Thermomètre cassé

Le faux rebond des chiffres de la population marseillaise

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le 20 Jan 2016
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Comme chaque année, l'Insee a livré les chiffres de la population pour chaque ville. En regardant les chiffres marseillais, on pourrait croire à première vue qu'une hausse démographique est en marche. Mais à première vue seulement.

Le faux rebond des chiffres de la population marseillaise
Le faux rebond des chiffres de la population marseillaise

Le faux rebond des chiffres de la population marseillaise

Alors que l’année 2016 commence à peine, un chiffre a sonné comme une note d’optimisme dans la morosité : 3973. Le nombre d’habitants gagnés par Marseille entre 2008 et 2013 selon le dernier rapport de l’Insee. Un chiffre certes encore éloigné des 5000 habitants par an que voudrait voir arriver le maire Jean-Claude Gaudin, mais une hausse toutefois, de 0,1% pour être précis. Signe pour l’élu que Marseille attire. En 2013, les Marseillais étaient donc 855 393.

Sauf que, il y a un an, l’agence de statistiques estimait que sur la période 2007-2012, la ville n’avait gagné que… 120 habitants. Pour l’année 2012, l’institut dénombrait 852 516 administrés pour Jean-Claude Gaudin, soit un écart de presque 3000 âmes en un an. Un boom surprenant après des années de stagnation. L’effet capitale de la culture ?

Pas comparable

Non, la démographie de la ville n’a pas bondi entre ces deux années, tempère-t-on à l’Insee. Comme toujours en matière de statistiques, les chiffres sont à manipuler avec précaution. Entre deux années consécutives, la comparaison ne tiendrait pas la route non plus. “Les évolutions annuelles sont affectées par des aléas, elles représentent des chocs qu’on ne sait pas commenter ou analyser. Dans une petite ville, ça peut tenir à la création d’un nouveau lotissement par exemple, ou dans une grande ville à une rénovation, mais cela n’aura pas forcément de conséquences sur la dynamique à long terme” explique Patrick Redor, directeur régional de l’Insee en PACA.

Frustrés d’une comparaison annuelle, la plus évidente, la tentation est grande alors pour nous de représenter sur un graphique les croissances observées par l’Insee à cinq ans d’intervalle :

Encore raté. “Il ne faut pas comparer deux périodes d’études qui se chevauchent” commence Delphine Artaud, responsable des études. La dernière publication portant sur des chiffres de 2013 peut donc conclure à une hausse de 795 habitants par an sur cinq ans quand celle portant sur des chiffres de 2012 ne voit que 24 nouveaux habitants chaque année : cela ne donne pas une tendance pour autant. Pour comparer deux évolutions, il faudrait donc selon Delphine Artaud mettre la tendance 2008-2013 face à une autre période de même durée, antérieure à 2008.

Une visibilité sur cinq ans

La faute aux méthodes de recensement ? Chaque année, ce n’est en effet qu’une partie de la population d’une ville qui est étudiée. Pour une ville de plus de 10 000 habitants comme Marseille, les agents-recenseurs ne rencontrent chaque année que 8% de la population. Il faut cinq ans pour avoir une vision globale de la population – sans pour autant que chaque habitant n’ait été directement contacté.

D’où le fait que l’Insee ne mesure la dynamique d’une population qu’à partir de périodes de cinq ans. “La mesure quinquennale est le meilleur outil, mais il reste imparfait” reconnaît Patrick Redor qui concède des “erreurs et incertitudes”. Le fait de commenter des moyennes est notamment problématique lorsque que des pics, ou “points d’inflexions” sont constatés sur la période, c’est-à-dire lorsque que la courbe des chiffres est en dents de scie.

“On voudrait dire que c’est positif, mais”

“À Marseille et Aix, on constate une difficulté pour analyser la dynamique à cause de points d’inflexion sur les périodes que nous étudions en ce moment” poursuit-il. Une hausse abrupte a en effet été constatée en 2011 due à ces fameux aléas conjoncturels, mais il est trop tôt pour estimer que la dynamique se poursuivra sur les années suivantes pour constituer une véritable hausse durable. “On voudrait dire que c’est positif, mais il demeure difficile de qualifier cette croissance” résume prudemment Patrick Redor.

