Pierre Ciot, mercenaire photographe et serial portraitiste

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le 1 Août 2013
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Pierre Ciot, mercenaire photographe et serial portraitiste
Pierre Ciot, mercenaire photographe et serial portraitiste

Pierre Ciot, mercenaire photographe et serial portraitiste

Dans les allées du parc du 26e centenaire, des containers bleus, échoués là et détournés de leur fonction initiale remplissent une mission artistique avant leur retour programmé à la mer. Le photographe Pierre Ciot les a tapissés de 2013 portraits de famille au sens large du terme, des familles recomposées aux amis ou relations professionnelles. Un projet symbolique pour l'année capitale, soutenu à la fois par le Off et le In de MP2013, originalité supplémentaire.

Après les 2000 portraits de personnes nées à Marseille réalisés pour l'entrée dans le troisième millénaire, ou encore les 51 portraits de femmes commandés en 2008 par la galerie du conseil général, l'artiste est passé maître dans l'art de l'accumulation. Même s'il ne revendique aucune préférence particulière pour le genre.

Pour récolter ses 2013 portraits, il a écumé la région pendant trois ans à la recherche de modèles, 7000 en tout, pris dans une quarantaine de lieux aménagés pour l'occasion en studios : la Poste, avec la visite de dix centres de tri programmée à l'orée du jour, le hall de la Criée, le restaurant des Grandes Tables à la Friche de la Belle de mai, des centres sociaux, rapidement abandonnés… Cette fois, Pierre Ciot n'a pu, à l'instar de l'an 2000, parcourir la ville en chevauchant son scooter. Et pour cause, une seule règle a été édictée, l'apparition sur chaque cliché d'un fauteuil rétro de style Louis XV acheté 30 euros en 2009 à Emmaüs Saint-Marcel, dans le but de "multiplier les possibilités de prises de vue pour casser la monotonie" précise t-il simplement. Légèrement encombrant.

Bouche-à-oreille

Pour mettre au jour un projet d'une telle ampleur, réalisé en même temps que le travail de journaliste photographe indépendant, "je n'ai pas du tout été méthodique" admet l'artiste. Il a fallu passer beaucoup de temps au téléphone, "tout est passé par le bouche-à-oreille. Par exemple, je suis allé de cette manière à la cité des Flamants que je ne connaissais pas. Le réseau relationnel des gens dépasse le quartier. Ainsi, je n'ai pas arrêté de sillonner la ville." Marseille, Pierre Ciot la connaît pourtant très bien car il y travaille depuis 1978. Il considère d'ailleurs qu'il a appris le métier sur le terrain davantage qu'à l'école, notamment à l'Agence France Presse pour laquelle il a réalisé pendant près de 15 ans de nombreux reportages, ou encore pour le magazine Viva, autrefois Vie mutualiste. Globalement, l'homme révèle avoir toujours douté dans sa carrière. Mais dès 1980, il est lauréat du prix Air France et ses photographies réalisées en Pologne à Varsovie sous la direction de Jean Philippe Charbonnier sont exposées à la Maison de l'Europe (Paris) dans le cadre du mois de la photo. "Une reconnaissance, et un encouragement".

De son point de vue, le reportage le plus émouvant reste sans conteste celui survenu après la mort du jeune Lahouari Ben Mohamed en octobre 1980, tué par un policier lors d'un contrôle dans la cité des Flamants. "Plus tard, dans les années 83-86, il y a eu des émeutes à la cité de la Paternelle (14e), car un homme soupçonné d'être un voleur a été tué par un policier et les habitants pensaient qu'il s'agissait d'un jeune de leur cité. A cette époque Paris Match avait sorti un dossier intitulé "Les cités interdites". Je suis arrivé derrière la police qui ne voulait laisser personne passer. Je suis tout de même allé photographier les habitants, qui étaient d'accord pour l'être parce qu'ils en avaient assez d'être marginalisés." Les souvenirs de Pierre Ciot s'engrangent à la manière de ses compilations de portraits : "Il n'existe pas de cité interdite à Marseille. Je suis notamment allé faire des portraits à Font Vert. Un jour, un guetteur m'a pris pour un flic de la Bac. Pourtant, avec mon appareil photo, je ne cherchais visiblement pas à passer inaperçu… A la Savine, on a aussi volé mon scooter et je l'ai retrouvé au dernier étage de la cité…"

"Cette année, la droite est plus rentable"

La couverture de la Marche pour l'égalité en 1983 reste également un souvenir mémorable. Pierre Ciot se définit à l'époque davantage comme un militant : "Dès la fac j'étais militant anti-raciste et donc je connaissais les gens de cette marche. J'ai du faire du forcing auprès de l'AFP qui n'y voyait pas d'intérêt national. Au départ, il n'y avait que 50 personnes aux Caillols et j'étais le seul photographe présent. Pour les trente ans cette année, je vais couvrir l'événement."

