Un conseil métropolitain aux airs de “super conseil municipal marseillais”

L'hémicycle lors du conseil métropolitain du 12 octobre 2023. (Photo : ML)

“Certains n’ont encore pas compris à quoi sert la métropole.” Dans une de ses multiples punchlines lancées lors du conseil métropolitain de ce jeudi 12 octobre, Martine Vassal attaque frontalement les conseillers marseillais. Car, comme promis, les élus d’opposition de gauche avaient bien préparé leurs prises de parole, véritable feu roulant de critiques à l’égard de la politique menée par Martine Vassal à la métropole. Deux heures avant la séance, une manifestation citoyenne – soutenue par le Printemps marseillais – contre la fermeture du métro en soirée, la réalisation du tramway des Catalans et le Boulevard urbain sud donnait le ton. Même si elle n’a réussi à rassembler qu’une cinquantaine de militants.

Dans l’hémicycle, et malgré l’absence du maire de Marseille, les élus de la majorité marseillaise comptaient bien utiliser le rendez-vous pour relancer les débats sur ces sujets. “Vous avez fait beaucoup d’annonces : tunnels, tramway par-ci, tramway par là, sur la Corniche, tramway vers l’Escale Borély, tramway vers la Rouvière et puis non et puis oui, métro promis depuis 50 ans à Saint-Loup, énumère Hervé Menchon, élu des 9/10 et adjoint au maire (EELV). Mais quelle est la cohérence de tous ces projets ? Quelle est votre vision globale des mobilités ? La Ville de son côté n’a pas varié et tend toujours la main. Les Marseillais ne doivent pas être les victimes de votre dérive droitière”

Ce conseil est un théâtre pour le Printemps marseillais.

Daniel Gagnon, maire de Cornillon-Confoux

Comme à l’accoutumée, la façon dont la ville-centre monopolise le débat lasse les maires et conseillers des communes hors Marseille. “Les élus que je représente sont consternés par le fait que le conseil métropolitain se transforme en super conseil municipal marseillais”, s’indigne Jean-Christophe Gruvel, adjoint à la maire UDI d’Aix-en-Provence. “Ce conseil est un théâtre pour le Printemps marseillais”, dénonce quant à lui Daniel Gagnon, maire (DVD) de Cornillon-Confoux, qui se dit “épuisé”. Il déplore aussi l’absence des élus de la ville-centre lors des réunions de travail et en commissions. “Quand on ne parle pas de Marseille cela ne vous intéresse pas”, poursuit Véronique Miquelly, maire (DVD) d’Auriol. Chacune de ces interventions suscite des applaudissements de la part donc de la quasi-totalité de l’hémicycle.

Martine Vassal pas avare en ripostes

La présidente de la métropole partage, sans surprise, cette position. “Je vous remercie d’avoir recentré la problématique sur l’ensemble du territoire et pas que sur les rames de métro, lance ainsi Martine Vassal. On n’est pas au conseil municipal de Marseille.” Jusqu’à parfois monter les tensions entre Marseille et les autres communes. Lors d’une délibération, elle glisse aux maires, “Bouchez-vous les oreilles”, avant de citer le montant de l’enveloppe accordée à la ville-centre dans un dossier. “En plus, vous faites votre intervention et après vous vous en allez”, se moque la présidente à la fin de la séance en pointant les sièges vides. En effet, parmi les conseillers marseillais, seulement une dizaine sont encore présents au moment de plier bagages.

J’ai compris que vous voulez que quand ça ne fonctionne pas, cela vienne de nous.

Martine Vassal à la gauche marseillaise

Martine Vassal a posé ses intentions dès l’introduction du conseil métropolitain. “Nous allons parler de projets qui nous permettent de continuer à aller de l’avant au sein d’une métropole dont nous pourrons être fiers dans quelques années”, annonce-t-elle. Au fil des échanges, son ton devient moins solennel et ses réponses de plus en plus acerbes. “J’ai compris que vous voulez que quand ça ne fonctionne pas, cela vienne de nous, lâche-t-elle plus tard pendant la séance. Mais on va continuer à dérouler nos projets car si on attend vos propositions on peut attendre encore longtemps.” Lors d’un autre échange façon ping-pong, elle lance : “Ça fait trois ans que vous êtes là et vous n’avez rien fait. Nous, on va continuer d’avancer.” En présidente de séance intransigeante avec son opposition, elle ne laisse que peu d’opportunités au Printemps marseillais pour s’exprimer dans l’hémicycle. Et n’hésite pas à couper les micros ou limiter drastiquement les interventions.

