Quand la caravane Montebourg passe à Marseille, les chiens aboient
Le costume est parfaitement coupé. La chemise est blanche. Il est bronzé, il rayonne, derrière ses Persol dolce vita. Sourire charmeur, salut les filles, avec comme un zeste d’arrogance. Il est socialiste et on a beaucoup parlé de lui cet été dans les diners du Roucas. Et aussi sur la plage du Prophète. Il compte de nombreux admirateurs au Cercle des Nageurs. C’est un bon client des médias. Il a fait la une du Nouvel Obs. Mais aussi du Point, de l’ Express, des Inrocks… et puis Marsactu, aussi.
Pourtant on ne l’a pas vu souvent à Marseille. Sa balade de jeudi dernier pas très loin du Vieux-Port n’est donc pas passée inaperçue. A tel point que La Provence, le matin même, en a fait sa Une. Et pas qu’à Marseille, mais aussi de toutes les éditions du grand quotidien régional de l’avenue Salengro. Il s’appelle Alexandre Guérini. Et vient d’être mis en examen avant-hier matin par le juge Charles Duchaîne, pour association de malfaiteurs en vue de commettre un traffic d’influence, après l’avoir été pour blanchiment, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, corruption et détention d’un chargeur d’arme. Et pour tout ça, il risque dans les 10 ans de prison. Comme son frère Jean-Noël Guérini, sénateur et président du conseil général des Bouches-du-Rhône, l’autre malfaiteur soupçonné de l’association. Les deux frères clament leur innocence, et sont bien entendu présumés innocents. Comme nous l’a si souvent rappelé Martine Aubry. Et d’ailleurs, Marseille n’est pas Bogota, comme dirait Jean-Noël.
Des symboles, pour la date marseillaise du Arnaud Montebourg ’s tour, il y en a eu beaucoup d’autres. Mais ce prep walk d’Alex à quelques centaines de mètres à vol de gabian du stand-up d’Arnaud, même le scénariste de mafiosa n’aurait pas osé l’écrire. Quand l’un sortait du bureau du juge, rue Grignan, encadré par ses avocats, et filait dans son 4×4 Mercedes, l’autre descendait de son Espace à cocarde, pour démarrer une réunion publique improvisée un stand-up avec les passants marseillais, place du Général de Gaulle. Ils auraient pu se croiser.
Pas de risque en revanche que le fameux épisode du Cercle des Nageurs ne se reproduise, le préfet de Police ayant encadré le député de la Saône-et-Loire, pour son escapade marseillaise, d’un imposant et spectaculaire dispositif de sécurité. Cinq policiers en civil, aussi repérables que Dupont et Dupond, avec oreillette, valise kevlar anti-projectile, et tout le toutim. Au début, ils ont même failli piquer la vedette à Montebourg. C’est vous dire. La petite cinquantaine de journalistes nationaux et locaux qui avaient fait le déplacement pour la tournée marseillaise du bourguignon semblaient plus intéressés par ces policiers du GIPN, que par le candidat aux primaires socialistes.
Allez comme on voit bien que vous en mourrez d’envie, on vous montre le Cobra 13 – il parait que c’est le nom de leur unité, à la valise. Mais de dos, et rapidement. Parce que ils n’aiment pas trop être filmés, et comme ils étaient plutôt sympa, on fait sobre (pour une fois) :
Pour rester dans les symboles, c’est aussi précisément sur cette même place, que le 9 octobre 1934 le roi de Yougoslavie et le ministre des Affaires Etrangères Louis Barthou furent assassinés par un dénommé Vlado Cernozemski. Mais les Cobra 13 n’étaient pas nés. Heureusement pour Montebourg, l’histoire ne repasse pas non plus les plats sur la Canebière et c’est toujours debout, sabre au clair et haut les coeurs que notre grand homme a tenté d’évangéliser les foules marseillaises, à la VIe République, sur la place de l’homme de la cinquième.
