La plateforme d’accueil submergée par les demandeurs d’asile mis à la rue
Pour le deuxième jour consécutif, la plateforme asile qui accueille des demandeurs d'asile a dû fermer ses portes suite à des fortes tensions. La restriction des hébergements en hôtels a mis des familles à la rue. D'ici mardi prochain, aucun réfugié ne sera plus logé en hôtel.
Demandeurs d'asile devant les anciens locaux de la plateforme d'accueil en 2016. Photo : B.G.
Le policier met ses bras en croix. “C’est fermé. Aujourd’hui, vous ne pourrez plus entrer.” Appelés par Forum réfugiés, l’association qui gère la plateforme asile, les deux gardiens de la paix relaient la décision prise par la direction. Ce mercredi, la structure de premier accueil et d’orientation des demandeurs d’asile installée boulevard d’Athènes est fermée. Déjà, la veille, les salariés ont alerté leur hiérarchie sur leurs difficultés à maintenir des conditions d’accueil dignes.
“Nous avons pris la décision de fermer car nous avons dû faire face à des actes de violence. La veille, notre personnel nous avait alerté sur la situation de grande tension, justifie Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés. S’il s’agissait d’un simple afflux, nous saurions gérer. Mais ce matin, une personne a été violentée et va porter plainte. Une autre a été jetée à terre. Une porte a été fracturée. Certaines de ces personnes qui invoquent une protection internationale se sont comportées comme des voyous. Leur comportement nuit à ceux qui respectent les règles.”
Vers 9 heures, une cinquantaine de personnes étaient massées devant la porte de l’immeuble au premier étage duquel Forum réfugiés s’est installé il y a quelques mois. La plupart des gens présents se retrouvent sans solution d’hébergement suite à la décision de la direction départementale de la cohésion sociale de réduire drastiquement les nuitées d’hôtel réservées aux personnes en situation d’urgence et aux demandeurs d’asile. Parmi les bénéficiaires, c’est la panique. Ils se tournent alors vers la plateforme qui accueille tout le monde sans condition. Mais qui, en revanche, n’a pas la main sur l’hébergement.
Treize personnes dont des enfants à la rue
“Ma famille vivait à l’hôtel. Depuis hier, il n’y a pas de solution, explique un jeune homme, demandeur d’asile, qui lui vit en foyer. Ils sont treize et il y a des enfants.” Des militantes du Réseau éducation sans frontières sont venues prendre des nouvelles d’enfants qui fréquentent l’école des Bergers. “Deux familles syriennes étaient hébergées à l’hôtel et nous sommes sans nouvelles”, explique l’une d’elle.
Une réfugiée érythréenne pointe la situation d’un couple d’Ethiopiens : “Lui a une place en foyer et elle qui est enceinte de huit mois ne sait pas où dormir.” La jeune femme au ventre rond acquiesce. Elle a passé la nuit en foyer mais n’a pas de solution pour le soir même.
De part et d’autre de la porte, la tension monte. Les deux vigiles tentent tant bien que mal de maintenir la foule en dehors de l’immeuble mais la digue rompt et tous s’engouffrent dans l’escalier. Au premier étage, deux salariées de Forum réfugiés parlementent devant la porte : “Nous ne laisserons entrer personne tant que vous restez dans l’escalier. Nous sommes d’accord pour recevoir les personnes qui ont une convocation, dix par dix mais vous devez sortir.”
“Un travail, un hôtel”
En face, personne ne bouge. Certains sont là depuis 7 h 30, parfois pour venir chercher un simple courrier. Un groupe de Kosovars scande : “Un travail, un hôtel”. Tous ont entamé une procédure de demande d’asile et ont perdu leur hébergement, traduit un jeune homme albanais qui vit la même situation. Tous disent avoir des enfants. Les esprits s’échauffent. Une femme accuse l’agent de sécurité de l’avoir violemment poussée. Si certains finissent par quitter l’escalier, d’autres ne lâchent pas l’affaire.
C’est à ce moment là qu’une voix forte se fait entendre dans l’escalier. “Allez, tout le monde descend”. Les deux policiers montent. Reste face à la porte une poignée d’irréductibles dont le groupe de Kosovars, très remonté. Ils veulent être reçus immédiatement. “Baisse tes mains où je te casse les doigts”, prévient l’agent de police, le regard dur.
“Ici, on est en France, vous avez des droits mais aussi des devoirs, enchaîne son collègue d’une voix forte. La règle est d’attendre dehors, de faire la queue dans le calme. Ceux qui ont une convocation pour un rendez-vous passeront avant. Les autres attendent.” Les discussions finissent par tourner court. Les agents de police raccompagnent tout le monde vers la sortie. Pour le deuxième jour consécutif, la plateforme restera fermée.
“Ils font feu de tout bois”
“Le problème est que nous ne gérons pas l’hébergement, ni même l’orientation des demandeurs d’asile, plaide Jean-François Ploquin, directeur de Forum réfugiés. Dans le premier cas, c’est la responsabilité de l’association HPF, dans le second c’est l’office français de l’immigration et de l’intégration. Il y a une confusion dans les rôles car le système français est très complexe. Comme ces personnes sont dans une situation de grande vulnérabilité, ils font feu de tout bois et s’adressent là où ils peuvent.”
Aujourd’hui, il n’est même plus question de critères pour “trier” ceux qui en seraient bénéficiaires en fonction de leur vulnérabilité. “La règle est désormais de six jours par demandeurs d’asile, explique-t-on au sein de l’association HPF qui gère ces nuitées. Il n’y a plus de critères, qu’ils aient ou non bénéficié d’un hôtel avant. D’ici mardi, plus aucun demandeur d’asile n’y sera hébergé.” Jointe par nos soins, la préfecture n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. En octobre dernier, HPF, précédent gestionnaire du lieu, avait également dû fermer plusieurs jours face à une situation tendue. À la fin de l’année, elle avait finalement jeté l’éponge face au manque de moyens.
Le directeur général de Forum réfugiés ne présume pas de l’ouverture de la structure, ce jeudi matin. Le renforcement de la sécurité est aussi envisagé en fonction de la situation mais aussi des ressources budgétaires. Croisée dans l’escalier, une voisine de la plateforme dit “ne plus en pouvoir. Ce n’est pas une situation vivable. Ni pour eux, ni pour nous”. Forum réfugiés étudie sa relocalisation dans des locaux plus adaptés “dans les mois qui viennent”. D’ici là, l’association continue à faire face à la tension. Sans pouvoir y apporter de réponse.
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