Mais depuis quelques années maintenant, c'est en indépendant que le photographe opère. Effectuant parfois des commandes pour des institutions ou encore pour des partis politiques en campagne, plus particulièrement pour le Modem, le PS et les Verts. "Aujourd'hui, le métier de photographe est tellement dur qu'il n'est pratiquement plus possible de ne vivre que de reportages. Il y a des règles déontologiques à respecter, même si parfois c'est compliqué. Si des photos de candidats sont prises dans l'intimité, je ne les diffuse pas dans la presse. Moi je me considère comme un mercenaire." Quant à son demi-frère Jean-David Ciot pour lequel il a pris les clichés de campagne, Pierre Ciot qui le trouve encore "trop à droite" raconte l'arrivée cocasse à Marseille du député socialiste : "A l'époque, les gens lui demandaient s'il y avait un rapport avec moi. J'étais la star. Maintenant c'est l'inverse."

Alors que justement, les municipales se rapprochent, Pierre Ciot indique qu'il aimerait y participer "d'une manière ou d'une autre". Peut-être en tirant les portraits du personnel politique, les seconds couteaux, les colleurs d'affiches. La couleur est annoncée : "En 2008 j'ai davantage pris la gauche en photo. Cette année, la droite est plus rentable." Globalement, le journaliste estime qu'il est plus compliqué de travailler aujourd'hui en tant que photographe indépendant : "On vous appelle la veille ou le jour même."

Caméléon

Moins de place à la créativité, plus de conformisme et moins de latitude, voici les griefs de Pierre Ciot émis sur sa propre profession : "Le métier est de plus en plus figé. Les photographe partent avec une idée en tête toute faite de la photo qu'ils souhaitent rapporter. Mais pour voir des choses, il faut prendre son temps. Avant on pouvait passer deux jours sur place pour une photo ! Après il y a les contraintes éditoriales. Vous n'allez pas faire la même photo pour le Figaro ou le Nouvel Observateur. Il faut savoir être un caméléon." Le dernier reportage en date reste celui de la Gay pride à Marseille. Les clichés sont diffusés sur le site participatif à l'échelle nationale Divergence images. "Lorsque vous êtes en concurrence avec AFP ou Reuters, beaucoup moins chers, vous êtes toujours surpris de voir votre photo sélectionnée. Il faut chercher l'originalité, veiller par exemple à ne jamais prendre en photo la 1ère ligne de la manifestation que tout le monde aura".

Fin août, les portraits seront décollés des containers, mais Pierre Ciot espère un "after" place Bargemon en septembre. Ou l'édition d'un livre, avec les éditions Parenthèses comme pour la série précédente en 2000, ce qui constituerait pour lui une vraie source d'informations au niveau sociologique. A croire qu'avec le photographe, rien ne se perd, tout se transforme. De même que les containers retrouveront leur vocation initiale dans les cales d'un cargo en partance, le fauteuil Louis XV trônera peut-être à nouveau dans une brocante, anonyme. Seul le siège, légèrement enfoncé par les 7000 personnes photographiées pour 2013 conservera peut-être la marque de leur passage.

"Cette photo a été prise un 21 juin, à l'occasion de l'ancêtre de la fête de la musique. Le festival avait lieu à Saint Victor. La diversité était déjà bien présente. Cela me fait penser que si un jour je ne devais choisir qu'un thème de photographie, ce serait la mixité sociale."

"La photo a été prise pour le magazine Viva en 2002. Elle a fait l'objet d'une pleine page dans Le Monde. Elle a été prise à la maternité de l'Hôpital Nord. Il s'agit d'un acte d'ostéopathie sur un bébé, une quasi première en France".

 

"C'était rare et exceptionnel de voir Gaston Defferre rire comme cela… Cette photo fait partie des rares archives de l'AFP".

"Il s'agit d'un montage de deux photos. La photo de Jean-Claude Gaudin a été prise pendant les municipales en 2008. "

Portrait issu de la série des 2000 portraits de Marseillais.

Photo issue des 2013 portraits.

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Commentaires

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  1. mo mo

    je viendrai
    Est ce ouvart en fin d’apreq midi , pour éviter le soleil Bonne continuationa

    Signaler

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