Nous fûmes emportés par la houle de la foule, osera notre poète quelques heures plus tard durant son meeting, en racontant son stand-up de l’après-midi. Sans doute lui même emporté par sa fougue, parce que à part des journalistes et quelques ricanants espions de Jean-Noël Guérini, il n’y avait pas grand monde pour écouter les envolées lyriques montebourgoises sur la nouvelle République :
Questionné par une salariée en détresse de Lyondellbasel, Montebourg a enchainé sur la démondialisation, toujours sur la même place, sous les très libérales fenêtres de la Chambre de Commerce et de l’UPE 13, puis partagé son stand-up avec sa camarade radicale de gauche Christiane Taubira, député de Guyane, et ex-candidate à la Présidente de la République, qui espère aujourd’hui un 21 avril à l’endroit :
Et enfin le Saint-Just du PS a entonné son très attendu tube sur le retour à la morale républicaine , ce qui a fait, très, très plaisir à quelques fans, qui il est vrai, n’entendent pas souvent ce genre de chanson, surtout dans la région :
Puis la caravane Montebourg a très vite filé vers Gémenos, pour y rencontrer les Fralibs en lutte pour sauver leur usine. Tellement vite qu’une journaliste de TF1, s’est fait flashée en tentant de suivre l’Espace montebourgoise conduite pas un des Cobras, ce qui nous a bien fait rire. « Je m’en fiche, chez TF1 on le fera sauter, sauf bien sûr si vous en parlez » Ben voilà, désolé c’est fait, toutes nos excuses à Martin Bouygues, mais vous savez comme on est à Marsactu, on tuerait notre dealer d’esches pour ce genre d’anecdote. Pas de souci en revanche pour l’Espace bourguignon, car c’est bien connu, les radars se désactivent à la vue des cobras.
Montebourg était comme un poisson dans l’eau avec les délégués CGT qui lui ont fait visiter l’usine. Le lutte contre les multinationales qui délocalisent c’est pile sa cible. Et pendant que son concurrent Hollande a promis des tables rondes, lui leur à fait le coup du grand soir. Expropriation de la marque Elephant, taxation lourde sur les produits vendus en France mais fabriqués ailleurs, et traitement fiscal aux petits oignons de bourgogne. Gros succès pour Montebourg, et vu ses chances d’arriver rue du Faubourg Saint Honoré, sans grand risque non plus pour Unilever, et donc facile à promettre.
Enfin ça vaut toujours mieux que la belle indifférence récemment affichée sur Canal Plus par Renaud Muselier et le député du coin l’UMP Deflesselles pour qui les Fralibs sont déjà morts et enterrés. L’espoir fait pourtant vivre. Bon, Ar
naud de Montebourg a dû quand même donner quelques gages aux syndicalistes, c’est vrai qu’il ressemble plus à un patron d’usine qu’à un proche de Mélenchon. Ses garde du corps ont aussi fait un peu sourire, et ils n’en ont pas souvent l’occasion en ce moment les Fralibs « eh ben il est venu équipé le Montebourg, comme notre patron quand il vient nous voir »
Entouré de son spin doctor Aquillino Morel, l’ex-plume de Lionel Jospin, Montebourg a étudié le dossier de reprise des Fralibs, et promis de les aider même si par extraordinaire il ne devenait pas président de la République. Sans cacher néanmoins le peu de pouvoir qu’a un homme politique français , fût-il candidat à la présidence de la 5e puissance mondiale, sur une multinationale comme Unilever et ses 40 milliards de chiffre d’affaires.
Il croit en revanche à la pression médiatique sur ces entreprises et a proposé par exemple qu’on dépénalise le boycott des marques dans ce genre de situation. Tapper sur Unilever c’est pas bien grave, mais sur Amora, Skip, Dove, Omo… ça n’aurait évidemment pas le même impact. Bon, c’est pour montrer aussi qu’on n’a pas fait que dormir…
Après une pause technique amusante, où Arnaud Montebourg s’est dirigé vers les toilettes, avec son staff, la presse, et ses cobras toujours collés à ses basques :
Montebourg est remonté dans son Espace, son cobra a passé la 6e, et la caravane s’est dirigée vers le Dock des Suds pour un meeting, dernière étape de sa journée marseillaise. La journaliste de TF1 a passé le volant à un de ses collègues, et tout le monde est arrivé à bon port dans ce dynamique lieu de la culture marseillaise qui accueille chaque année la Fiesta des Suds largement sponsorisée par le conseil général de Guérini. Un symbole de plus. On espère que les courageux patrons de la Fiesta, déjà un peu isolés au milieu des futurs projets immobiliers d’Euroméditerranée, ne subiront pas des représailles sous forme de baisse de leurs subventions. Mais, heureusement ce n’est pas le genre du Paquebot bleu.
