Le pass Navigo marseillais, 205 euros par mois pour 240 bus, 4 trams et 2 métros

Décryptage
le 5 Oct 2016
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Combien coûterait-il d'être abonné à tous les réseaux de transports de la métropole pour pouvoir y circuler sans limites ? Marsactu a calculé pour vous la somme aujourd'hui nécessaire pour y parvenir. Un chiffre, certes approximatif, mais qui donne l'idée du travail qu'il reste à accomplir pour donner un sens réel à l'espace métropolitain.

Le pass Navigo marseillais, 205 euros par mois pour 240 bus, 4 trams et 2 métros
Le pass Navigo marseillais, 205 euros par mois pour 240 bus, 4 trams et 2 métros

Le pass Navigo marseillais, 205 euros par mois pour 240 bus, 4 trams et 2 métros

Pour un habitant d’Île-de-France, il en coûte 73 euros par mois pour parcourir sans limite et à l’aide d’une seule carte sa région, certes pluvieuse, mais pourvue de pléthore de lignes de métro, tram, bus, train et autre funiculaire. Dans la toute nouvelle métropole marseillaise, il faut a minima tripler le tarif. Chacune des six intercommunalités fusionnée dispose, à ce jour, de son propre réseau de transport, avec son pass et sa grille tarifaire propre. Et encore, on simplifie. S’ajoutent à cela les abonnements au Cartreize gérés par le département et aux TER qui le sont par la région. Mais promis, juré, c’est bientôt fini. Dans le document de travail des élus de la métropole révélé mardi par Marsactu, c’est écrit : il y aura avant la fin de l’année 2017 un abonnement aux transports valable pour tous les habitants de la métropole.

Par Superbenjamin — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=46305866

L’espace métropolitain est aujourd’hui découpé en 6 réseaux distincts. (crédits : Superbenjamin — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=46305866)

 

Ce sont ainsi 200 lignes de bus, auxquelles il faut ajouter 120 lignes spéciales, quatre tramways, deux lignes de métros, 40 lignes d’autocars Cartreize et une demi-douzaine de lignes de TER reliant entre elles 39 gares, qui vont devoir trouver leur billettique commune.

En attendant, le système est tout sauf fluide et demeure financièrement coûteux, surtout pour les usagers réguliers qui effectuent des correspondances entre réseaux. En cumulant tous les abonnements disponibles sur le territoire de la métropole, en faisant jouer les combinaisons existantes, on atteint une somme 2,8 fois supérieure à celle que coûte le pass Navigo francilien. Nous avons reconstitué la note du voyageur métropolitain.

Pour atteindre le total de 205,50€, nous avons donc additionné les montants des abonnements mensuels à tarif plein des réseaux des six anciennes intercommunalités. La carte “Zou Alternatif” qui permet de coupler l’accès complet au réseau RTM n’offre en revanche l’accès qu’à un trajet, en illimité certes, choisi à l’avance par Cartreize et TER SNCF. Il faut donc prendre en compte qu’une personne prenant cet abonnement n’a pas d’accès au reste des réseaux Cartreize et TER et devra ainsi payer un billet si elle emprunte un trajet différent occasionnellement.

On est loin de la fluidité du Navigo et surtout de son tarif. Mais les élus y travaillent aussi, promet le document de travail, évoquant pour le futur forfait l’objectif d’un prix “équivalent aux abonnements métropolitains des autres grandes villes”. Il faudra tout de même sèchement tailler dans les recettes de chacun pour arriver à s’approcher d’une somme plus raisonnable.

La transmodalité, exemples pratiques

Aujourd’hui, la principale difficulté pour se déplacer dans l’espace métropolitain réside dans la complexité d’établir des correspondances entre réseaux et parfois même, dans le cas des Cartreize, à l’intérieur d’un même réseau. Celui qui passe d’une régie à une autre au cours d’un même trajet est voué à cumuler les abonnements, ou à remplir ses poches de tickets jetables.

Carnoux-Salon en 2 heures et 3 changements

Capture d'écran du trajet Carnoux-Salon calculé via le site Lepilote.com

Capture d’écran du trajet Carnoux-Salon calculé via le site Lepilote.com

Prenons l’exemple d’une personne souhaitant, à titre exceptionnel, relier Carnoux à Salon-de-Provence en transports en communs. Afin de se déplacer autour de chez elle, elle emploie d’ordinaire un pass RTM de type “L” à 18,80 €, mais ce jour-là, il lui faut prendre un ticket unique avant de monter dans le Cartreize 68. Son trajet demande, à l’horaire qu’il a choisi, deux correspondances. Et à chaque fois, il lui faudra s’acquitter d’un nouveau ticket. Le montant est toutefois fixé au kilométrage et il lui en reviendra au total la somme de 14,30€, payés en 3 fois, donc. S’il paye à bord, la carte bleue n’est pas acceptée, préparer de la monnaie est donc important. 1 h 58 plus tard, dans le meilleur des cas, il arrive donc à Salon-de-Provence. Mais son périple n’est pas encore fini, car il lui faut emprunter un bus urbain, un Libébus, pour atteindre sa destination finale. Un dernier ticket, à 0,90€ lui sera nécessaire.

Notre voyageur aura donc dépensé 15,20€ et rempli ses poches de 4 billets différents, alors même qu’il dispose déjà d’un pass valable dans sa ville de résidence et aux alentours, mais pas au-delà. Financièrement, le prix payé en bus est équivalent à ce qu’il lui en aurait coûté s’il avait pris sa voiture et emprunté l’autoroute. Mais cela lui a pris le double de temps.

