Saisonniers : précarité à durée indéterminée
Saisonniers : précarité à durée indéterminée
Un camion CGT qui passe du MAP et du Noir désir à fond sur le cours d'Estienne d'Orves, une manif se prépare-t-elle ? Pas de panique, personne ne sera séquestré (pour le moment). Ce camion n'est que la caravane estivale du syndicat (la CFDT fait de même tous les ans), qui s'est arrêtée jeudi dernier à Marseille pour interpeller sur la condition des saisonniers. Car il ne fait pas bon être saisonnier en France : s'il est agréable de manger des glaces face à la mer, le garçon qui vous l'apporte sur un plateau n'a souvent ni contrat légal, ni horaires décents, ni salaire correct. Les Bouches-du-Rhône n'échappent pas à la règle.
"65% des saisonniers ne connaissent pas leurs droits", affirme Sabine Genisson, membre de la direction de la CGT, en charge du dossier saisonniers. Munis d'un petit guide, les "caravaniers" sont allés dans les cafés et les restaurants pour informer les travailleurs, les clients, et même les patrons. À ce sujet, la syndicaliste a un discours bien rodé : "Je tiens à préciser, parce que je suis sûre que certains pensent ça, je ne suis pas du tout communiste. À la CGT tout se qu'on veut c'est que ça se passe bien entre employeurs et employés." Voilà de quoi rassurer l'UPE13, qui a fait du syndicat sa bête noire. Et pour que "tout se passe bien", Sabine et ses camarades ont toute la journée fait "acte de pédagogie", rappelant aux patrons qu'ils doivent signer des contrats, payer les salariés et ne pas fouetter les saisonniers.
D'après la définition de Pôle emploi :
le travail saisonnier se caractérise par l'exécution de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons (récolte, cueillette) ou des modes de vie collectifs (tourisme). Cette variation d'activité doit être indépendante de la volonté de l'employeur. Sont notamment concernés le secteur agricole, les industries agroalimentaires et le tourisme.
Le contrat précaire est donc la norme : CDD à terme incertain, qui peut ou non prévoir la reconduction du contrat à la saison suivante. D'après la CGT, ces contrats peuvent aller de deux semaines à huit mois.
Dans l'imaginaire collectif, le travailleur saisonnier évoque un étudiant en vacances, qui profite de l'été pour mettre un peu d'huile d'olive sur les tomates-mozza. "Ce n'est pas toujours la réalité, souligne Sabine Genisson, le travail saisonnier est souvent exercé comme emploi principal, les droits en moins. Je connais quelqu'un qui enchaîne les contrats saisonniers depuis 12 ans !" Et d'ajouter : "le problème c'est qu'un contrat saisonnier n'offre pas de possibilités de formation, ni promotion, déjà que les salaires dépassent rarement le SMIC".
Jawad, 100 heures comptées 20
Quand bien même il ne s'agit que d'un étudiant en vacances, il n'y a pas de raison qu'il ne soit pas protégé. Jawad (le prénom a été modifié) a enchaîné les saisons : plongeur, commis de cuisine, second du chef. Un été, il a même signé un contrat saisonnier dans un fast-food. Jawad a travaillé trois étés dans le même restaurant à la Ciotat. Le premier, il avait 16 ans, était payé à 80% du SMIC, ce qui est légal pour une personne de moins de 17 ans. Il travaillait plus de 39 heures par semaine et ses heures supplémentaires n'étaient pas déclarées et payées en liquide. Ce qui est moins légal…
La deuxième saison, il était majeur. Il a signé un contrat de 20 heures et a travaillé cinq fois plus : "je travaillais de 9 heures, jusqu'à 2/3 heures du matin, parfois avec une petite pause, sans jour de repos et ça pendant deux mois. La moitié de mes heures sup était payée en cash parce qu'elles étaient illégales. Par contre je gagnais bien : 2000 euros par mois, plus 700 euros dans les mains", raconte-t-il. La troisième, il avait un contrat de 25 heures, gagnait 3000 euros dont 1200/1300 euros en espèces. Ses heures supplémentaires n'étaient pas majorées et en deux mois et demi il n'a pris que trois jours de congé. Une situation courante d'après Sabine Genisson qui affirme que dans 14% des cas, aucun contrat n'est signé, et que 25% des heures supplémentaires ne sont jamais rémunérées.
Fair-play, Jawad précise : "Je ne blâme pas mon patron. D'abord j'avais besoin d'argent et c'est un moyen d'en gagner beaucoup rapidement. Toutes les conditions ont été négociées avant, c'était clair, même si je n'avais pas trop le choix. Et puis, ça ne justifie pas les pratiques illégales, mais il faut savoir que beaucoup de saisonniers s'engagent et partent avant la fin de la saison."
