Soirée du premier tour : joie des débutants et déserts militants

Reportage
le 24 Avr 2017
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La victoire au premier tour d'Emmanuel Macron ne se retrouve pas forcément dans les résultats locaux. Avec un mouvement encore balbutiant, les législatives sont la prochaine inconnue. Marsactu a passé la soirée électorale dans plusieurs QG politiques.

Soirée du premier tour : joie des débutants et déserts militants
Soirée du premier tour : joie des débutants et déserts militants

Soirée du premier tour : joie des débutants et déserts militants

Une explosion de joie qui fait briller les yeux, couler les larmes et renverser les verres. Au QG du mouvement d’Emmanuel Macron à Marseille, sis à la Bo[a]te, cours d’Estienne d’Orves, l’ambiance est passée en un instant des mains jointes aux bras écartés. “C’est la bonne étoile En marche”, juge Sofiane Zemmouchi qui ratisse depuis des mois les quartiers Est de la ville. Dans la salle, peu ou pas de politiques de métier, quelques rares militants chevronnés et, majoritairement, des représentants de cette société civile que le mouvement créé voici un an est censé incarner.

“Intensément soulagée, immensément heureuse”, résume Corinne Versini, cheffe d’entreprise et animatrice départementale, qui souligne justement la jeunesse du mouvement : “C’est extraordinaire d’avoir fait ça avec un parti qui a juste un an d’existence”. Cette ambiance guillerette tranche brutalement avec celle des autres quartiers généraux, pour la plupart des permanences de parti ou de député.

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Rue Montgrand, au siège du parti socialiste, le désert. Rue Sainte-Cécile chez Les Républicains, le désert ou presque. Partisan du retrait de Fillon, Bruno Gilles serre les dents. À la permanence du député filloniste, Guy Teissier, ils sont 15 à attendre avec anxiété les résultats, 25 pour les déplorer dans la foulée du député qui s’enferme aussitôt avec quelques collaborateurs.

Face à la presse, il aura cette déclaration ambiguë : Je pense que les Français se déterminent comme ils le veulent. Les Français votent pour qui ils veulent. Je ne vais pas voter pour Marine Le Pen mais je laisse le choix à mes concitoyens.” Autour de lui, nombreux sont ceux qui annoncent ne pas être tenus par l’appel à voter contre Marine Le Pen de François Fillon. “Lui il a le droit, nous, on fait ce qu’on veut !”, entend-on. 

Dans le même temps, la plupart des cadres du parti, Jean-Claude Gaudin et Christian Estrosi en tête, appellent sans barguigner à faire barrage au FN en votant Macron. Ils se projettent déjà dans les législatives où ils espèrent au moins conserver leurs sortants.

Pas d’effusion au Front national

La déconfiture de la droite profite au Front national qui sera, comme en 2002, au second tour. Dans son siège du 6e arrondissement, on dirait que la soirée n’a été organisée que pour les journalistes. La salle est entièrement vide, et seul, Stéphane Ravier regarde les résultats s’afficher sous le regard des caméras. Un maigre “Bien !”, lâché sur un ton un peu trop convaincu, sera la première réaction de celui qui est la figure du frontisme marseillais.

Stéphane Ravier feint de découvrir les résultats à la télévision en présence des journalistes.

En tout, une vingtaine de permanents du FN sont éparpillés dans les lieux, dont une importante partie est formée par le service d’ordre et de sécurité, qui ne s’exprime pas et le reste d’élus et de permanents du parti. De militants lambda, il n’y en a aucun. “Malheureusement, nos militants sont dans les bureaux de vote”, explique Jeanne Marti, militante FN depuis 30 ans, conseillère municipale et métropolitaine.

Ce qui pourrait être une grande fête pour le parti – Marine Le Pen est annoncée dès 20 heures au dessus des 20% – est un rassemblement sans aucune effusion. Des applaudissements polis accueillent l’allocution de la candidate. “Je suis heureuse, mais pas surprise”, confie Jeanne Marti, appuyée par Jean-François Luc, conseiller régional : “2002 c’était une surprise, là on savait”. Et la conscience du plafond de verre du second tour est forte. “On va se farcir Macron pendant 5 ans”, lâche une dame à l’entrée du local, comme vaincue d’avance.  