Quelle qu’en soient les limites, et les exploitations politiques, cette évaluation de l’Insee est nécessaire pour arrêter chaque année la “population légale” des communes. Celle-ci sert notamment de base au calcul des dotations de l’État versées aux collectivités.

La hausse du nombre de logements constitue d’ordinaire un indicateur fiable pour confirmer l’augmentation d’une population. Cependant, le nombre d’habitants par foyer est actuellement en baisse, et particulièrement à Marseille où l’on vit de plus en plus seul. S’il y a bien une hausse du nombre d’habitations, difficile d’en déduire qu’elle s’accompagne une réelle hausse du nombre d’habitants.

Loin derrière Lyon ou Montpellier

Dans La Provence, l’adjoint au maire chargé de l’état civil Daniel Sperling préfère surveiller une autre statistique : “En 2014, nous avions eu 14 227 naissances et en 2015, il y en a eu 14 802. Quant aux décès, ils sont passés de 9 339 à 9 406. Cela nous permet de progresser légèrement chaque année de 2 500 personnes”, détaille l’adjoint au maire. C’est ce que l’on appelle le “solde naturel”, à distinguer du “solde migratoire” qui représente l’écart entre les arrivées et les départs. Cette approche met en lumière une tendance qui ne colle pas forcément au discours de la ville : si Marseille gagne des habitants, c’est bien grâce au dynamisme démographique interne et non parce ce que les cadres supérieurs se ruent de toute la France sur Euroméditerranée.

“Que l’évolution soit positive ou pas, ça reste pas grand chose, quelques centaines d’habitants par an pour une ville qui en compte plus de 800 000” tranche Gwenaëlle Thomas, en charge de l’organisation des collectes. Il est clair qu’à 0,0% comme à 0,1%, Marseille demeure loin des croissances lyonnaises ou montpelliéraines qui caracolent à 1% de hausse annuelle.

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Commentaires

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  1. LaPlaine _ LaPlaine _

    Cela tend à prouver, contrairement aux allégations de la municipalité, que Marseille n’est toujours pas attractive, notamment pour les classes moyennes supérieures qui ne trouvent pas ici le minimum d’environnement, de cadre de vie et de structures qu’ils sont en droit d’attendre en 2016 dans une société développée. De part l’incurie de ses élus, Marseille est une ville avec des fonctionnements d’un pays en voie de développement, sans vision ni action publique fortes.

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    • Mathieu Trigon Mathieu Trigon

      Je partage votre commentaire. J’ajouterais à l’incurie des élus celle des services municipaux, communautaire et demain métropolitain (si jamais sur un malentendu ils arrivent à conclure 😉 ). Mais il y a une note d’espoir : les marseillais eux-mêmes. Quand nous nous mobilisons nous parvenons à obtenir des améliorations. Un exemple en est la pétition pour la semi-piétonnisation de Noailles et ses effets. (https://www.change.org/p/aux-%C3%A9lus-de-la-mairie-des-1er-et-7%C3%A8me-arrondissements-de-marseille-aux-%C3%A9lus-de-la-mairie-de-marseille-aux-%C3%A9lus-de-la-communaut%C3%A9-urbaine-marseille-provence-m%C3%A9tropole-aux-%C3%A9lus-de-la-future-m%C3%A9tropo-pour-le-semi-pietonisation-du-quartier-de-noailles?tk=8yblyD8ZOCXyJ8j6AM9LXryn6Wje1rDMHjWL3HYtNQ4&utm_source=petition_update&utm_medium=email)

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    • JL41 JL41

      @ Mathieu Trigon. Cette semi piétonisation irait bien au quartier, mais vous êtes-vous interrogé sur sa faisabilité ?
      Je lis dans votre pétition : « Dans ce quartier peu de rues où stationnent les voitures peuvent prétendre à réussir le test du fauteuil roulant ou de la poussette. De plus, s’il est bien un quartier qui peut être débarrassé du stationnement et de la circulation automobile c’est celui de Noailles. En effet le quartier est très bien desservis par les transports en commun (totalité des lignes de tram, métro ligne 2 et bus). »
      Mais où mettez-vous les véhicules qui stationnent dans le quartier et plus largement, le véhicule de ceux qui habitent dans le quartier : même s’ils ne l’utilisent qu’exceptionnellement, il faut bien qu’ils le garent quelque part ?

