Menacé de fermeture, l’Équitable café est sommé de mettre la sourdine

Actualité
le 24 Fév 2017
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Le bar associatif du cours Julien a reçu l'injonction d'arrêter d'organiser des concerts tant qu'il ne sera pas aux normes d'insonorisation. Ses gérants demandent un délai à la mairie, les soirées musicales représentant la moitié de ses recettes. Cette histoire intervient dans une période de contrôle renforcée des lieux festifs et musicaux du quartier.

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L'équitable café, installé sur le cours julien depuis 2009. (LC)

L'équitable café, installé sur le cours julien depuis 2009. (LC)

“Trois policiers se sont présentés il y a dix jours, le samedi, à 20h, pour nous expliquer que le concert n’aurait pas lieu, car la salle ne fait pas l’objet d’une autorisation de diffusion de musique amplifiée”, se souvient Hélène Goldet, membre active de l’Équitable café. Ce n’est pas tant qu’il soit trop bruyant, ce bar associatif qui organise concerts et débats en haut du cours Julien depuis 2009. C’est qu’il n’a pas tout prévu. Et notamment d’être en règle au niveau des normes acoustiques.

En effet, un lieu qui propose des concerts de musique amplifiée doit d’abord se soumettre à une étude d’impact des nuisances, réaliser les travaux nécessaires pour les réduire si nécessaire et ensuite obtenir une autorisation de diffusion auprès de la préfecture. Quant à la suite de cette soirée, “on n’a pas nié les faits, donc on a annulé”, résume Hélène Goldet.

Sauf que depuis le 12 février, l’équipe du bar associatif peine à plaider sa cause auprès de la municipalité. Les gardiens de la paix ont demandé la fin immédiate des concerts avec musique amplifiée, sous peine de 7800 euros d’amende voire même d’une fermeture définitive. “Ce que nous demandons aujourd’hui, poursuit Hélène Goldet, c’est un sursis de 3 mois pour se mettre en règle, durant lesquels nous pourrions continuer les concerts. Sans les concerts du samedi soir, il n’y a plus de bar du tout, c’est 50% de nos recettes”. Actuellement, l’équipe de l’Équitable café compte quatre permanents et de nombreux bénévoles. Le bar percevait jusqu’il y a peu une seule subvention, au titre des formations qu’il dispense dans le réseau national des cafés associatifs, mais pas d’autre aide publique.

“Ils ont fait les choses à l’envers”

Formulée auprès de l’adjointe à la sécurité Caroline Pozmentier, leur demande de délai n’a pas reçu de réponse positive. “L’Équitable café a l’obligation de faire les travaux. Tous les établissements se mettent en règle d’abord et organisent des concerts après, eux ils ont fait les choses à l’envers, c’est une situation qu’ils ont créée eux-même”justifie l’élue, qui assure que “dans 99% des cas, ces autorisations sont délivrées après les travaux, mais il n’est pas question de donner de dérogation. C’est une question de respect, de protéger la clientèle, comme les riverains. On ne va pas fermer les yeux, ni les oreilles, d’ailleurs !”

Tant qu’il n’aura pas obtenu de la préfecture la précieuse autorisation de diffusion de musique amplifiée, l’Équitable café devra donc se contenter de musique acoustique ou croiser les doigts en espérant ne pas avoir de nouveau contrôle intempestif.

“Pour une petite structure c’est très très lourd”

Dans le fonctionnement frugal du bar associatif, l’obtention d’une autorisation de diffusion de musique amplifiée représente un investissement conséquent. Car pour l’obtenir, une structure doit au préalable faire réaliser une étude d’impact des nuisances sonores par un cabinet d’expert qui prescrit ensuite les éventuels travaux d’insonorisation nécessaires. “Pour une petite structure c’est très, très lourd, quasiment impossible. L’étude acoustique de l’expert coûte entre 3 et 4000 euros”, explique Fabien, l’un des gérants du bar musical Le Molotov situé non loin. Il y a cinq ans, avant l’ouverture du lieu, l’équipe avait fait “un gros travail d’insonorisation” dans l’espoir de s’éviter des travaux supplémentaires après l’expertise.

