Tirs de policiers municipaux : le parquet réfute la légitime défense et demande un procès

Info Marsactu
le 15 Jan 2021
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Fin avril 2019, à Marseille, deux policiers municipaux avaient blessé par balles un automobiliste qui tentait de se soustraire à leur contrôle. Un an et demi plus tard, le juge d'instruction a d'abord rendu un non-lieu contre les fonctionnaires, estimant qu'ils étaient en état de légitime défense. Mais le parquet a fait appel de cette décision.

Des policiers municipaux en patrouille. (Photo d
Des policiers municipaux en patrouille. (Photo d'illustration : Damien Roué / Flickr)

Des policiers municipaux en patrouille. (Photo d'illustration : Damien Roué / Flickr)

Y a-t-il légitime défense ou non ? En 2019, deux policiers municipaux marseillais avaient utilisé leurs armes contre un automobiliste. Le juge d’instruction a rendu un non-lieu les concernant un an et demi après, mais le parquet a fait appel début décembre. Selon lui, les conditions ne sont pas réunies pour justifier la légitime défense des policiers.

Les faits se sont déroulés en avril 2019. C’est la première fois que chacun des policiers utilise son arme de service. C’est également la première fois qu’une arme à feu est utilisée par un policier municipal à Marseille ; ceux-ci ne sont équipés que depuis septembre 2015.

Dans le 9e arrondissement, sur le boulevard Paul-Claudel, le 28 avril, un policier municipal dit voir un homme griller un feu rouge. La voie n’est pas large et peu de place est laissée à la circulation. Il se rapproche en moto, gyrophare allumé, pour contrôler l’automobiliste, qui tente alors de fuir. “Il s’est rendu coupable de refus d’obtempérer, confirme Frédéric Monneret, l’avocat du conducteur. Il conduisait sans permis. Il a pris peur.”

Sept balles à deux

L’automobiliste s’engage alors à contresens sur le boulevard. Alors que sa course est arrêtée par des voitures en circulation, il tente des manœuvres pour s’échapper, percute plusieurs voitures. Lors de ces mouvements, un des policiers parvient tout de même à briser une vitre de la voiture avec son poing pour tenter d’attraper les clefs, sans succès.

Le conducteur enclenche à nouveau la marche arrière et commence à reculer. Les deux policiers qui se trouvent devant lui craignent qu’il ne fonce sur le troisième policier, situé derrière la voiture. Ils font feu dans le pare-brise et tirent sept balles à deux. L’automobiliste est touché par trois balles. Au cou, à l’épaule et au bras. Le troisième policier, qui était à un ou deux mètres de la voiture selon les témoins, se place en même temps hors de la trajectoire de la voiture. Le conducteur sort en sang, puis s’écroule. Un policier, qui avait dégainé son taser par crainte d’une nouvelle attaque, lui porte les premiers secours.

Deux jours après, le 30 avril, les  deux policiers municipaux sont mis en examen pour violences avec usage d’une arme et placés sous contrôle judiciaire. Ils ont depuis interdiction de porter une arme. Le conducteur, qui était sous bracelet électronique à la suite de condamnations précédentes, est également mis en examen, à la même date, notamment pour refus d’obtempérer, possession de stupéfiants et violences avec arme – en l’occurrence sa voiture – contre les policiers. Il a été ensuite placé en détention provisoire jusqu’en juillet dernier, date de sa libération sous contrôle judiciaire. Le juge d’instruction l’a renvoyé devant le tribunal correctionnel pour ces faits, en accord avec les réquisitions du parquet.

Concernant les policiers municipaux, en revanche, il y a un désaccord. Selon le juge d’instruction, leur légitime défense ne fait aucun doute. Dans son ordonnance de non-lieu, il note qu’ils “ont légitimement pu croire, au moment où ils ont pris la décision de tirer de façon quasiment simultanée, que [le troisième policier] se trouvait menacé dans sa vie, ou dans son intégrité physique” et que cette menace était “bien réelle”. Le parquet doute de son côté de cette légitime défense, et a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel. “L’usage fait par les policiers municipaux de leurs armes n’était ni absolument nécessaire ni proportionné au regard des circonstances”, nous explique le parquet. Celui-ci a donc fait appel de l’ordonnance de non-lieu le 3 décembre dernier.

Frédéric Monneret, l’avocat du conducteur blessé, partage logiquement l’analyse du parquet : “Les policiers déclarent tirer en sachant qu’ils pouvaient occasionner la mort de mon client. Ce que dit le parquet, c’est que, en tenant compte de la proportionnalité, il y avait une autre option que de tirer sur lui. Surtout que leur collègue derrière la voiture a pu se positionner sur un trottoir et ne pas craindre un accrochage.”

“Le tir est totalement légitime”

“Le parquet aimerait que les policiers lisent l’avenir pour savoir si leur collègue va être percuté ou non avant de tirer, ce qui est impossible…”, ironise l’avocat Laurent-Franck Lienard, qui défend les deux policiers municipaux. Pour lui, qui accompagne de nombreux policiers dans des affaires similaires de violences ou usages d’armes, la légitime défense ne fait pas de doute : “Le tir est totalement légitime, il entre dans le cadre légal.”

En plus de la légitime défense (art. 122-5 du Code pénal), les articles L435-1 et L511-5-1 du Code de la sécurité intérieure prévoient notamment que les policiers municipaux peuvent faire “usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée (…) lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui”.

Les conditions de la légitime défense pour les gendarmes, policiers et policiers municipaux avaient été ainsi précisées en 2017, dans la loi pour la sécurité publique. Elles sont cependant réduites pour les policiers municipaux. Le débat entre juge et parquet tient sur l’absolue nécessité et la proportionnalité de cet usage des armes. La cour d’appel d’Aix-en-Provence le tranchera au printemps. Sollicitée, la mairie de Marseille n’a pas souhaité “commenter une affaire en cours”.

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Commentaires

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  1. petitvelo petitvelo

    Le simple risque d’une balle perdue est énorme en ville, équiper les policiers municipaux revient déjà à l’assumer. D’autre part, un véhicule motorisé est une arme qui tue toute l’année, la menace était réelle pour les policiers comme pour les citoyens.
    Le doute du parquet serait plus facile à entendre si les procès pouvaient être bouclés en 1 an maxi.

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  2. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    moi j’avoue que je suis circonspecte ? car tout de même le conducteur a effectué des tas de manœuvres dangereuses, rouler à contre sens etc…

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  3. jasmin jasmin

    Que le parquet ne veuille pas transformer la ville en OK Corral, ou scène de cascade de film, c’est légitime. Aux Usa, les policiers armés tirent d’abord dans les pneus et la carcasse du véhicule pour l’arrêter, mais là, le conducteur roulait à contre sens, avait foncé sur deux policiers et maintenant reculait dans le troisième, après avoir heurté plusieurs véhicules. Il fallait combien de morts pour que ça ressemble à une légitime défense? Il faut surtout que le parquet se rappelle que des procès longs à n’en plus finir, c’est payé par les impôts du contribuable. Il faut entrainer la police municipale à tirer d’une autre manière (voir méthodes d’ailleurs) et arrêter d’immobiliser la police dans sa gestion des crimes.

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