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    • reuze reuze

      @JL41 de mémoire, Noailles est un des quartiers de Marseille dont le taux d’équipement des ménages en voiture est vraiment bas et c’est l’un des quartiers, avec Belsunce, les mieux desservis en transports en commun: pour Noailles, directement le métro 2 et les trois lignes de tram + à proximité immédiate le métro 1 et la gare. Donc s’il y a bien un quartier où la (semi-)piétonnisation est faisable, c’est bien Noailles.

      Il y a plusieurs parkings souterrains à proximité immédiate qui ne sont jamais remplis et le stationnement en surface est déjà payant.
      Donc, pour les résidents, la ville pourrait proposer pendant une période transitoire un abonnement à tarif réduit dans l’un de ces parkings.
      Les non-résidents devraient utiliser les parkings relais puis les transports en commun, ou les parkings payants s’ils veulent vraiment venir en voiture.

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    • JL41 JL41

      @ Reuze, cette semi-piétonisation pour Noailles est une très bonne idée, je ne soulevais que la question du stationnement, où mettre ces bagnoles ? La suggestion que vous faites d’un tarif réduit dans un des parkings pour les résidents devrait rendre cette semi-piétonisation possible.

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    • reuze reuze

      @JL41: attention, je ne pense pas qu’il faille absolument des mesures d’accompagnement de ce style pour piétonniser Noailles. Encore une fois, la desserte en transports en commun et le faible taux d’équipement justifieraient de piétonniser sans mesure d’accompagnement.
      Je préférerais largement que la ville consacre de l’argent à la rénovation des écoles plutôt qu’à compenser les surcoûts de possession d’une voiture dans un quartier hyper-central de Marseille…

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    • JL41 JL41

      @ Reuze, on ne peut qu’être d’accord avec la priorité que vous souhaitez donner à l’école, face au coût de la voiture, élevé pour le particulier comme pour la collectivité. Mais si l’on peut réduire l’usage de la voiture individuelle à Marseille, il est beaucoup plus difficile de s’en passer complètement. Comme à Paris où, la taille de la ville aidant, les transports collectifs et d’autres moyens, permettent d’accéder dans la ville à ce qu’un marseillais va chercher aussi autour de sa ville : amis, zones commerciales, équipements de loisirs, plages, autres villes comme Aix… Les transports collectifs n’offrent pas encore de véritable alternative à ces déplacements, au sein d’une conurbation comme l’agglomération marseillaise. Il faut donc pouvoir stationner les voitures quelque part, même si l’on s’en sert peu. Si l’on veut piétonniser il faut donc offrir d’autres possibilités de stationner aux véhicules.

      Beaucoup d’automobilistes aimeraient basculer vers les transports collectifs là où c’est possible, en témoigne la marée de véhicules qui viennent se garer le matin autour des stations de métro de St-Barnabé et de la Fourragère. Dans certaines rues, les piétons sont d’ailleurs obligés de marcher sur la route.
      Il existe deux parkings : La Fourragère (485 places mais parfois toutes occupées le matin paraît-il ?) et Louis Armand (89 places), bel effort de la part de la collectivité. Si l’on ne stationne pas plus de 2 h, avec la carte Transpass, c’est gratuit, mais c’est trop court pour faire une course et déjeuner dans le centre-ville par exemple. Si l’on vient travailler à Marseille depuis la périphérie, le stationnement revient à 6 € environ pour la journée, toujours avec la carte Transpass. C’est assez abordable, mais on ne le sait probablement pas assez, tandis que certains tenteront de faire l’économie de ces 6 € en stationnant dans les quartiers… qui se vident à partir de 7 h du matin d’une partie de leurs véhicules.
      C’est quand même un morceau d’alternative au « tout voiture », mais si cette alternative était vraiment pratiquée, elle serait insuffisante. Tandis que le nombre de véhicules possédé par les marseillais paraît avoir dépassé les possibilités de stationnement offertes par la ville.