Les membres de sa majorité soutiennent, en toute logique, sa ligne. “Vos grands mots ne cachent pas les difficultés que vous avez à faire avancer cette ville”, abonde Didier Réault aux élus marseillais de gauche. “Les débats dérapent sur le « marseillo-marseillais », relance Henri Pons. Je pense que les communes ont d’autres problèmes.” Martine Vassal tente de recentrer ses troupes sur les rapports du conseil. Mais même Catherine Pila, son bras droit sur les questions de transports, ne peut pas s’empêcher une petite phrase. “Dans la vie il y a ceux qui font et ceux qui attendent ceux qui font”, souffle la présidente de la RTM.

Peu d’avancées sur le fond des dossiers

Sur le fond justement, seuls quelques dossiers ont réussi à créer des discussions, sans pour autant qu’elles soient constructives. Au sujet du tramway des Catalans, Sophie Camard, présidente du groupe d’opposition dans l’hémicycle, se félicite du nombre de contributions récoltées pendant la concertation. Mais sur le projet en lui-même, l’élue réserve son opinion à plus tard. “Nous nous prononcerons au prochain comité de pilotage, élude-t-elle. Nous sommes toujours en discussion sur certains points.” Elle attend notamment des garanties de la part de la métropole sur la réalisation d’autres chantiers au Nord de la ville, comme le tramway à la Belle-de-Mai. “On note une modification de votre position dans le sens favorable”, veut espérer Martine Vassal, sans être démentie par Sophie Camard.

Permettez-moi de vous interpeller sur les difficultés que nous avons à travailler avec la métropole…

Sophie Guérard, adjointe marseillaise à la petite enfance

La piétonisation aux abords des écoles est toutefois amenée de force sur la table par Sophie Guérard, adjointe de Benoît Payan déléguée à la petite enfance. “Permettez-moi de vous interpeller sur les difficultés que nous avons à travailler avec la métropole, avance l’élue. La Ville a commandé des barrières alors que cela ne relève pas de sa compétence. Votre blocage politique doit cesser car il s’agit de la sécurité des écoliers qui ne sont ni de gauche ni de droite.”

Si Martine Vassal enrobe sa réponse d’un rappel historique sur les débats de l’année dernière sur la répartition des compétences, elle conclut sa prise de parole par : “Voyez avec Perrine Prigent”. C’est-à-dire l’une des deux élues de la majorité marseillaise à qui elle a cédé, en gage de bonne foi, un siège de conseillère de la métropole déléguée, dans son cas, missionnée à la voirie de la Ville de Marseille. L’adjointe de Benoît Payan est censée être avec Christine Juste, le relais des attentes de la Ville auprès de la métropole, sans que ce duo issu de l’application de la loi 3DS ait réussi à fonctionner jusqu’ici. Comme si en matière de compétence métropolitaine, les élus marseillais n’avaient qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

Le métro revient par la fenêtre

Enfin, même si elle n’était pas à l’ordre du jour, la fermeture du métro en soirée s’est, comme attendu, invitée en séance. Anthony Krehmeier, maire (PS) des 2/3 et membre du groupe d’opposition présidée par Sophie Camard, a profité du rapport présentant les résultats de la concertation sur le nouveau réseau de bus pour amener le sujet. “Cette décision, personne ne vous l’a imposée et vous nous la cachez pourtant depuis trois ans“, crie alors l’élu, agacé par le brouhaha ambiant. Le dossier cristallise les tensions.

À droite de l’hémicycle, certains hurlent “on en a marre” ou encore “vous êtes affligeants”. Du côté gauche, les autres lancent des “super menteuse” à Martine Vassal. Plusieurs l’accusent de faire campagne pour les prochaines élections municipales. “Je suis très contente du poste que j’ai”, balaie-t-elle. Rires dans la salle, sur les bancs de droite comme de gauche. La séance de ce vendredi au département devrait prolonger cette joute sans fin entre la gauche marseillaise et la droite qui pilote tous les autres hémicycles locaux.