Et après un discours introductif d’Annick Boët, conseillère municipale d’opposition à la mairie de Marseille, qui a récemment quitté Martine Aubry pour Arnaud Montebourg, puis de Paul Alliès, le concepteur de la VIe république, et enfin de Christiane Taubira, Montebourg pris la parole pour une petite heure d’un puissant speech où ses qualités de tribun ont fait évidemment mouche auprès, là aussi d’un assez faible auditoire. 450 à 500 personnes selon les organisateurs, 350/400 pour la presse, et une petite centaine pour les guérinistes. Salle à moitié vide pour les uns, salle à moitié pleine pour les autres.
« Dans ce public il y a très peu de militants socialistes , ce sont des gens qui sont venus spontanément, pour écouter Arnaud, on préfère ça à la claque guérinienne des traditionnels meeting socialistes marseillais » se rassuraient les spin-doctors du député de Saône-et-Loire. Et puis « c’est le seul candidat aux primaires à avoir eu le courage de tenir un meeting à Marseille » ajoutait Annick Boët. Le changement de salle en dernière minute, la très faible communication autour de sa venue, l’absence de couverture médiatique locale n’ont pas du arranger les choses.
Ce demi bide a rempli d’aise la fédé des Bouches-du-Rhône et son premier secrétaire Jean-David Ciot qui explique partout qu’il se doit d’être neutre dans ces primaires, et qu’à ce titre il n’a pas à s’afficher avec les candidats, lui qui était pourtant aux côtés de Martine Aubry lors de sa récente visite marseillaise sur la sécurité. La hollandaise Marie-Arlette Carlotti était une des rares élues locales à avoir fait le déplacement. Elle était au premier rang avec Frédérique Bredin, ancienne ministre et ex-députée-maire de Fécamp, une fabiusienne ralliée à Montebourg.
Les autres poids-lourds du PS dissidents de Guérini, comme les hollandais Patrick Mennucci, Eugène Caselli où la non alignée Sylvie Andrieux, étaient eux dans le 12e à une réunion du PS arménien animée par Bruno Leroux un député proche de leur champion François Hollande, descendu pour l’occasion. Montebourg et Leroux se sont d’ailleurs retrouvés dans le même avion, presque côte à côte pour venir à Marseille. Et ce sont a peine parlés. Ambiance.
Laissant un peu les journalistes locaux et nationaux sur leur faim, venus surtout pour ça, pour la castagne, Montebourg a réussi l’exploit de ne jamais citer le nom de Jean-Noël Guérini, évoquant simplement le sujet en dénonçant « la république irrespirable »
Oubliant Guérini, Montebourg a beaucoup parlé démondialisation, revenant sur le conflit Fralib et sur les « pagnolades et bouillabaisses marseillaises ».
Et après un débriefing avec son staff, le candidat aux primaires a ensuite passé la nuit dans son Espace, pour remonter à Paris où il était attendu le lendemain matin pour la matinale de France Inter. C’est un métier. Notre amie journaliste de TF1 elle, n’a pas voulu tenter le diable, et a préféré prendre l’avion du lendemain. Et les Cobras, après avoir accompagné leur VIP jusqu’à l’autoroute sont rentrés chez eux. En les remerciant, Montebourg leur a demandé si ils aimaient Marseille. « Oui, beaucoup, et puis pour nous, c’est un peu notre fonds de commerce« .
Commentaires
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Pierre, vous êtes sûr de vous, quand vous nous dites que les chiens ont aboyés?
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PAWouhAwww ! …
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