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  2. CAN. CAN.

    Au vu des nombreux programmes immobiliers en cours, une baisse future de la démographie marseillaise apparaîtrait paradoxal

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  3. Trésorier Trésorier

    Ce n’est pas Marseille qui n’est pas attractive mais toute la région Provence. Malgré le climat, nous sommes une région en manque d’emploi, de transports en commun, d’HLM, d’infrastructures, cherté du foncier,,,…Nous n’attirons ni particuliers ni entreprises. Aix en Provence voit sa population baisser. C’est la fin d’un modèle d’étalement urbain et de dumping fiscal et foncier de la périphérie aux dépends du centre. Nous avons sur Toulouse, Lyon ou Montpellier 30 à 40 ans de retard. Ceci explique que ces métropoles progressent alors que nous stagnons. D’où l’urgence de la métropole marseillaise.

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    • reuze reuze

      Je suis entièrement d’accord.
      C’est d’ailleurs aberrant que ce modèle d’étalement urbain persiste ici malgré les contraintes imposées par le relief.
      En même temps, les élus locaux ne maîtrisent visiblement pas du tout l’urbanisme dense et laissent les promoteurs faire n’importe quoi. Les programmes immobiliers récents ou en cours à Marseille sont massifs et complètement inadaptés à leur environnement (largeur des rues, insertion architecturale). Les mêmes promoteurs sont capables de faire des programmes beaucoup mieux pensés ailleurs, c’est juste que les collectivités locales n’imposent aucune contrainte.
      Il y avait d’ailleurs un excellent article du Ravi et de Médiapart à ce sujet: https://www.mediapart.fr/journal/france/060314/comment-jean-claude-gaudin-vendu-marseille-aux-promoteurs .

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      S’agissant de la “maîtrise” de l’urbanisme par les élus marseillais, il faut relire ces lignes extraites de la chronique “Bons baisers de Marseille” de Pierre-Louis Rozynès :

      “A Marseille, sous Gaudin, on a produit une politique immobilière rêvée, sans une trace de politique d’urbanisme, sans additifs administratifs, une politique concentrée là où il y a de l’argent, dans le Sud chez les riches ou dans l’immobilier de bureau. On a bradé le foncier et pour un peu, on oserait conclure d’une observation attentive qu’à Marseille, c’est le lobby immobilier qui a dicté la politique de Jean-Claude Gaudin. 

      Or, une ville sans urbanisme existe-t-elle ?” (http://www.lenouveleconomiste.fr/a-la-une/bons-baisers-de-marseille-12-il-y-a-deux-marseille-celle-qui-existe-et-celle-qui-nexiste-pas-17600/)

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    • JL41 JL41

      Pour répondre à Reuze et Electeur du 8è et prolonger la discussion :

      1) C’est vrai que « les élus locaux ne maîtrisent visiblement pas du tout l’urbanisme dense et laissent les promoteurs faire n’importe quoi. Les programmes immobiliers récents ou en cours à Marseille sont massifs et complètement inadaptés à leur environnement (largeur des rues, insertion architecturale) » (Reuze). Parfois un petit ilot a le soleil, mais ce soleil a disparu à la suite d’une réalisation malheureuse. Parfois une belle vue sur la mer illumine tout un quartier, jusqu’à ce qu’un énorme immeuble de rapport, plus haut que ceux qui l’entourent, vienne boucher cette perspective (par exemple à côté de l’église de l’Immaculée Conception, av de Montolivet : http://marseille.catholique.fr/Une-eglise-signee-Ambrogiani). Comment un tel permis de construire a-t-il pu être délivré ?

