39 kilos cachés de plutonium à la barre

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le 27 Jan 2012
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39 kilos cachés de plutonium à la barre
39 kilos cachés de plutonium à la barre

39 kilos cachés de plutonium à la barre

Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) versus Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) de Cadarache : c’était l’affiche – inhabituelle – de l’audience de mercredi au tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence. Avec au milieu 39 kilos de plutonium se baladant dans un atelier du site nucléaire provençal. Un dossier très complexe, technique et sensible, instruit par la juge Véronique Humbert. Surtout pour des profanes du nucléaire.

D’autant plus qu’à la barre, le représentant du CEA naviguait parfois « dans les couloirs du temps », évoquant ainsi les années 2008, 2009, et même 2006 ; sans que tout le monde sache où il voulait bien aller. Autant dire que les spectateurs non spécialistes de la filière et de son jargon risquaient d’être vite perdus dans cet épais brouillard qu’ont constitué les débats entre l’ASN et le CEA. Les assesseurs demandant donc sans cesse des compléments d’information afin de s’assurer de la compréhension des faits exposés. On vous guide.

Découverte signalée tardivement

En 2009, le CEA a obtenu l’autorisation de démanteler l’Atelier de Technologie du Plutonium (ATPu), qui a produit pendant 50 ans du MOx, un combustible nucléaire utilisé par de nombreuses centrales. Comme chaque année, une estimation de la quantité de résidus présents dans les installations avait été faite. Mais peu après avoir commencé les opérations de démantèlement, le CEA a découvert qu’il avait sous-estimé cette masse en démontant des « boîtes à gants » : 39kg de poussière de plutonium se trouvaient dans ces espaces de travail où des opérateurs manipulent la matière en plongeant leurs mains dans des gants.

Mais cette importante quantité de matière n’avait pas été signalée auprès de l’ASN, comme le prévoyait la réglementation. Ou plutôt pas signalée dans les temps, soit sous 48 heures. Après une découverte en juin 2009, l’ASN n’en avait été avertie que cinq mois plus tard. Le CEA répondant qu’il avait prévenu son autorité de tutelle par… un simple coup de fil (sur une ligne sécurisée tout de même).

Pas la procédure de toute façon, maintient l’ASN. Et ce coup-ci, ce n’était pas un exercice comme la semaine dernière : le risque de catastrophe sur le site était présent. « Au delà d’une certaine quantité de matière, et quand on en rajoute, cela peut conduire à une véritable accident, une réaction en chaîne non-maîtrisée » n’a cessé de répéter l’avocat de l’ASN. Aujourd’hui encore, la comptabilité du CEA reste floue et à risques en cas d’accident: dans son rapport post-Fukushima, l’ASN demandait au CEA de « s’assurer de la connaissance permanente de l’inventaire de matières radioactives par local afin de faciliter la gestion de crise ».

Accumulation d’incidents

Gendarme du nucléaire habituée à tirer gentiment les oreilles des exploitants, l’ASN, qui cette fois-ci a fait appel à la justice, semble avoir perdu confiance envers le CEA de Cadarache avec cette affaire, un incident qualifié de niveau 2 sur l’échelle INES allant de 0 à 7. « Depuis l’an 2000, pas moins de 12 déclarations d’incident (soit presque une par an, ndlr.) concernent Cadarache. Dont 5 ou 6 générant l’exposition et la contamination des agents y travaillant ». Aussi, cette affaire des « boîtes à gants » est celle de trop. Il semble que le CEA ait « perdu le contrôle de la sécurité sur ses exploitations », nous explique-t-on.

On vous laisse avec cette déclaration de la juge Humbert, après plus de deux heures de débats entre l’ASN et le CEA : « excusez-moi d’intervenir messieurs, mais nous, on ne comprends plus rien du tout à ce que vous dîtes ! Reprenez depuis le début s’il vous plaît. » Apparemment ce n’était toujours pas clair puisqu’il aura fallu trois heures supplémentaires pour que le sort des deux parties soit fixé : « le tribunal correctionnel rendra son délibéré le 14 mars prochain. »

Un lien Début 2011, l’ASN critiquait encore les grandes marges d’incertitude (jusqu’à 48%) du pesage des matières

Un lien Quelques semaines plus tard, l’ASN tapait sur les doigts du CEA suite à une inspection pour sa maîtrise insuffisante du comptage des matières radioactives (logiciel utilisé, formation des opérateurs, suivi des prestataires extérieurs…)

Un lien Revivez en images l’exercice de crise nucléaire et sismique à Cadarache, sur Marsactu

Un lien En Provence, le gendarme du nucléaire a du boulot, sur Marsactu

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Commentaires

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  1. Ricou 24. Ricou 24.

    Une société qui aurait à faire avec la justice pour quelque raison que ce soit devrait certes ce défendre comme personne morale mais son dirigeant,son PDG,ses cadres seraient eux aussi responsables comme personne physiques.
    Par exemple mr Mas représente la société PIP devant la justice et les victimes.

    Pour le CEA il n y a pas de coupable et de responsable physique,pas de noms donnés en pâture,pas de menotte et pourtant les conséquences auraient pu être dramatiques pour la nature et les hommes.

    Ou est la règle?

    Ricou 24.

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