Réjane Lhote croque Marseille par ses ports

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le 17 Juil 2014
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Réjane Lhote croque Marseille par ses ports
Réjane Lhote croque Marseille par ses ports

Réjane Lhote croque Marseille par ses ports

Elle déambule le long du port, tenant son carnet noir à deux doigts, posé contre son avant bras pour plus d'appui. Les autres retiennent comme ils peuvent les quelques crayons noir, bleu, jaune ou vert avec lesquels elle dessine le plus souvent. Une petite trousse brodée rouge pend le long de son poignet dans laquelle elle range les outils de dessin. Protégée du soleil sous son chapeau de paille, cachée derrière ses grandes lunettes noires, Réjane Lhote lève régulièrement le yeux vers les mâts, ce pêcheur qui attache son bateau contre la bite d'amarrage. 

"J'ai plusieurs types de carnet mais j'aime utiliser ceux-là quand je me promène", explique-t-elle en feuilletant les pages légèrement cartonnées du papier à dessin. "Je décide d'un point de départ et d'arrivée et je relève les rythmes visuels qui peuvent être donnés par les bateaux, les mâts par exemple. Il s'agit ensuite de voir comment ce paysage là va changer au fur et à mesure de mon parcours, quels sont les sons, les conversations que je peux entendre, est-ce qu'il y a une dominante de couleur… En fait c'est vraiment plus une forme de prise de notes sur l'idée d'un parcours, une façon de capter une ambiance qui évolue sur un chemin."

Des carnets en accordéon

Des notes dessinées, c'est comme ça que l'artiste travaille sur un projet. Cette manière de procéder lui permet surtout de se concentrer davantage sur "ces choses auxquelles on ne fait pas attention ou qu'on va oublier. Avec un carnet, on récolte ces données, ces rencontres et on les transforme en autre chose. Je m'intéresse à la poésie du quotidien, à une forme de patrimoine pauvre."

Elle remplit donc les pages parfois de simples barres, de petits ronds, parfois de dessins plus aboutis où l'on distingue la voile d'un bateau. Quelques mots sont griffonnés ça et là, "de compagnies maritimes" ou tirés de discussions qui lui parviennent aux oreilles à son passage. Et à la fin du parcours, elle déplie les pages de son carnet en accordéon, retraçant ainsi par les différents croquis réalisés l'itinéraire qu'elle a suivi.

 Rejane Lhote

Organes – exemple d'un travail réalisé par Réjane Lhote sur ces carnets

"J'avais envie de faire un projet à Marseille et de la raconter autrement qu'en touriste". Et c'est par ses ports que Réjane Lhote a voulu dessiner la ville. "C'est la rencontre avec la Chambre claire, qui m'invite à cette résidence, qui m'a permis de conceptualiser ce projet". L'artiste parisienne, qui connaît peu Marseille, voulait "élargir [sa] vision de la ville par ce projet. C'est toujours intéressant de découvrir une ville et ses habitants par le travail. Ça crée un lien et une familiarité totalement différente. Ma relation à Marseille a changé de par ce projet".

"Ouvrir mon regard"

La matière première que Réjane Lhote récolte par ses déambulations le long des ports et du littoral marseillais ne lui suffit pas. Elle veut aussi se nourrir de ceux qui vivent la ville au quotidien. "Nous nous sommes rencontrées il y a longtemps par l'intermédiaire d'autres artistes, explique Valérie Horwitz, photographe et directrice artistique de l'association la Chambre claire. Nous avons beaucoup parlé de son projet et je l'ai accompagnée". L'association a donc lancé un appel à participation afin de mettre l'artiste en relation avec des personnes susceptibles de lui parler de leur ville. Si cet appel n'a pas eu le retour espéré, Valérie Horwitz a néanmoins fait jouer son réseau de connaissanceS pour aider l'artiste dans sa recherche de témoignages. 

Il me semble qu'une partie de la ville n'est pas vécue par les habitants. Pour certains, le port est celui de la plaisance, pour d'autres, c'est le port industriel, les croisières. C'est très enrichissant de comprendre la ville et son identité par ces métiers. 

"Pour l'instant, j'ai surtout rencontré des experts, des urbanistes, poursuit l'artiste, mais aussi une personne qui a un bateau de plaisance, une autre qui m'a montré sa cave et qui a vraisemblablement des vignes, une qui travaille au Mucem…" La veille elle donnait rendez-vous aux Terrasses du port à Benjamin – un de ses amis avec qui elle a travaillé sur une revue, Citrus, alliant écrit et dessins sur le thème du foot – pour qu'il lui parle de ce nouveau centre commercial. "Je vais essayer de rencontrer aussi des retraités de la CGT du port ou de la réparation navale. Ce qui m'intéresse, c'est de récolter le plus d'anecdotes possibles de personnes qui portent un regard réfléchi ou conscient sur la ville. Ces rencontres me permettent de voir autrement et d'ouvrir mon regard".

Un projet, plusieurs villes

Mais ces quelques jours passés à Marseille, surtout en plein été, ne seront certainement pas suffisants. L'artiste devrait revenir au mois de septembre ou d'octobre pour enrichir ses témoignages. "De cette façon, elle prend la mesure de la ville beaucoup plus que quand elle ne fait que passer", soutient Valérie Horwitz. D'ici là, elle tentera également de lui obtenir une autorisation d'entrée au port autonome, où elle-même allait marcher sur la digue du large lorsque l'accès était ouvert, il y a quelques années.

Entre temps, Réjane Lhote passera plusieurs semaines dans son atelier à retranscrire ces heures de discussions et de promenades au bord de l'eau. Trois, dix ou vingt dessins, elle ne sait pas, pour l'heure, quelle forme prendra ce travail passé sur le terrain, au coeur du sujet de son projet. D'ailleurs, la date d'une probable exposition n'est toujours pas arrêtée.

Mais Marseille n'est que le point de départ d'un travail beaucoup plus vaste que l'artiste veut entamer. "Le fait de dessiner fait qu'on s'approprie un espace différemment. C'est aussi une forme d'outil que j'aimerais mettre en place dans plusieurs villes que je connais peu, en se donnant des contraintes comme ici : d'un point A à un point B, quel est le parcours ? Qu'est ce qui s'y passe ? Qui sont les habitants ? Sont-ils différents d'une autre ville ou d'un autre quartier ? J'aimerai mettre en parallèle plusieurs villes d'échelles différentes avec cette méthode de travail récurrente, des balades seules ou d'autres encouragées par différentes rencontres".

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