropole.

      Signaler
  3. Alceste. Alceste.

    Bernasconi qui veut faire de la Canebière le Brodway marseillais, le Cours Belsunce en Chinatown et pourquoi pas La Plaine en Time square ou les Danaïdes en Picadilly Circus . Faut arrêter les cachets , ma fille !
    Quelle s’occupe plutôt des Favelas marseillaises dans le centre ville

    Signaler
    • LaPlaine _ LaPlaine _

      Elle ne fait plus la différence entre ses rêves et la réalité. C’est la méthode du “çà serait bien si”, sans moyens ni volonté d’un “père” spirituel perdu des les limbes de la sénilité.

      Signaler
  4. Helene Goldet Helene Goldet

    Si, à Paris, il y a un quartier chinois, c’est à cause des boat people qui se sont installés dans les tours de la porte de Choisy. On ne les attendait pas. Le début ne fut pas facile. les voisins prétendaient qu’ils n’enterraient pas leurs morts et qu’ils les mettaient dans les grandes poubelles des tours…
    A Marseille, il y a plein de comoriens. ..C’est bon la bouffe comorienne ?

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire