La bonne affaire immobilière de la région n’est pas au goût de la mairie d’Aix
Trois ans après avoir hérité du centre de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) d'Aix, la région a décidé de vendre une partie de ses terrains de sport à un promoteur. Une pépite de 3,5 hectares, dans le quartier en plein boom de Pont de l'Arc. Mais la Ville d'Aix n'est pas du tout prête à y voir pousser des immeubles.
Le terrain, de 35 000 m2, est classé constructible au plan local d'urbanisme d'Aix. (Photo JV)
La première championne olympique de BMX de l’histoire, Anne-Caroline Chausson, y a préparé ses JO 2008. Mais l’élite de cette discipline a déserté les bosses de la piste d’entraînement de Pont de l’Arc il y a quelques années déjà, et c’est un autre type d’acrobaties qui fait l’actualité du centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS) d’Aix-en-Provence. Le 22 décembre, un groupe spécialisé dans les résidences seniors nommé Les Villages d’or a déposé un permis de construire pour 485 logements sur les 35 000 mètres carrés composés de la piste de BMX et du terrain de foot voisin.
Fin 2019, à peine trois ans après avoir hérité du CREPS, auparavant géré au niveau national, le conseil régional a vendu un bout du vaste domaine aixois, pour 18,2 millions d’euros. Le contrat n’attend plus que la levée de la dernière condition pour être bouclé : l’obtention du permis de construire.
Sur le papier, la parcelle choisie a du potentiel. En dépit de son utilisation historique, elle est classée constructible au plan local d’urbanisme (PLU), avec la possibilité de monter les immeubles jusqu’à trois étages. “Le terrain de bonne planéité et jouissant d’une très bonne exposition, dispose d’un accès aisé et de tous les réseaux à proximité, y compris un transformateur électrique en bordure”, décrivent les services de l’État dans une évaluation sollicitée par la région.
Une vente sans mise en concurrenceEn dépit de la superficie importante de la parcelle et de sa localisation, la vente n’a fait l’objet d’aucun appel dans les publications spécialisées : la délibération annonçant le nom de l’heureux élu se borne à indiquer “qu’un acquéreur, les Villages d’Or, s’est manifesté”. Et ce, quelques mois après une précédente délibération actant le projet de vente. Ce promoteur montpelliérain, qui fait là sa première incursion dans les Bouches-du-Rhône, a-t-il une veille plus performante que les groupes nationaux ou les opérateurs du cru ? Son partenariat national avec CDC Habitat lui a-t-il permis de développer sa prospection ? Nous n’avons pas réussi à joindre ses responsables pour éclairer l’origine de cette candidature. “Les régions n’ont pas d’obligation légale de mise en concurrence”, se contente de nous répondre la collectivité.
Quant au quartier, il se situe en lisière sud du centre-ville d’Aix et proche de l’autoroute. À en croire une brochure signée du groupe Vinci, qui commercialise une résidence de l’autre côté de la route, vivre sur le secteur revient à “vivre à la campagne sans renoncer au charme de la ville”. Les T3 et T4 avec terrasse s’y vendent à plus de 5000 euros le mètre carré.
“On ne va pas doubler la population de ce quartier !”
Dans le détail, la demande de permis déposée pour le terrain du CREPS comprend une résidence étudiante, une résidence senior sociale du bailleur CDC Habitat et deux résidences dites “familiales”, dont une de “logements intermédiaires”. Sollicitée, la Ville d’Aix nous indique que le permis n’a pas encore été délivré et a fait l’objet d’une demande de pièces complémentaires, attendues pour le mois d’avril. Mais déjà, l’adjoint à l’urbanisme Jean-Louis Vincent donne le ton : “Le PLU, c’est un plafond. Mais on ne peut pas envisager de construire de manière aussi importante à cet endroit tant qu’il n’y aura pas de nouvelle voirie. C’est le quartier le plus embouteillé d’Aix, on ne va pas doubler sa population !”
Car, en fait de “campagne”, les contreforts du massif du Montaiguet voient pousser depuis plusieurs années le campus universitaire de la Pauliane et une multitude de résidences (Yumi de Vinci, mais aussi Aix natura, La Meniane, La Vista…). De quoi alimenter les bouchons d’un secteur très dépendant du pont qui lui donne son nom, au point qu’un deuxième ouvrage de franchissement de l’Arc est en construction, pour le relier au parking relais Krypton. “Il faut voir à l’usage ce que ça donne, mais ce pont était surtout prévu pour l’arrivée des 2000 étudiants de la fac d’économie, en 2022”, prévient Jean-Louis Vincent.