      2) Marseille Aménagement est souvent citée, en mauvaise part évidemment, mais hors questions ayant à voir avec la justice, la liberté était laissée (parfois à la limite de la légalité) à cet outil d’aménagement de la ville, pour raccourcir les délais de réalisation, qu’il s’agisse de l’habitat ou de l’accueil d’activités. Pour l’accueil d’activités, en immobilier d’entreprise notamment, Marseille Aménagement a fait tant et si bien, que la tendance à faire plus sur Aix par les professionnels a été inversée au profit de Marseille et que le dédoublement métropolitain auquel on assistait avec Aix s’est à partir de là notablement réduit.

      3) On accuse toujours les élus, mais les techniciens des services qui les entourent ne sont-ils pas en cause aussi ? C’est à celui qui passera à l’élu l’apparemment bon plat le plus vite possible, il y va de sa promotion au royaume de la lenteur. La préparation de ce bon plat laisse parfois à désirer. Tandis que le goût ou la culture de ce qui fait le charme d’une ville, n’ont pas forcément fait partie des critères de recrutement.
      S’agissant du projet de pont transbordeur, cette jolie décoration du Vieux Port tant souhaitée par Renaud Muselier, écoutera-t-on André Jollivet, président de la Maison de l’architecture ? http://www.laprovence.com/article/actualites/3752336/marseille-faut-il-un-nouveau-pont-transbordeur.html

      4) Marseille est quand même dotée d’une agence d’urbanisme (AGAM), je suppose qu’elle réfléchit à ces questions, mais il est possible que les élus ne l’écoutent pas ? Ou c’est trop lent, ou trop loin des critères de faisabilité, on aimerait savoir ? Laure-Agnès Caradec, nouvelle présidente de cette agence après Claude Valette, va-t-elle faire souffler un vent nouveau ?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je lis de temps en temps les “oeuvres” de l’AGAM, qui sont souvent intéressantes. Mais vu de ma fenêtre, il me semble que cette agence prêche dans le désert : elle s’occupe d’urbanisme, mot qui semble aussi compréhensible que du chinois pour l’équipe municipale. Il est vrai que ça oblige à voir à long terme, c’est beaucoup plus exigeant que de laisser les clés d’un terrain à un promoteur en se désintéressant de tout le reste.

      Du reste, il n’y a pas que l’AGAM dont les réflexions restent lettre morte. Le PDU de MPM dans sa version de 2006, comme d’ailleurs les orientations qui l’avaient précédé au début des années 2000, sont largement restés des déclarations d’intention.

      Mais la municipalité actuelle nous le montre sur tant de sujets : l’essentiel est plus de dire que de faire.

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  4. JL41 JL41

    La population marseillaise ! On est régulièrement amené à se demander si elle croît ou décroît. Tout aussi régulièrement surgit entre la ville, l’AGAM et l’INSEE une controverse sur la véracité des chiffres. Les enquêteurs vont-ils bien dans tous les quartiers, a-t-on tenu compte des programmes de construction qui ont développé l’habitat marseillais, tandis que d’autres en cours vont forcément accueillir eux aussi de la population ? On voit bien que les séries successives produites par l’INSEE (histogramme de l’article) sont discordantes, ce qui dénote d’une méthodologie interprétative peu fiable. Tandis que le nouveau système d’enquête ne donnera pas d’informations très fiables sur le solde migratoire, l’échantillon étant trop peu représentatif : profil de ceux qui partent de Marseille et profil de ceux qui y viennent. Daniel Sperling n’a pas tort d’en rester à la donnée fiable des naissances et des décès, qui nous donne le solde naturel de la population. Là aussi, en sait-on plus ? On subodore un solde migratoire négatif, compensé par un solde naturel élevé au sein des populations issues de l’immigration. On serait là aussi tenté de se demander : en fait-on plus à Marseille pour accueillir ces enfants qui parfois ne parleront pas le français et dont les parents ne sont pas toujours bien armés pour les accompagner durant leur scolarité ? Cette population nouvelle produira beaucoup de « décrocheurs », dont on s’occupera plus tard, en en tirant d’affaire seulement une minorité. C’est là un contexte où l’on verra certaines fractions de la population plus aisée alimenter le solde migratoire en s’installant ailleurs, en Pays d’Aix et jusque dans le Var proche.