Si l’équipe de l’Équitable café ne nie pas ses torts, ce contrôle intempestif après plusieurs années sans problèmes laisse un goût amer. Les nuits du quartier du cours Julien et de la Plaine vivent en effet au rythme des fermetures d’établissements festifs, pour des motifs de nuisances sonores principalement. Sur le trottoir d’en face, un autre lieu de concert, le Bal perdu, aura tenu une petite année d’existence, avant de céder devant les conflits de voisinage. Au printemps 2016, une série de fermetures administratives temporaires dans le quartier avait déjà soulevé l’indignation des fêtards, déjà échaudés par l’interdiction de la vente d’alcool après 20h, décalée depuis à 22h, dans les alimentations.

“Les autorités sont de plus en plus strictes”

Le Molotov se relève quant à lui de plusieurs mois de conflit avec la préfecture de police, suite à un contrôle au mois de novembre. “Comme tous les ans, il y a eu une visite de police, qui s’est plutôt bien passée, se souvient le gérant du lieu. Mais un mois plus tard, nous avons reçu une notification de fermeture administrative. Ce soir là, c’était un concert acoustique, mais on nous a reproché la porte ouverte et les personnes devant, alors qu’il y a plusieurs commerces ouverts à cet endroit la nuit, on ne peut pas dire s’ils venaient de chez nous ou pas. Pour le reste, nous sommes clairement en règle sur tout.” Après avoir monté un dossier de recours, le Molotov a finalement obtenu la requalification de cette fermeture administrative en simple avertissement. “C’est mieux, mais ce n’est quand même pas terrible, regrette Fabien, les autorités sont de plus en plus strictes. À la Plaine et au cours Julien, il y a une grosse répression”. 

À l’Équitable café aussi, on craint aussi une action des riverains qui pourraient envenimer leur situation. “Nous n’avons trouvé trace d’aucune plainte ou main courante nous concernant et il n’y a qu’un seul voisin à proximité que l’on pourrait déranger, et nous échangeons déjà avec lui. Pourquoi un contrôle maintenant alors ? Nous demandons une autorisation pour mettre deux tables devant le local depuis des années et on nous la refuse”, déplore Hélène Goldet, qui dessine à grands traits la méfiance généralisée des lieux festifs vis-à-vis des autorités.

“Notre objectif n’est absolument pas d’interdire à ceux qui se conforment à la loi d’animer leurs lieux et encore moins d’animer la ville, rétorque Caroline Pozmentier. Dans ce quartier comme partout, nous voulons maintenir l’animation, mais aussi le respect de tranquillité.” Un discours volontariste qui a encore du chemin à parcourir pour atteindre toutes les oreilles.

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Commentaires

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  1. mrmiolito mrmiolito

    Ces travaux, toutes les salles organisant des concerts ont du y passer, c’est un fait : Gaudin et compagnie n’ont jamais fait preuve de la moindre mansuétude envers les petits lieux culturels, qui ont tous du faire avec une fermeture administrative à un moment ou l’autre… C’est que ce type de mesure est très populaire auprès de l’électorat âgé de type CIQ, qui rêve de nuits silencieuses, et qui réélit avec constance des maires qui les lui promettent…
    L’Equitable Café a fait preuve d’une grande naïveté en croyant pouvoir obtenir une dérogation et aurait en effet gagné à aller voir son voisin du Molotov ex-Balthazar, un lieu qui a une très grande expérience des tracasseries administratives municipales. ..

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  2. LaPlaine _ LaPlaine _

    Il n’y a pas que les personnes âgées ou CIQ qui “rêvent” de nuits silencieuses. La vie collective implique un équilibre entre activité festive et respect des habitants. Le Cours Ju et La Plaine n’ont pas vocation à être des no man’s lands festifs où tout est permis à toute heure comme cela peut être constaté aujourd’hui; Il est temps que ces lieux se mettent aux normes et que certaines habitudes évoluent, comme cela se pratique partout ailleurs au demeurant.