Pour Sabine Genisson, cette situation est symptomatique de l'état du marché du travail : ce n'est pas le besoin en main d'œuvre qui manque, par contre le travail est toujours vu comme un coût qu'il faut réduire, d'où la précarisation. "Le problème c'est la mise en concurrence des travailleurs précaires : s'il y en a un qui refuse ces conditions, il y en a 10 derrière qui sont prêts à reprendre le poste", déplore-t-elle.
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À cause de leur mobilité, on comprend qu'il n'est pas aisé pour les saisonniers de s'organiser collectivement. Pour l'heure, les militants misent tout sur l'information par le dialogue et, à l'aide de leur guide, rappellent aux travailleurs quels sont leurs droits. Entre autres, dans le cas de la non-signature d'un contrat, ils peuvent exiger un CDI au bout de 48 heures. De même, la durée maximale de travail est de 10 heures par jour et de 44 heures par semaine. Les heures supplémentaires doivent être payées et majorées, de 25% pour les huit premières heures (de 35 à 43 heures) et de 50% ensuite. Bon à savoir.
Le syndicat mise également sur une action auprès du gouvernement, Sabine Genisson l'assure, les syndicats comptent négocier dès la rentrée avec Michel Sapin pour faire avancer les droits des saisonniers : "La revendication prioritaire est le versement de la prime de précarité – 10% du salaire mensuel – en fin de contrat, comme c'est le cas pour les intérimaires". Elle rappelle : "l'année dernière on a déjà obtenu la suppression du coefficient minorateur pour le calcul des droits au chômage".
"La faute à Pôle emploi"
Quand on lui demande ce qu'il en pense, Pierre Alfonsi, président de la fédération de l'industrie hôtelière des Bouches-du-Rhône, s'énerve :
Je vous signale que chez nous, le travail sans contrat, ça n'existe pas. Vous me dîtes que vous vous êtes adressée à la CGT ? Je ne vois vraiment pas ce que j'ai à voir avec eux. La CGT ce sont des gens qui bloquent l'économie, ça se sait, il y a beaucoup d'affaires.
Très remonté il ajoute :
Vous voulez que je vous dise où il est le problème ? On fait face à une crise économique sans précédent et nous patrons on cherche des cuisiniers et des serveurs et on les trouve pas. Ils sont inscrits à Pôle emploi, mais quand on leur trouve du boulot ils viennent pas.
Et le meilleur pour la fin :
Et vous savez pourquoi ? Parce qu'un cuisinier il gagne 1300 euros net, c'est du même ordre que le RSA (sic) alors ça vaut pas le coup. Chez moi, il n'y a jamais eu de situations irrégulières. Après je vais pas vérifier ce qui se passe chez les autres, je suis pas inspecteur des impôts (resic).
Étonnant de la part de quelqu'un qui ajoute savoir "très bien ce qui se passe à Pôle emploi" d'imaginer que le RSA est à 1300 euros. Encore plus étonnant de savoir que le président de la fédération de l'industrie hôtelière des Bouches-du-Rhône, sorte de syndicat de l'hôtellerie-restauration, ne s'intéresse pas à "ce qui se passe chez les autres". D'autant plus quand le travail illégal est mis en lumière dans La Provence : d'après une campagne de contrôle de l'Urssaf de 2009, on atteignait à la fin du mois de juillet quasiment 100% de fraudeurs sur les restaurants de la Pointe-Rouge. De même lors du passage du tour de France à Marseille, sur une trentaine de cafés et restaurants autour du village, sur la Canebière et le Vieux-Port, presque tous avaient embauchés des extras non déclarés.
Ou Pierre Alfonsi ne lit pas le journal, ou la situation des employés a connu une révolution depuis 2009. À en croire Alain Cré, inspecteur de l'Urssaf, cité toujours dans La Provence jeudi dernier, un établissement de restauration exemplaire sur les contrats de travail et les emplois du temps "est une exception" dans la région. Réponse 2, Pierre Alfonsi ne lit pas le journal.
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Je travaille en saison (après avoir fait la saison dernière en extra) dans un célèbre hôtel Cannois dont le nom est à consonance hispanique, c’est hallucinant, les commis de cuisine dépassent largement les 35 h et leurs heures sups ne sont jamais payées, ne parlons pas des stagiaires qui se font carrément exploités, horaires de malade, tâches qui nécessiterait l’emploi de plusieurs personnes, et pour les mieux lotis de l’établissement ils n’ont pas le choix, les heures sups sont récupérées et puis c’est tout !
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edit : qui nécessiteraient
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