Un cadre de l’IHU mis à pied pour des “comportements inappropriés” envers des patients

En mars 2020, au début de la pandémie, l'IHU accueillait des centaines de patients pour des tests chaque jour. (Photo : BG)

L’affaire cheminait depuis plusieurs mois dans la plus grande discrétion. Son aboutissement intervient alors que l’institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée infection essuie une nouvelle tempête médiatique qui abime encore une fois son image, après le retrait d’une étude scientifique polémique sur la prise en charge de 30 000 personnes durant la crise Covid.

L’infectiologue Hervé T., proche de Didier Raoult depuis près de 30 ans vient d’être mis à pied par son employeur, l’assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM). Une suspension à titre conservatoire, confirme la communication de l’AP-HM, en raison de “faits graves” établis par une enquête interne démarrée il y a plusieurs mois.

Enquête préliminaire en cours

Selon nos informations, corroborées par l’AP-HM, ces faits relèvent de “comportements inappropriés”, qu’une source en interne qualifie d’“agressions sexuelles”, à l’égard de patients qui fréquentaient le pôle des maladies infectieuses, abrité par l’IHU depuis 2017. Ce praticien hospitalier est responsable, au sein de l’hôpital de jour, de l’accueil des patients vivant avec le VIH ou des hépatites. C’est dans ce cadre qu’il aurait eu ces comportements inappropriés pour lesquels plusieurs patients ont porté plainte. Le parquet de Marseille confirme à Marsactu qu’une enquête préliminaire est en cours. En revanche, nous n’avons pas réussi à contacter le chercheur incriminé pour obtenir sa version des faits.

À notre connaissance, ces plaintes ne sont pas parvenues directement à l’hôpital, mais ont transité par l’association Aides qui, depuis plusieurs décennies, soutient et accompagne des personnes vivant avec le VIH. Interrogée par Marsactu, l’association n’a pas souhaité faire plus de commentaires. Mais son directeur, Hervé Richaud, indique avoir écrit au parquet “dès 2020”, en appui à des plaintes déposées par des patients. “J’ai également prévenu l’AP-HM dès que nous avons été informés de ces plaintes, cette année”, confie-t-il.

Que s’est-il passé entre-temps ? Pas grand-chose, selon l’association qui n’a eu aucune réponse à ses courriers ou saisine. Du côté de l’AP-HM, on indique effectivement que plusieurs alertes avaient été réceptionnées du temps de l’ancienne direction, mais anonymes ou trop imprécises pour donner lieu au déclenchement d’une enquête interne. Celle-ci a finalement été lancée par l’actuel directeur général François Crémieux, dès qu’il a eu connaissance de ces soupçons, en début d’année 2023.

Placé en première ligne pendant la crise Covid

Le médecin Hervé T. jouait à l’IHU un rôle important dans les premières semaines de la pandémie. À l’époque, l’institut faisait fonction de poste avancé, notamment du dépistage puis du traitement controversé à l’hydroxychloroquine. Hervé T. était alors en première ligne dans l’organisation militaire mise en place pour dépister les malades du Covid-19. Au rez-de-chaussée du bâtiment, il coordonnait l’accueil et la prise en charge des patients. Il était un des rouages de l’organisation qui a permis à l’IHU de dépister 250 000 personnes, selon Didier Raoult lui-même, durant la pandémie.

Soutien de Didier Raoult dont il est un proche revendiqué, Hervé T. a également participé à la riposte communicationnelle en soutien à Didier Raoult, dès lors que son traitement miracle a souffert de contestations scientifiques. On trouve ainsi sur la chaîne Youtube de l’IHU, une analyse critique des essais randomisés, alors qu’une grande partie de la communauté scientifique reprochait à son mentor de ne pas utiliser cette méthode pour asseoir la validité de son traitement.

Une autre affaire d’agression sexuelle à l’IHU

Le directeur de l’IHU et successeur de Didier Raoult, Pierre-Édouard Fournier n’a pas souhaité commenter cette nouvelle affaire, renvoyant toute communication vers l’AP-HM. En 2018, lors de l’inauguration de son institut, le professeur Raoult avait accusé Marsactu d’avoir “décrit ce lieu comme un lupanar“. Il réagissait ainsi aux accusations d’agression sexuelle visant un chercheur de l’IHU, condamné en correctionnelle depuis.

Depuis 2017 et ensuite à partir de 2022, l’institut a fait l’objet de très nombreux contrôles, à la fois des instances paritaires des différentes tutelles, mais également de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), sans que des faits de cette nature ne soient révélés en lien avec ce patricien.