    Maintenant est-il très pertinent de comparer la population des villes, c’est-à-dire la population de leur commune d’assise principale ? Le chiffre de la population légale est utile aux villes pour des raisons juridiques touchant notamment les subventions auxquelles elles peuvent prétendre. Electeur du 8è nous dira aisément quelles sont les utilités du chiffre de la population légale.
    Toutes les villes ne sont pas étalées jusqu’aux bords de leur commune d’assise, comme une tartine de Nutella bien enduite. Le plus souvent le tissu urbain déborde sur d’autres communes où s’effectuent les accroissements, alors que la décohabitation (enfants qui quittent le foyer familial, couples qui se séparent) affecterait plutôt le tissu urbain plus ancien, où vont subsister de vieux parents dans de grands appartements.
    Si l’on voulait faire une comparaison pertinente il faudrait au minimum se caler sur un périmètre d’agglomération, que l’INSEE définit à partir du tissu urbain continu d’une ville et de sont entour.
    Si l’on voulait en outre comprendre comment une agglomération s’étend et ce qui se passe dans une ville, entre dynamiques à l’œuvre et manifestations de déshérence, il faudrait alors parler de systèmes de villes, ou de système urbain. On verrait alors combien l’essor d’Aix-en-Provence a dû à Marseille, qu’il s’agisse de transferts d’entreprises et de population (cadres notamment), de captation de créations d’entreprises, d’installation d’établissements publics et privés de nature métropolitaine que Marseille ne réussissait plus à capter (en gros durant les deux premiers mandats de Gaudin). La situation s’est redressée ensuite, grâce à des outils d’aménagements plus performants et au développement de programmes d’immobilier d’entreprise.

    La localisation des entreprises et des emplois s’est faite vers du foncier plus accessible, des communes où elles étaient moins imposées, à proximité des meilleurs points d’accès au réseau autoroutier, avec le stationnement aisé offert en zones d’activités. Dans les Bouches-du-Rhône, une douzaine de communes seulement ont vu leurs emplois se développer significativement, alors que 119 communes ont vocation à accueillir de la population. Dans un second temps, les communes proches de ces pôles ou bien raccordées, ont vu leur population croître, au détriment de communes plus éloignées ou de grandes villes comme Marseille ou Aix. Les grandes villes ne sont pas pour autant démunies en matière d’emplois. Elles concentrent les emplois publics, elles concentrent des activités rares (de service et commerciales) ou de haut niveau au service du tissu économique (privé et public), elles gardent une partie de leur tissu ancien, des entreprises captives concurrencées par celles créées plus récemment en périphérie, dans un environnement plus fonctionnel. La population des grandes villes est sensible à ce qu’il se passe au sein d’un « système urbain » plus vaste. Alors comparer l’évolution de la population des grandes villes, à partir de leur commune d’assise, est un peu vain.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je partage globalement ton analyse. Elle m’amène à conclure, une fois de plus, sur le décalage qui existe entre les “frontières” administratives qui quadrillent notre pays et la vie réelle. Nos presque 37 000 communes qui survivent encore au XXIème siècle en sont l’exemple caricatural.

      Aujourd’hui, 50 % de la population française vivent dans 951 communes (ce sont les communes de plus de 10 000 habitants), et 85 % dans moins de 10 000 communes (9 779 exactement, ce sont les communes de plus de 1000 habitants).

      La notion de “système urbain”, dans la vie réelle, n’a que faire des confettis administratifs. Mais alors que tous les pays qui nous entourent ont réformé leur carte communale, en France on continue à avoir près de 27 000 communes qui regroupent à peine 15 % de la population, et dont les frontières ne correspondent plus à aucune réalité économique, sociale ou simplement géographique. L’INSEE utilise les notions d’unité urbaine et d’aire urbaine pour représenter cette réalité.