La douche froide pour la région
Les travaux de mise en sécurité [du CREPS] n’ont malheureusement pas été effectués avant le transfert du patrimoine à la région et doivent maintenant être réalisés à très court terme car ils représentent un niveau de risque élevé
Alors que des observateurs aixois soupçonnaient une opération déjà ficelée entre deux collectivités gérées par la droite, ce refus probable vient doucher les espoirs de la région de faire de l’or avec le CREPS. Or, le produit de la vente devait servir à “financer le programme de rénovation immobilière et de mise à niveau des CREPS”. Derrière son sigle crissant, cet organisme constitue la pépinière à champions de la région, dont elle souhaite faire son “campus olympique” dans la perspective des JO de 2024 en France. Une ambition qui nécessite “de lourds investissements à court terme pour permettre un accueil confortable des publics et des sportifs de haut niveau et développer l’attractivité et le rayonnement de ce patrimoine régional”, explique la délibération de décembre 2018 qui justifie la vente d’un bout de ce patrimoine.
En attendant, le transfert par l’État à la région est vu comme un cadeau empoisonné : un audit a évalué les besoins d’investissements des trois sites du CREPS – Aix, Antibes et Saint-Raphaël – à 27 millions d’euros sur 10 ans, dont 12,5 millions pour les seuls travaux de remise en état. “Ceux-ci n’ont malheureusement pas été effectués avant le transfert du patrimoine à la région et doivent maintenant être réalisés à très court terme car ils représentent un niveau de risque élevé”, lit-on dans le programme d’investissement voté en juin 2019.
Une charge que la collectivité a donc souhaité alléger en tirant profit du terrain aixois. “Au regard de l’état des bâtiments, la région a écrit au ministère pour demander une revalorisation de la dotation, mais cela n’a pas été accepté”, nous précise la collectivité. Comme quoi, elle n’est pas la seule à vouloir limiter les frais des JO.
Commentaires
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Voilà la démonstration type de ce que peuvent être les déclarations de tous nos politiques confondus sur l’obligation d’être respectueux envers l’environnement et la gestion qu’ils en font au quotidien.
A force de vouloir bâtir et bâtir encore sur des espaces verts, ils dégradent la nature et notre qualité de vie et plus encore celle des enfants qui pour certains ne connaîtrons que le béton, faute de moyens pour des vacances à la montagne. Quand on sait que la nature est un élément d’équilibre pour l’Homme, fabriquons un peu plus d'”enfants béton” et nous verrons bien l’incidence de cette politique dans quelques années. Il est grand temps de penser autrement l’urbanisation des villes.
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Étonnante, curieuse, suspecte, rémunératrice, intéressante cette appétence de nos élus pour l’immobilier ?.
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Mme la Maire ne savait pas que le terrain était constructible ou a-t-elle oublié de participer à l’élaboration du PLU
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Puisque la région n’a pas d’obligation légale de mise en concurrence, on aimerait avoir une idée de l’adéquation du prix au marché
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ce terrain est compris dans l’urbanisation, plutôt bien desservi par les transports en commun (Krypton) donc il faut pouvoir construire beaucoup de logements à cet endroit ! par contre pas de social dans le programme ? l’absence de concours pose clairement question également ! si on ne fait pas du logement en ville, ça revient à faire partir les jeunes et les familles dans les confins de la métropole les petites villes meme dans le 04… et des lotissements pas écolo mangeurs de terres agricoles
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Que de questions
– ce terrain support d’équipement public a dû être déclassé pour pouvoir être vendu: quand? par qui?pourquoi?
– il a été classé au PLU d’Aix approuvé en 2015 en zone UM, donc avec une forte constructibilité imposant 25% de logements sociaux minimum pour les programmes de plus de 2000m²: pourquoi la Ville d’Aix refuserait aujourd’hui ce qu’elle a accepté hier; est-ce que le changement de titulaire de la délégation à l’urbanisme a un rapport avec ce revirement (le précédent ayant eu des ennuis avec la justice pour trafic d’unfluence).
– quand on vend un bien pour financer de gros travaux d’investissement, on cherche à le valoriser au mieux: pour cela, la mise aux enchères suffisamment publiques est la meilleure méthode pour obtenir le meilleur prix; la région a préféré le gré à gré: pourquoi? que vaudrait ce terrain dans une consultation ouverte?
– avec tous les promoteurs qui opèrent dans la Région, aller chercher une société à Montpellier semble pour le moins incongru: ce promoteur a-t-il une technicité inconnue des locaux?
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Au moment de la vente du terrain, l’adjoint à l’urbanisme d’Aix n’était-il pas en même temps cadre au Conseil régional PACA ? Il a été mis en examen dans une enquête sur les conditions d’attribution des marchés publics d’urbanisme de la ville d’Aix.
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N’ y a-t-il pas ,par ces temps de crise , d’autres priorités que les JO ? Ecoles ,habitat indigne , équipement sportifs dans les quartiers ,transports collectifs ,hôpitaux etc. ? Ces collectivité territoriale ,qui se bouffent le nez ne servent à rien L”argent utilisé pour financer leurs projet somptuaires sort toujours de la même poche :la Notre La décentralisation c’est le retour des privilèges et des abus comme sous l’ancien régime
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