Un toboggan à gabians à 3,6 millions d'euros

Un toboggan à gabians à 3,6 millions d'euros

"Me voilà sous l'ombrière décriée, critiquée. Aujourd'hui, je veux célébrer l'ombrière enfin libérée". Flanqué des deux conseillers communautaires Convention citoyenne Philippe Sanmarco et Tahar Rahmani, Eugène Caselli avait décidé d'opter pour un lyrisme gaullien assez inhabituel pour visiter en petit comité l'ombrière enfin ouverte au public. Visiter avec la presse une réalisation qui ne provoque l'ire de personne a tendance à rendre l'humeur guillerette. "D'ailleurs, ce n'est pas une simple ombrière, c'est une oeuvre d'art", formule le président de la Communauté urbaine. 

Comme toutes les réalisations hors norme, l'ombrière charrie son lot de légendes urbaines ayant un rapport plus ou moins lointain avec la réalité. Il y a quelques années, les requins du père Saadé avaient péri du fait des trépidations des travaux de la tour CMA-CGM. Plus tard, cette même tour menaçait de s'effondrer. Plus récemment, les dîners en ville bruissaient de rumeurs concernant la Villa Méditerranée. Mal conçue, elle piquait du nez et avait dû être confortée par des câbles. La présence de plongeurs dans la darse qui l'entoure avait également entraîné des commentaires : en partie sous-marine, la Villa prend l'eau. Là encore, l'architecte dément : les plongeurs réalisent un ouvrage pour séparer la darse du Mucem de celle de la Villa.

Une fois ce travail fini, des plongeurs contrôleront l'étanchéité une fois par an.  C'est le propre des légendes urbaines de fabriquer du faux avec du vrai. Il en va ainsi pour les rumeurs accolées à l'oeuvre de Norman Foster. Cette lame métallique de 108 mètres de long et 3,6 millions d'euros résiste au vent, à la pluie et aux mauvaises langues.  

Sous l'ombrière, ça goutte…

"Le jour du carnaval, il pleuvait et la foule est venue se réfugier sous l'ombrière qui avait été ouverte au public pour l'occasion, raconte Eugène Caselli. Effectivement, l'ombrière gouttait mais les travaux n'étaient pas terminés, notamment les joints d'étanchéité". Désormais le toit est totalement achevé et il ne pleuvra plus. Pas la peine de s'y promener armé d'un parapluie.

Par mistral, l'ombrière décolle…

C'est la dernière légende en date. Affirmée comme obtenue de bonne source par un habitué du Vieux-Port : l'ombrière n'est pas plate mais bombée comme une aile d'avion. Donc, par grand vent, elle a tendance à décoller, ce qui tire sur les piliers et la fragilise. "Ceci est absolument faux, reprend le même Caselli. Vous imaginez bien que l'ingénieur de chez Foster qui a conçu le pont de Millau et dessiné l'ombrière a pris en compte la résistance au vent. Les piliers que vous voyez s'enfoncent de 10 à 16 mètres dans le sol. Il y a donc un peu de marge avant qu'elle s'envole".  

L'ombrière concentre les rayons du soleil…

Ils ne pensent à rien, ces Anglais. Ils ont mis 120 panneaux réfléchissant sans penser que ces miroirs allaient concentrer les rayons du soleil reflétés par l'eau du port toute proche. Résultat, en été, il fera plus chaud à l'ombre de l'ouvrage que sous le soleil. L'argumentaire est directement tiré des discussions du forum. Eugène Caselli en lève un sourcil : "C'est justement cela, l'intérêt : que l'on puisse avoir la mer à la fois devant et au-dessus de nous. Et comme vous le constatez, cela ne concentre pas les rayons. Ces panneaux sont traités de façon à éviter l'effet d'éblouissement. C'est la même chose pour le toit : il est fabriqué dans une matière anti-reflet qui évite que cela crée un point lumineux pour les avions".  

Cette ombrière c'est rien qu'un aéroport à gabians…

Face à la mauvaise foi des reporters convoqués pour l'occasion, Eugène Caselli n'a eu qu'un geste pour répondre: il a pointé le ciel de métal. Pas un gabian posé dessus. Il faut dire que le toit métallique est plutôt glissant. Rectifions donc : ce n'est pas un aéroport mais un toboggan à gabians.