Pari politique, flou juridique, moyens techniques : coup de force de Payan sur les déchets
En réquisitionnant des bennes de sociétés privées pour résorber une partie des déchets amoncelés du fait de la grève, le maire marche sur les plates-bandes de la métropole, engluée dans le conflit avec Force ouvrière. Décryptage.
Plusieurs élus ont assisté mardi au déblaiement de la rue du Baignoir (1er). (Photo : CB)
Le tractopelle jaune a du mal à se frayer un chemin dans le dédale de Belsunce. Mais finit pas atteindre l’angle des rues des Dominicaines et du Baignoir. Cette dernière ruelle est littéralement impraticable. Des amoncellements de déchets ménagers et de containers poubelles remplis à ras-bord empêchent d’y passer en voiture comme à pied.
À la nuit tombée, ce mardi, la pelle mécanique ouvre un passage dans la montagne de détritus et charrie les bordilles jusque dans la benne d’un camion siglé, non pas aux armoiries de la métropole, mais à celles de la Ville de Marseille. Après plusieurs semaines à voir ses administrés slalomer entre les ordures, Benoît Payan a réagi ce lundi soir. Interpellé à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux par des citoyens et des élus, c’est via ce même canal qu’il a annoncé, lundi 31 janvier au soir, envoyer des camions-bennes d’entreprises privées pour résorber une partie des montagnes d’ordures ménagères qui jonchent la ville. Le maire de Marseille entend ainsi “déroger de façon exceptionnelle au droit des collectivités territoriales et à la répartition des compétences entre la Ville et la métropole” et permettre ainsi une collecte temporaire d’une partie des déchets amoncelés. Marsactu décrypte cette annonce.
Comment la Ville a-t-elle choisi d’agir ?
Mardi matin, six bennes de l’entreprise Pizzorno sont ainsi venues renforcer les (rares) tournées métropolitaines. Pizzorno est un prestataire de la Ville de Marseille : l’entreprise s’occupe déjà du ramassage des ordures ménagères des cantines des écoliers.
Il ne s’agit pas de résoudre la situation d’un coup de baguette magique, mais d’éviter un écocide avec des ordures entraînées à la mer par le coup de vent.
Christine Juste, adjointe à l’environnement
Ces six bennes ont donc été affectées à la collecte des ordures ménagères dans les 1er, 6e et 7e arrondissements. “Sur l’ensemble de la ville, la situation est totalement hors de contrôle et insupportable”, s’irrite Christine Juste, adjointe EELV chargée entre autres de l’environnement et de la propreté de lʼespace public. “Au cours Julien et à la Plaine, par exemple, ça dépasse tout ce qu’on peut imaginer ! Il y a des rues où on ne peut plus circuler en voiture ou à pied. Mais il nous a fallu prioriser les équipages. Notamment vers le littoral, l’anse de Maldormé, l’Huveaune… Il ne s’agit pas de résoudre la situation d’un coup de baguette magique, mais d’éviter un écocide avec des ordures entraînées à la mer par le coup de vent que nous connaissons actuellement.”
Ces bennes d’appoint iront ensuite vider leur collecte dans les deux centres de transfert Nord et Sud de la ville, désormais débloqués suite à une décision de justice. La facture n’est pas connue pour l’heure. “Évidemment les sommes engagées seront importantes, puisqu’il s’agit d’un renfort non négligeable en main d’œuvre et en engins. Nous avons par ailleurs appelé la métropole pour qu’elle nous laisse accéder aux centres de transfert sans nous faire payer ce tonnage supplémentaire que ces camions iront déposer”, précise encore l’élue. De son côté, Sophie Camard, maire (PM) des 1er et 7e arrondissements, présente lors de l’évacuation des poubelles de la rue du Baignoir soulève une question : “Ce surcoût, est-ce à la mairie de l’assumer ?” Manière de rappeler que la responsabilité incombe à la collectivité métropolitaine et qu’elle pourrait in fine lui envoyer la facture.
Le maire peut-il s’arroger une compétence métropolitaine ?
Sur le papier, non. “Nous le savons, la loi nous interdit de prendre à notre charge des compétences qui sont celles d’autres collectivités. Mais nous avons reçu de nombreux signalements”, poursuit Sophie Camard. La mairie de Marseille fait ici jouer le ressort du “pouvoir de police” du maire. Quand il s’agit de sécurité et de salubrité publiques, notamment, sur le territoire de sa commune, elle a l’autorité pour prendre et faire respecter les mesures nécessaires, mais ce dispositif est très encadré et doit être proportionné.
La décision prise par Benoît Payan s’appuie sur plusieurs constats d’huissiers dressés ce lundi
En l’espèce, la décision prise hier, par Benoît Payan s’appuie sur plusieurs constats d’huissiers dressés ce lundi. “Ils nous permettent de constater la carence de la métropole qui n’est pas en capacité de limiter les risques sanitaire, environnemental et sécuritaire”, souligne Christine Juste. Ce que Jean-Pierre Cochet, adjoint au maire chargé de la sécurité civile et de la gestion des risques confirme : “Plusieurs dizaines de départs de feux volontaires ont été signalés par le bataillon des marins-pompiers depuis dimanche, or nous faisons face à un événement de vent violent dont la dangerosité est avérée.”