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  3. Peuchere Peuchere

    50% des recettes au bar.
    C’est bien le statut associatif mais ça n’empêche pas de respecter les lois que tout commerçant privé se doit de respecter.
    Faire la fête c’est super mais en respectant les autres c’est mieux !

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      On est bien d’accord, le Cours Ju et la Plaine ne doivent plus rester des lieux de défoulement hors normes, mais des lieux festifs oui.

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  4. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Dura lex… sed lex !

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  5. leravidemilo leravidemilo

    Pour bien connaitre le lieu, j’y suis souvent, et le quartier (j’ai habité 18 mois rue des trois rois!!!), je peux assurer que l’équitable café n’est certes pas en pointe (et de très loin!) dans les nuisances sonores subies par les habitants (et je rajoute, même quand l’O.M perd!). Ceci qu’il s’agisse du volume de sonorisation, aussi bien que de la discrétion du public…
    De même, concernant la “protection de la clientèle”, c’est un des très rares lieux pour lequel je ne recommanderai pas d’emmener ses bouchons d’oreilles. Dans nombre d’endroits “conformes”, l’isolation phonique est le prétexte majeur pour monter les manettes à fond selon le vieux principe plus c’est fort/plus c’est bon; les usagers s’y pètent les tympans dans la plus grande insouciance, y compris en y menant leurs enfants qui seront tôt sourds. (j’ai géré plusieurs années durant concerts et espaces de musiques actuelles avec une politique active de prévention, bien souvent absente à marseille.)
    M’est avis que cet épisode s’interprète mieux, dans le cadre de la phase1 de la “rénovation complète et globale” de la pleine, ce qui conduit les gardiens de la pax gaudina à des choix forts sélectifs, sans plainte ni main courante semble t il.
    Il est vrai que les responsables de l’équitable café ont le tort impardonnable d’avoir fait “les choses à l’envers”, ici, dans le coeur de marseille et, sauf à être des martiens, on sait parfaitement que s’il est un endroit où on ne fait pas les choses à l’envers, c’est bien à marseille!!! Concernant la rénovation globale … nos “responsables” politiques matrseillais semblent bien vouloir, pour une fois…rompre avec leurs vieilles habitudes…

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  6. Alexandre GUYOT Alexandre GUYOT

    ça veut dire quoi ?

    “Un discours volontariste qui a encore du chemin à parcourir pour atteindre toutes les oreilles.” Lisa Castelly prend parti pour l’élue ?

    “maintenir l’animation dans le respect de la tranquillité” ?? !

    ce ne serait pas dire tout et son contraire et celui qui écoute fait le tri ? Un discours très politique tout compte fait.

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      Bonjour,
      je vous laisse la liberté de l’interprétation, évidemment, mais ce n’est pas parce qu’on dit qu’un discours tenu par une personne est “volontariste” qu’on dit qu’il a raison, seulement qu’il tient à convaincre que sa façon de faire est la bonne.
      Le (léger) commentaire de ma part tient dans la deuxième partie de la phrase : cette volonté affichée (qu’on peut juger sincère ou pas) va avoir du mal à convaincre les personnes à qui j’ai donné la parole plus haut dans l’article.

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  7. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    “Les autorités sont de plus en plus strictes” A l’égard des propriétaires des immeubles insalubres ou menaçant ruine ? Combien Gaudin ,chargé en tant que maire de la police municipale, a-t-il déposé de plaintes contre les marchands de sommeil ?

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    • Karo Karo

      Pas beaucoup mais les immeubles qui s effrondrent réveillent moins les “bonnes gens” que ces lieux de tapage révolutionnaires …
      Côte bruit quid d’une politique municipale pour lutter pour le passage intempestif des balayeuses et autres camions poubelles entre minuit et 4 h du matin !

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