2 abonnements et 102 euros par mois pour relier Septèmes à Aubagne

Capture d'écran de l'itinéraire Septeme-Aubagne calculé par lepilote.com

Capture d’écran de l’itinéraire Septeme-Aubagne calculé par lepilote.com

Deuxième cas pratique, celui d’une personne devant relier chaque jour Septèmes-les-Vallons à Aubagne. Le site Lepilote.com lui suggère de coupler le bus Cartreize 51 et le TER. Pour ses trajets réguliers, il lui faudra donc contracter deux abonnements différents. Le premier est un abonnement Cartreize qui correspond aux nombres de kilomètres parcourus. En consultant un document en ligne éminemment complexe, on peut déduire qu’il lui en coûtera 58,70€ pour le segment Septèmes-Marseille couplé à un abonnement au réseau RTM. Pour la deuxième partie de son trajet, il prendra en revanche une carte Zou Alternatif, qui lui permettra de relier Marseille à Aubagne en TER ou en Cartreize à 43,70€.

En bref, il lui faudra débourser 102,40€ par mois pour parcourir sa trentaine de kilomètres aller et retour au quotidien. Sur cet exemple simple, on est déjà bien au-dessus du prix d’un pass Navigo, et surtout, il lui faut remplir les formulaires pour deux abonnements distincts. Cet usager pourra toutefois se consoler à Aubagne, où les transports en commun sont gratuits.

Ces deux exemples démontrent bien le caractère fastidieux que revêtent aujourd’hui les trajets métropolitains en transports en communs. Si les prix des abonnements sont souvent équivalents voire inférieurs à ceux nécessaires pour effectuer les trajets en voiture, la durée des trajets, la complexité des correspondances et la diversité des titres de transports ont vite fait de décourager les voyageurs réguliers et occasionnels. Le résultat est sans appel. Selon le document de travail des élus, dans l’espace métropolitain qui compte 1,8 millions d’habitants, seules 14 000 personnes empruntent le TER et 40 000 les bus interurbains chaque jour.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Superbe travail de fond, bravo !

    Certes, il faudra “sèchement tailler dans les recettes” si l’on veut que demain un titre de transport métropolitain unique voie le jour. Mais pas dans toutes les recettes : seules les recettes de fréquentation seront touchées. Il y a d’autres leviers de financement : le versement transport, payé par les entreprises, peut en être un au travers d’une harmonisation des taux.

    Rappelons en outre que le passe Navigo à 73 euros pour toute l’Ile-de-France, c’est une création récente : jusqu’en septembre 2015, il y avait une tarification par zone. D’ailleurs, le “dézonage” total (qui n’a pas que des avantages) n’était à l’origine pas financé. Il l’est désormais par deux voies : un relèvement des taux du versement transport, et une taxe régionale sur les carburants (http://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/une-taxe-essence-record-pour-financer-le-passe-navigo-29-09-2016-6162029.php). La route contribuera donc au financement des transports collectifs, ce qui est vertueux (ce qui serait encore plus vertueux, soit dit en passant, ce serait que le diesel ne soit pas sous-taxé par rapport à l’essence !).

    Ces solutions – tarification par zone (au moins dans un premier temps), versement transport, taxation locale des carburants – sont probablement imaginables ici aussi pour financer un titre unique.

    Ceci dit, le vrai problème pour qu’un titre de transport unique serve à quelque chose est bien mis en évidence à la fin de l’article : tant qu’il n’y aura pas d’interconnexions performantes entre les réseaux actuels et qu’il faudra deux ou trois fois plus de temps qu’en voiture pour parcourir quelques kilomètres, les transports collectifs ne seront pas compétitifs quel que soit le prix du billet ou de l’abonnement.

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  2. Lagachon Lagachon

    Une autre idée pour financer la baisse de l’abonnement et augmenter le prix du trajet individuel : faire payer les automobilistes sur les autoroutes et/ou à l’entrée de Marseille.
    Sur les autoroutes avec des péages classiques, voire même avec un prix dégressif en fonction du nombre de personnes à bord pour favoriser le covoiturage.
    Dans Marseille avec un péage urbain comme à Londres ou Stockholm, je ne comprends toujours pas qu’il soit moins cher de polluer le centre que de prendre un tunnel, ça devrait être l’inverse.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Une sorte d’écotaxe, donc… Une idée mise en oeuvre par plusieurs de nos voisins. Mais pas en France, où on est beaucoup trop intelligent pour dupliquer des solutions qui fonctionnent ailleurs…

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  3. Massilia fai avans Massilia fai avans

    Merci pour cet article clair et détaillé.

    J’ai moi-même pu comparer les trajets domicile / travail en région parisienne et dans notre métropole.
    J’ai habité en région parisienne à près de 40 km de lieu de travail et si je prennais mon véhicule mon temps de transaport était doublé par rapport aux transports en commun.
    Aujourd’hui, je suis moins de 20 km de mon lieu de travail et c’est lorsque je prends les transports en commun que mon temps de parcours est doublé. Et je ne parle même pas du prix.

    Je trouve particulièrement dommage que l’on soit en 2016 et que la région ne soit toujours pas au niveau des standards des autres métropoles européennes en matière de déplacement.

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  4. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Un éclairage complémentaire, et apparemment paradoxal : on voit dans un article du Monde paru aujourd’hui que les Bouches-du-Rhône font partie des départements fortement urbanisés où le taux d’équipement des ménages en voiture individuelle est parmi les plus faibles (http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/10/03/la-voiture-des-francais-loin-des-modeles-prestigieux-du-mondial-de-l-auto_5007507_4355770.html).

    On ne s’y attendait pas, compte tenu des déficiences des transports collectifs et des maux de l’urbanisation anarchique que connaît le sud-est (mitage, étalement pavillonnaire).

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