Une récente ordonnance du tribunal judiciaire concernant le blocage des garages et des centres de transfert a d’ailleurs justifié pour les mêmes raisons le caractère urgent et utile de la requête portée par la métropole demandant le déblocage de ces sites. Cette “commande publique directe” (puisqu’il ne s’agit pas d’un marché supplémentaire passé avec l’entreprise Pizzorno) pourra tout de même être attaquée devant la justice par tout un chacun, à commencer par les syndicats. En outre la mairie n’ignore pas que cette décision d’engager des “moyens dérogatoires supplémentaires” doit s’exercer sous le contrôle administratif du préfet. Qui, ici, pourrait tout à fait retoquer l’initiative. “Il n’a pas dit oui, il n’a pas dit non. Il a pris acte”, commente Christine Juste. Contactée par Marsactu, la préfecture n’a pas donné suite.
S’agit-il d’un Coup de COM’ politique ?
“Voici le tractopelle sauveur de la ville de Marseille“, tweete Sophie Camard, lorsque l’engin vient déblayer les ordures de la rue du Baignoir. L’élue ne l’ignore pourtant pas, la valeureuse pelle mécanique ne sillonnera les rues de la ville que durant quelques jours.
“Il ne s’agit ni de casser une grève, ni de se substituer à la métropole”
Jean-Pierre Cochet, adjoint à la gestion des risques
“Il ne s’agit ni de casser une grève, ni de se substituer à la métropole”, insiste Jean-Pierre Cochet. Même tonalité chez l’adjointe à la propreté : “Nous intervenons maintenant, car la salubrité et la sécurité des Marseillais sont menacées. Ces mesures ne peuvent être que temporaires. Il s’agit à la fois de dire à nos administrés que nous ne restons pas les bras ballants ; mais aussi, on l’espère, de provoquer un électrochoc entre les deux parties face à face – métropole et syndicat FO – pour qu’elles reprennent les négociations.”
Loin d’irriter, l’initiative de la mairie – qui pourtant s’inscrit dans la longue guerre de tranchées entre la municipalité et la métropole – est plutôt bien accueillie par la majorité de Martine Vassal. Pour Yves Moraine, élu LR chargé desdites négociations, cette annonce de la Ville est bienvenue, après les récentes critiques formulées par l’équipe du Printemps marseillais. “Je préfère le Benoît Payan qui aide le mardi plutôt que celui qui critique le samedi“, pointe l’élu. “Ça arrive à point nommé puisque les tonnages collectés sont en hausse”, ajoute-t-il. Après le déblocage des centres de transferts de déchets, les agents métropolitains ont ramassé près de 250 tonnes de plus par jour, jusqu’à atteindre “1150 tonnes“, affirme Yves Moraine.
Mais si l’initiative de Benoît Payan permet de collecter une partie des poubelles qui jonchent Marseille, la grève n’est pour l’heure pas terminée. Le syndicat FO campe sur sa position et réclame toujours une prime de 80 euros pour tous les agents marseillais. Dans deux courriers envoyés au secrétaire général de FO, Patrick Rué, l’administration métropolitaine estime que celle-ci n’est pas légale. Une nouvelle rencontre, la première en quelques jours, entre le secrétaire général du syndicat et la métropole a eu lieu ce 1er février.
Mais comment peut-on produire autant de déchets ?? C’est terrifiant.
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Il me semble (de mémoire) que la production de déchets par habitant est, à Marseille, supérieure à celle des autres grandes villes, tandis que le taux de tri est nettement inférieur. C’est donc la double peine : trop de déchets, trop peu de recyclage.
Au-delà du “coup de force” de Payan, il est urgent de réfléchir à la mise en place d’une vraie politique de réduction du volume de déchets produits, et d’une vraie politique de tri et de recyclage. Jusqu’ici, la seule “politique” réellement identifiable était une politique de remplissage de l’incinérateur. C’est un peu court.
La métropole ne communique pas sur les enjeux du tri et du recyclage : c’est dire à quel point il n’y a aucune volonté politique, de ce côté-là, d’inciter à des comportements plus vertueux. Le commencement serait peut-être aussi de vérifier que les professionnels, et notamment les commerçants, respectent l’obligation légale qui leur est faite de gérer leurs propres déchets… ce qui ne se limite pas à les jeter dans la poubelle de l’immeuble d’à côté !
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Il y a quand même des campagnes d’affichage, des “mois du compost” avec mise à disposition à prix réduit de composteurs permettant de réduire significativement les biodéchets.
Par ailleurs tous les professionnels n’ont pas à trier leurs déchets, les “petits producteurs” peuvent utiliser les bennes à proximité pour les déchets assimilables aux OM.