Chez les Insoumis, “je ne voterai pas sous la contrainte”

Du côté de la France insoumise, on ne veut pas croire aux résultats. Dans le local de la rue de la Grande armée (1er), de grands tableaux de papiers recouvrent un mur où viennent s’ajouter progressivement les résultats des bureaux de votes que retransmettent des militants rivés sur les téléphones et ordinateurs. Les conversations entre partisans, une petite cinquantaine de personnes, sont agitées, entre la joie du bon score obtenu – ils n’apprendront que plus tard l’avoir emporté à Marseille – et le désemparement face au duo retenu.

Le tableau où la France insoumise consigne les résultats, bureau par bureau.

“Ce programme, c’est ce qui nous unit, on s’est pas fait chier pour l’oublier !”, lance Pascal à une camarade qui s’emporte aussi au sujet d’Emmanuel Macron : “C’est un produit marketing ! C’est le pognon et les médias”. “Ça sert à quoi de mettre du sens dans ce qu’on fait si les gens votent pour celui qui ne met pas de sens ?”, s’interroge à voix haute une militante apparemment désespérée.

La question du vote au second tour est éruptive, alors que Jean-Luc Mélenchon ne donne pour le moment aucune consigne. “Les amis, moi je vote pas pour lui, lance un homme éméché en pointant Emmanuel Macron du doigt. Je m’en fous, je vote Marine, je revoterai pas Chirac !”. L’annonce est suivie d’un silence embarrassé. À l’autre bout de la salle, Annick, fonctionnaire, discute avec deux collègues. “J’avais voté Chirac en 2002, mais c’est différent aujourd’hui. La vie politique s’est tellement droitisée, c’est jus vert et vert jus. Je ne voterai pas sous la contrainte. J’irai voter, mais blanc”, annonce-t-elle résolue, avant de se réjouir : “On ne lâchera rien, maintenant, la gauche, c’est nous!”

Chez Macron, militants désorganisés et élus chevronnés

Cours d’Estienne d’Orves, où l’exultation perdure, les soutiens politiques arrivent. On y croise Lisette Narducci, la maire des 2/3 arrondissements, venue avec sa fidèle adjointe, Dominique Giner, candidate aux législatives qui espère l’investiture : “Je pense représenter le renouvellement. Je suis cheffe d’entreprise, présidente d’association, élue de secteur…” La conseillère municipale PS, Annie Levy-Mozziconacci est plus mesurée compte tenu du vote FN et de la déroute de son parti. “J’ai voté Macron et je serai candidate aux législatives dans la perspective d’obtenir une majorité présidentielle”, explique-t-elle. Son suppléant, Jean-Marc Maini est militant d’En marche, se plaît-elle à souligner.

Toute la difficulté des jours qui viennent réside dans ce soudain attrait que déclenche la perspective d’une victoire. Avec un enjeu de taille pour le jeune mouvement : l’absence pour l’heure d’organisation politique avec un suivi pointilleux des bureaux de vote. Or, qui tiendra demain les bureaux désertés par les autres partis ? “Beaucoup nous font des propositions de services avec, en perspective leur candidature aux législatives, explique Saïd Ahamada. Tout dépend donc de quand tomberont les investitures. Elles sont attendues entre les deux tours. C’est important parce que cela peut créer un vrai élan pour nos militants. Mais cela risque d’en faire fuir d’autres.”

À la Bo[a]te, pas de panneau blanc pour visualiser les résultats, bureau par bureau, ville par ville. Ils ne comprendront que tardivement que leur candidat n’est que 4e à Marseille comme sur l’ensemble du département. Pas de téléphone qui vibre, de ruche derrière une porte. Corinne Versini doit partir d’une minute à l’autre pour la préfecture, pour la mairie. Mais elle ne décolle pas. Personne ne se projette dans les résultats, territoire par territoire. “Nous ne sommes pas organisés”, reconnaît un militant un peu plus chevronné. Si le second tour paraît déjà joué, les législatives se profilent dans un brouillard épais.

Benoît Gilles, Lisa Castelly et Michel Samson

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