Olivia Fortin porte les espoirs du Printemps marseillais dans le fief de la droite
Alors que le Printemps marseillais a besoin de prendre cinq à six secteurs pour pouvoir espérer obtenir une majorité au conseil municipal, les regards se tournent vers le fief de la droite où la candidate Olivia Fortin a obtenu une deuxième place inattendue au premier tour. Mercredi, elle était en campagne au cœur des quartiers acquis à LR.
Olivia Fortin (à droite) avec sa colistière Nathalie Tessier, discutent avec une passante. (Image LC)
C’est un petit centre commercial propret qui ne paye pas de mine, au cœur d’un secteur plutôt résidentiel, à un jet de pierre des plages. Mais c’est, en période de campagne, une place de village à occuper pour convaincre les derniers électeurs hésitants. Mercredi matin, Olivia Fortin et une petite dizaine de militants du Printemps marseillais occupaient donc le terrain au centre commercial de Bonneveine, à mi-chemin entre le bureau de poste embouteillé et la galerie marchande. Un secteur où la gauche a gagné une poignée de bureaux au premier tour, dans un océan de bleu LR.
“Bien sûr, c’est une zone plutôt à droite mais il y a aussi des quartiers populaires historiques ici, il ne faut pas l’oublier”, glisse une militante, prospectus à la main. Aux passants intéressés, l’équipe majoritairement féminine s’empresse de dire “la candidate est ici si vous souhaitez la rencontrer !”. Olivia Fortin répond d’un petit signe de la main chaleureux.
Totalement inconnue de la sphère politique marseillaise il y a un an et demi, elle est la seule tête de liste de secteur de l’union de la gauche à être issue de la société civile. “Évidemment, je ne pouvais pas imaginer que je serais tête de liste, avec une telle dynamique favorable, dans ce secteur qui semblait ingagnable”, sourit-elle, encore impressionnée d’avoir raflé la deuxième place et 24,4% des voix. Cela la positionne trois points derrière Martine Vassal quand Jean-Claude Gaudin avait été élu au premier tour en 2014. “Je suis fière d’être celle qui va sur le bastion de la droite”, affirme-t-elle.
De l’événementiel à la politique
Fin 2018, Olivia Fortin a lancé Mad Mars un collectif citoyen pour créer les conditions d’une alternance politique à Marseille (Lire notre article de mai 2019). Baskets aux pieds et veste cintrée sur les épaules, la quadra jongle encore entre son attitude décontractée naturelle et des réflexes politiciens naissants. Au fil du temps, elle s’est imposée dans le processus de formation du Printemps marseillais et dans la construction du programme. À force de réunions interminables, on sent que les enjeux des rapports de force ne lui sont plus du tout inconnus.
Cette professionnelle de la communication événementielle a souvent eu l’occasion de dérouler le récit de sa révélation politique et des sources de son engagement pour changer sa ville. Il s’agit aujourd’hui de le faire entendre aux citoyens lambdas et de développer un discours adapté au quartier. “Le 6e c’est là où je travaille, la Plaine et le cours Julien là où on va boire des verres. Le 8e c’est le quartier de ma famille”, pose-t-elle d’emblée. Le confinement aura aussi permis à son équipe de “travailler sur des propositions concrètes sur les différents quartiers”.
L’écologie omniprésente
Dans les mains des militantes, un tract résume les projets prévus précisément pour Bonneveine. Le quartier “subit une course à la bétonisation déraisonnable sans aucun projet permettant de répondre aux besoins des habitants”, diagnostique le document qui propose de “co-construire” le futur de l’hippodrome Borély, créer une “maison intergénérationnelle”, “favoriser l’utilisation des transports publics”, notamment en augmentant la fréquence du bus 19 ou encore de “rénover et réinvestir” le patrimoine pour éviter la “bétonisation”.
Les passants qui s’arrêtent pour discuter semblent déjà convaincus par la transition écologique et le Printemps marseillais. Un passant explique se déplacer en “skate électrique” et pose des questions sur les projets sur le littoral, étant par ailleurs planchiste. Un autre interroge la candidate sur sa vision pour le projet de boulevard urbain Sud qui menace des espaces naturels et des jardins familiaux. “On est surpris par ce projet qui date des années 1930 et qu’on nous ressort maintenant”, souffle-t-elle à la satisfaction de son interlocuteur. Les sujets écologiques comme la gestion du site de Legré-Mante mais aussi la place pour la culture, sont au cœur des échanges.
Beaucoup sondent surtout les chances de l’emporter, fébriles. “Est-ce que vous pensez vraiment que cette fois-ci ça va passer ?”, s’enquiert un agent municipal qui passe par là, enthousiaste. “Un senior m’a dit “enfin, on va gagner!””, rapporte Dominique, encartée chez Génération.s, le parti fondé par Benoît Hamon, et qui tractait de l’autre côté de la galerie. “L’accueil est bon, même de la part de gens dont on ne penserait pas du tout qu’ils voteraient pour nous. Ça change des dernières campagnes”, témoigne aussi une militante PCF, dont les camarades forment le gros des présentes ce matin-là. En fin de matinée, un autre agent municipal en route vers sa pause déjeuner, alpague Olivia Fortin avec ferveur. “Vous êtes la candidate du Printemps marseillais ? Je suis de gauche et je n’avais jamais eu une liste qui m’allait aussi bien !”, lance-t-il.