Mais cela reste insuffisant, surtout au vu du retard abyssal de culture des habitants et professionnels, matérialisé par tout ce qui devrait aller en déchetterie qui se retrouve autour des bennes d’ordures MENAGERES…
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Ce qu’on voit sur toutes les photos publiées, c’est qu’une bonne partie des déchets qui s’accumulent et s’envolent de partout ne devrait pas se trouver dans les poubelles. Incurie des politiques, inconscience des enjeux, flemmardise, incivilités aboutissent à un gâchis innommable. D’une tristesse à pleurer.
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En un mot, bienvenue dans le Sud !
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Autre spécificité marseillaise, la poubelle par la fenêtre (exemple Bd du littoral):
https://www.google.fr/maps/@43.3364378,5.3522672,3a,44.4y,18.79h,90.97t/data=!3m6!1e1!3m4!1s9Ov6073rJNRzOe-Ozy2TDw!2e0!7i16384!8i8192
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En deux mots : bienvenue dans le Sud !
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J’espère que Benoît Payan tiendra le coup sur cette mandature, et Martine Vassal aussi. J’espère qu’ils font du sport et de la méditation et qu’ils s’entourent de gens compétents et capables de dialogue avec les, le syndicat représentants les éboueurs, pour trouver un système de fonctionnement décent de la gestion des ordures à Marseille. En Italie, sur une question beaucoup plus difficile et complexe qui était la main mise de la mafia sur toutes les institutions, ils ont réussi au bout de plusieurs décennies à réguler un peu mieux la vie des citoyens. Peut etre avec l’aide de l’Etat et du syndicat FO national, et d’autres syndicats à amener dans la discussion, on peut sortir de la métropole pour nettoyer la ville différemment? On dirait que Payan et Vassal connaissent le mode d’emploi, mais qu’ils essaient d’impliquer l’Etat pour épauler la transition. Ils profitent des élections présidentielles à venir pour impliquer le président aussi. En tant que citoyen marseillais, je ne peux que leur souhaiter la réussite. C’est effrayant d’être pris en otage d’un système bloqué comme ça.
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je me trompe peut-être mais vous devez être un néo-marseillais ? dans ce cas bienvenue mais arrêtez de rêver. nous sommes dirigés par des clientélistes qui ne regardent même pas ce qui marche ailleurs tellement effrayés de perdre le pouvoir
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Léger rectificatif : Pizzorno s’occupe du ramassage des ordures ménagères des cantines des écoliers : plutôt de tous les déchets des écoles et de toute l’administration de la ville. Ce marché a été obtenu l’année dernière, Pïzzorno était la seule société à avoir candidaté à l’appel d’offres et donc à être retenue. (Petit rappel, concernant ce marché, nous payons pour collecter des déchets du gaspillage alimentaire de la restauration scolaire, issus de repas payés à la Sodexo … nous ne voyons pas franchement de démarche de la Sodexo pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Brf on paye pour des plats industriels, et on repaye pour les traiter en déchet.) Le coût à la tonne du marché est estimé à 500€/tonne, mais bon ça c’est le coût en fonctionnement normal, https://twitter.com/CollectifCeM/status/1460651951390085120. / https://www.facebook.com/CollectifEcolesMarseille/posts/4269800149763539. Mais c’est certain que l’intérêt général flagrant légitime l’action hors périmètre de compétence.
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Très bon article très précis…
A part ça il a fallu l intervention du maire pour que les négociations reprennent à la metropole !!
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Si fo réclame une prime non légale pourquoi la justice ne dit rien et pourquoi le préfet laisse faire? Tout ça ressemble à une combine Macron+Payan+FO pour discréditer Vassal et LR en vue des présidentielles. Car que le préfet laisse faire est incroyable, on devrait exiger sa démission. Média faites votre boulot dénoncez cette collusion contre les marseillais
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oh le beau complotisme que voilà
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FO a toujours travaillé main dans la main avec Gaudin Vassal Moraine… ne vous trompez pas de “camp”… si complot il y avait ce serait contre la Mairie, contre Payan et le PM qui tente de clarifier l’administration municipale et donc representent potentiellement un danger pour les planqués FOistes.
Mais bon, le conflit des poubelles a sûrement d’autres ressorts.
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Bravo, Benoît Payan!
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L’argument du potentiel “ecocide” ne devrait pas être le seul ni même le premier des arguments. La salubrité publique et la sécurité devrait d’abord être mises en avant !
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C’est vrai. Mais comme la justice vient de débouter la préfète qui voulait réquisitionner les éboueurs parce qu’elle n’a pas apporté la preuve que la salubrité publique était en jeu, il était probablement plus habile de mettre en avant un nouvel enjeu (qui en plus est tout sauf un faux prétexte)
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L’écocide est aussi un problème de salubrité publique et de sécurité.
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bonjour à tous, un éclairage chez la presse en ligne: https://gomet.net/temoignage-maxime-eboueurs-de-marseille-syndicat/
Cette interview d’un rippeur est très éclairante sur le fonctionnement interne!
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