      Quant à l’évolution de la population de Marseille, il faudrait pour qu’elle soit dynamique que la ville soit attractive pour les familles. Entre le délabrement des équipements sportifs, l’abandon des écoles maternelles et primaires – et par conséquent des enfants – et l’absence de politique d’urbanisme, dans le centre-ville comme en périphérie, on en est assez loin. La forte médiatisation du refus exprimé par la municipalité, pendant 18 mois, d’appliquer la réforme des rythmes scolaires a été un signal envoyé aux familles, y compris à celles qui envisageaient de s’installer ici : en disant si explicitement “parents, occupez-vous de vos enfants”, on se tire une balle dans le pied.

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    • JL41 JL41

      Ces 37 000 communes correspondent quand même le plus souvent à l’existence d’un habitat groupé. Ça ne coûterait pas cher à la collectivité d’organiser dans chacune de ces communes très peu peuplées, la désignation d’un représentant bénévole, si nécessaire défrayé de ses frais de déplacements, qui irait siéger dans le plus proche regroupement de communes, qui aurait à inclure ces territoires peu peuplés. Pas de maire, pas de conseillers municipaux, pas de mairie. Il y a dans chacun de ces petits villages une conscience collective et des habitants connaissant l’histoire locale et les questions d’intérêt général à traiter. La maire représente en principe cette conscience collective locale. Le contact avec la population n’existe qu’à cette échelle. Je ne suis pas juriste, mais il y a un truc à trouver qui permette de préserver ce qui passe par ce lien direct, tout en simplifiant les choses et en réduisant les coûts de la démocratie locale là où il n’y a plus que très peu de population.

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  5. David Mateos Escobar David Mateos Escobar

    Merci Lisa Castelly pour cet article, qui à différence des précédents de Marsactu sur le sujet (non-inintéressants) et de ceux des confrères, pose la question de ce que les chiffres peuvent dire ou pas, des méthodes de calcul et de comment en ne saisissant qu’un bout d’un sujet on peut valider ou invalider telle ou telle idée, par exemple le totem municipal : ¨Marseille attire des nouveaux habitants. En effet, par delà la question des découpages administratifs, l’analyse de la croissance de la population n’a d’intérêt que si l’on s’intéresse aux mécanismes qui la portent (solde naturel et migratoire).
    Daniel Sperling, adjoint au maire chargé de l’état civil avance que : « En 2014, nous avions eu 14 227 naissances et en 2015, il y en a eu 14 802. Quant aux décès, ils sont passés de 9 339 à 9 406. Cela nous permet de progresser légèrement chaque année de 2 500 personnes ». Mais il ne prend la question que par le bout qui l’intéresse : l’accroissement de la population (soit-il faible).
    Le solde naturel (écart entre naissances et décès pour une période donnée) ne dit rien sur la croissance de la population de la ville sans prendre en compte le solde migratoire (écart entre entrants et sortants). En général, l’INSEE calcule le solde migratoire par la différence entre la croissance totale de la population et le solde naturel sur la période x.
    Ce que l’on sait sur l’attraction de nouveaux habitants à Marseille (commune) est que le solde migratoire joue un rôle secondaire par rapport à l’accroissement naturel : entre 1999-2007, 1/3 contre 2/3 respectivement, puis entre 2007-2012 le solde naturel devient le seul moteur de la croissance de la population, le solde migratoire étant déficitaire. Mais que sait-on sur les dynamiques de la population à une échelle plus fine? L’arrondissement, le quartier, le regroupement d’îlots (Iris pour l’INSEE)? Pas grande chose (du moins rien de publié).
    Et pourtant, il semblerait qu’à l’échelle des arrondissements centraux (1e-7e) le solde migratoire participe toutefois légèrement à la croissance de la population. Une analyse à l’échelle du quartier ou plus fine serait souhaitable pour y voir plus clair.

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  6. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Un éclairage qui peut expliquer la faiblesse du solde migratoire à Marseille : « Les gens viennent pour le soleil et la mer et repartent parce qu’il n’y a pas d’écoles, pas de crèches, pas de services publics de proximité, pas de système routier cohérent, pas de transports communs qui fonctionnent ». C’est le point de vue de Philippe Pujol, à lire ici : http://www.lopinion.fr/edition/politique/a-marseille-contrairement-reste-france-clientelisme-est-assume-95016

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    • reuze reuze

      Merci pour le lien.

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