“Il ne faudra pas faire comme les autres qui ont eu les manettes avant !”
“Le problème, après, ce sera de commander ensemble dans une ville exsangue”, souffle un autre camarade, vite démenti par les autres. “On y arrivera !” Des questions que posent aussi les passants, moins inquiétés par le “péril rouge” ou l’influence de la France insoumise brandies par Martine Vassal que par la question de la gouvernance concrète.
“Ce ne sera pas difficile de faire travailler ensemble de gens aussi différents une fois aux commandes ?”, s’enquiert ainsi une dame âgée derrière sa visière plastique. “Les difficultés qui seront les nôtres seront les mêmes que pour n’importe quel groupe politique, répond du tac au tac Olivia Fortin. On nous a dit qu’on n’aurait jamais l’union, qu’on n’aurait pas les têtes de liste dans tous les secteurs, qu’on passerait pas le premier tour, et on a franchi toutes ces étapes !”.
Un homme âgé d’une soixantaine d’années, qui semble fin connaisseur de la gauche locale, tient aussi à rappeler les errements du passé. “Vauzelle à la région, Guérini au département, il ne faudra pas faire comme les autres qui ont eu les manettes avant, ne pas tomber dans les ornières !”, prévient-il. La tête de liste a déjà sa réponse prête et parle “transparence” et “démocratie participative”. “Aujourd’hui, si les choses bougent sur les procurations, c’est parce qu’on a fait entrer des gens de la société civile dans les bureaux de vote, qui sont prêts à dénoncer quand ils voient des choses qui ne vont pas”, illustre-t-elle sans hésitation.
L’inconnue des électeurs de droite
Les résultats du premier tour, puis les derniers sondages donnant le Printemps marseillais en tête des intentions de vote sur l’ensemble de la ville ont gonflé d’optimisme la petite troupe. “Pour la première fois, on est au second tour et en position de l’emporter dans les 6/8, ça a dû leur faire drôle à Gaudin, Vassal et les autres. C’est extraordinaire”, renchérit Nathalie Tessier, elle aussi issue du PCF et 5e sur la liste.
Seule ombre au tableau, la campagne de dénigrement menée par la droite à base d’affiches “Rubirola c’est quoi” montrant la candidate à la mairie centrale aux côtés de Jean-Luc Mélenchon et pointant des extraits déformés de son programme. Ces affiches sont particulièrement présentes dans ce secteur et les militants ont eu vent de distributions de tracts la veille dans plusieurs quartiers. “Du Prado à la Pointe-Rouge, il y en a partout”, déplore Dominique. Olivia Fortin préfère quand à elle voir dans ces affiches une “outrance” qui trahit l’inquiétude du camp adverse.
Ce matin-là, nul client de la galerie marchande pour défendre le bilan de la droite locale ou soutenir la candidature de Martine Vassal. Quelques refus polis, ou une indifférence difficile à interpréter, d’autant plus quand il faut la lire derrière les masques. Plusieurs passants brandissent en revanche leur soutien aux listes RN. “Je voterai pour celui qui nettoiera la ville”, lance un grand homme qui refuse les prospectus. “Hier un gars m’a dit “j’allais voter Vassal mais là, avec ces histoires de procurations, je peux pas”, souffle quelqu’un dans l’équipe, gonflant les espoirs d’une désertion des électeurs de droite ce dimanche. Ils espèrent aussi que le maintien d’Yvon Berland, le candidat LREM, détournera certains électeurs du choix de Martine Vassal.
Si les chances du Printemps marseillais semblent, à quelques jours du premier tour, grandissantes à l’échelle de la ville, dans les 6/8, une victoire d’Olivia Fortin reste encore très hypothétique. Elle s’avère essentielle pour l’obtention d’une majorité au sein de l’hémicycle. Les militants le savent et relativisent avec bonne humeur. “Je ne sais pas si on va gagner mais on leur aura bien fichu la trouille”, plaisante Nathalie Tessier.
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Les phrases scandaleuses que contient la lettre nominative que j’ai reçue de Mme Vassal, où la xénophobie et la “pauvrophobie” font bon ménage, détourneront de celle-ci, je l’espère, les électeurs de la droite raisonnable. Tout n’est pas permis dans une campagne électorale, en particulier quand on se dit “républicain” !
Se laisser aller à écrire, pour faire peur, que le Printemps Marseillais voudrait créer “l’équivalent de trois cités de La Castellane” dans le 6-8, c’est montrer un mépris insupportable pour les habitants de cette cité, qui sont, eux aussi, des Marseillais·es. Mais au moins voit-on ainsi que, si elle devient maire, Mme Vassal continuera sur la trajectoire de son mentor en politique : elle se contentera de gérer la moitié de Marseille, et confirmera l’abandon des habitants des arrondissements qui ne l’intéressent pas.
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