Quand le grand rabbin de Marseille se prend les pieds dans les règles de la laïcité

Quand le grand rabbin de Marseille se prend les pieds dans les règles de la laïcité

À quelques jours du second tour, le consistoire de Marseille a pris position dans l’élection en cours. Le document est signé par le président de l’organisation communautaire du culte israélite, Michel Cohen Tenoudji et le grand rabbin de Marseille, Réouven Ohana. Le texte de quelques lignes se veut sans ambiguïté dans son appel à voter pour cette élections aux “conséquences considérables pour notre ville et notre communauté”. Sans viser aucun candidat, le communiqué énonce que “ne pas voter, c’est prendre le risque de livrer notre belle ville aux extrêmes”. Un danger qui serait “à nos portes”, écrivent les deux responsables communautaires.

Le discours fait écho aux arguments portés par le clan Les Républicains qui, depuis le début de la campagne, clame que le risque provient des extrêmes, incarnés à droite par le Rassemblement national et à gauche par le Printemps marseillais. Joint par Marsactu, le président du consistoire se veut un peu plus nuancé. “Il n’est pas question d’appeler à voter pour un parti ou pour un candidat”, insiste Michel Cohen Tenoudji. Sa vision des extrêmes est donc très claire : à l’extrême droite, “le rassemblement national [le] ramène à de vieux souvenirs que je n’ai pas envie d’évoquer ici, explique-t-il. Si demain, ils énoncent un discours un peu différent, derrière, il y a toujours des gens peu fréquentables.”

Communiqué du consistoire israélite de Marseille.

À l’autre bord, il vise l’extrême gauche, incarnée selon lui par “Jean-Luc Mélenchon et son anti-sionisme qui excite les populations et finit toujours par déboucher vers l’antisémitisme”. Mais cela ne vise pas selon lui le Printemps marseillais. “Je ne pense pas que Michèle Rubirola soit d’extrême-gauche, ni même Benoît Payan qui est un type très bien, estime-t-il. Mais nous demandons à ce que soit éclairci les positions anti-sionistes de Jean-Luc Mélenchon dont la suppléante est candidate et qui soutient le Printemps marseillais.”

Si ce message est pensé comme non-partisan, il fait écho à un premier message qui a circulé un temps sur les portables de représentants communautaires.

Il était signé cette fois-ci du seul grand rabbin, Réouven Ohana. Son propos est beaucoup plus équivoque et ressemble à une promotion de la candidate LR. “Je vous invite à nous réunir autour de madame Martine Vassal et son équipe pour une réunion demain 18 juin à 18h30, écrit le chef religieux. Ce sera une très bonne occasion pour vous de déposer en mains propres vos demandes de subventions pour votre structure“. Il joint à son texte le numéro de téléphone d’un des chargés de communication du consistoire et insiste encore : “Je compte sur la présence massive de tous les rabbins de notre ville soucieux de notre avenir“.

Le texto envoyé mercredi 17 juin par le grand rabbin de Marseille.

Le texto court très vite d’un portable à l’autre et suscite un certain émoi. Car les règles de séparation de l’église et de l’État sont très claires. L’article 26 précise qu’il est “interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.” Or, le lieu que le grand rabbin définit simplement comme “Breteuil” est le siège de la grande synagogue de Marseille. “Ce texto m’a fait bondir”, reconnaît le président du consistoire qui met cela sur le compte d’une “erreur d’appréciation” d’un personnage religieux, forcément un peu détaché des choses matérielles.

La réunion initiale devait, selon ses dires, se tenir avec les services du département, dont Martine Vassal est présidente, au titre du soutien au mouvement associatif. “La crise du Covid les a laissées dans une situation difficile. Elles ont besoin de soutien”, maintient le responsable communautaire qui a lui même demandé l’annulation de la réunion. “Nous sommes légalistes, il n’était pas question de prêter le flanc à un quelconque conflit d’intérêt.” La réunion a donc été annulée, ce que le rabbin Ohana a précisé à ses collègues dans un second message en précisant qu’il souhaitait là “éviter toute confusion.” Du côté du Département, le service de communication précise qu’une réunion était bien prévue avec la présidente au sujet du soutien à la vie associative, mais compte tenu du calendrier la présidente de la collectivité a préféré l’annuler. Elle attendra donc la fin des élections pour se tenir.