Marseille Habitat éloigne un peu son “mur de la dette” pour mieux rénover son bâti

Décryptage
le 15 Oct 2024
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Un an après un rapport de la chambre régionale des comptes sévère sur la gestion passée, la société d'économie mixte de la Ville spécialisée dans le logement a augmenté son capital pour financer son développement, mais aussi éponger la dette créée par l'achat intempestif de parkings aux quatre coins de la ville.

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L'ancien tiers-lieu Coco Velten doit accueillir du logement social et un centre d'hébergement. Photo : B.G.

L'ancien tiers-lieu Coco Velten doit accueillir du logement social et un centre d'hébergement. Photo : B.G.

Il y a des pages plus lourdes que d’autres, que l’on tourne avec lenteur ou gravité. Bailleur social de la municipalité, Marseille Habitat aborde en cette fin d’année un tournant de son histoire. Dans quelques semaines, la société d’économie mixte prendra place sur le banc des prévenus du procès des effondrements de la rue d’Aubagne. Elle y comparaît en tant que personne morale, pour juger sa responsabilité dans la mort de huit habitants de l’immeuble voisin du sien, le 65 rue d’Aubagne.

Sur ce point, la présidente de Marseille Habitat, l’adjointe à la politique de la ville (PS) Audrey Gatian, s’impose une sobriété dans l’expression : “Ce qui est important pour nous, c’est qu’une vérité puisse émerger sur ce qui a causé ces effondrements.” Et si la responsabilité de la société doit être mise en cause, elle en assumera les conséquences, y compris financières.

Mais avant ce rendez-vous historique, Marseille Habitat doit en assumer d’autres, beaucoup plus prosaïques. Ainsi, un an après la publication d’un rapport de la chambre régionale des comptes plutôt salé sur la gestion 2016-2021 de l’organisme, le conseil municipal de ce vendredi 18 octobre doit examiner le suivi des recommandations du gendarme financier. “Sur les six recommandations, quatre ont été mises en œuvre et deux sont en cours“, se félicite Frédéric Pâris, le directeur général de la structure, lors d’un point presse au siège de l’organisme.

Faire reculer “le mur de la dette” de Protis

Un des gros morceaux du rapport concernait la SCI Protis Développement, une société filiale à 100 % de Marseille Habitat qui plombe ses comptes depuis plus une décennie. Marsactu a raconté comment la Ville de Marseille et la Caisse des dépôts avaient eu la bonne idée de monter cette société pour faciliter l’accès à des parkings aux bénéficiaires de Chèque premier logement. Marseille Habitat a donc acquis à grands frais jusqu’à 750 parkings qu’elle mettait gratuitement à disposition de ces propriétaires, creusant une dette de près de 13 millions d’euros contractés auprès de la Caisse des dépôts, avec obligation de remboursement à partir de 2025.

Aujourd’hui, le mur recule mais ne disparaît pas. “On essaie d’éloigner le risque à court terme, explique Audrey Gatian. Nous avons signé un protocole d’accord avec la Ville et la Caisse des dépôts, les fondateurs de Protis, qui sont aussi nos actionnaires principaux. Cela passe par une augmentation de capital de 10,4 millions, qui doit aussi nous permettre de financer notre développement.” En gros, la société commence par rembourser 3,5 millions entre novembre 2024 et 2027.

Pour le reste, le paiement de la dette sera rééchelonné sur vingt ans, à concurrence de 7,1 millions. Parallèlement, les deux actionnaires, Ville et CDC, s’engagent à étudier la possibilité de “prendre à leur charge partiellement ou totalement le capital restant dû de la dette“. Quant aux parkings eux-mêmes, Marseille Habitat en a toujours 200 sur les bras, dont une centaine en contentieux avec les anciens utilisateurs.

Financer d’abord son développement

L’augmentation de capital de 10,5 millions d’euros doit donc permettre au petit bailleur qui gère 3000 logements sur la ville de poursuivre, ou plutôt de reprendre son développement, en achetant et rénovant des immeubles anciens du centre-ville et des faubourgs.

En commençant par mettre de l’ordre dans son propre patrimoine. Régulièrement, Marseille Habitat était pointé par les services de la sécurité de la Ville, qui prenaient des arrêtés de mise en sécurité — les anciens arrêtés de péril — dans des biens pourtant propriétés publiques. “Nous avons encore 13 immeubles sous arrêtés de mise en sécurité, reconnaît Audrey Gatian. La plupart du temps, il s’agit d’arrêtés dits ordinaires, qui ne prévoient pas d”évacuation. C’est le plus souvent un héritage de notre activité de concessionnaire de l’opération d’éradication de l’habitat indigne pour le compte de la métropole. La plupart seront traités en 2025.

En plus de cette action de réhabilitation de son propre patrimoine, Marseille Habitat veut renouer avec la production, en contribuant à sa hauteur — “2 % du parc social” — à l’effort de production de logements, désormais inscrit dans le programme local de l’habitat (PLH) qui prévoit, à terme, 4500 logements dont 2300 logements sociaux. “Cet effort comprend 50 logements par an sur trois ans, la plupart en acquisition amélioration.” La majeure partie fait déjà l’objet d’un conventionnement au titre du logement social.

Coco Velten, place de Lenche et La Capelette

Parmi ces opérations, la plus emblématique est celle de Coco Velten qui, après avoir abrité un tiers-lieu mêlant l’hébergement à l’action culturelle et sociale, est en travaux pour accueillir des logements sociaux. De la même façon, Marseille Habitat doit lancer l’année prochaine la construction de 11 logements à la Capelette, dans deux anciens immeubles voués à la démolition. Ce site avait défrayé la chronique pour avoir donné lieu à un tour de passe-passe financier, dans lequel l’ancien adjoint et nageur olympique Frédérick Bousquet était partie prenante. Autre symbole d’une ère passée, ce petit immeuble de la place de Lenche, acheté à grands frais par la Ville, puis revendu à vil prix quelques années plus tard. Benoît Payan en avait fait le symbole de sa reprise en main du patrimoine municipal.

Enfin, en plus de son activité de bailleur et d’acteur de la lutte contre l’habitat indigne, Marseille Habitat mène aussi une action spécifique dans le redressement des copropriétés dégradées. L’organisme a ainsi la charge de la concession du parc Kalliste, à Notre-Dame-Limite, et possède une bonne partie du bâtiment B du parc Bellevue, à Saint-Mauront.

Dans la première cité, le bâtiment G, qui a donné lieu à une spectaculaire évacuation après des tensions entre squatteurs et locataires en 2022, est presque vide. “Il ne reste que quatre ménages, deux squats en cours de traitement, un locataire de Marseille Habitat qui doit être relogé et un autre qui a un propriétaire privé avec qui nous discutons“, énumère Audrey Gatian, qui comptabilise 11 appartements restant à acquérir pour maîtriser la totalité de la barre. Viendra ensuite le temps de la démolition.

Le même destin attend le bâtiment B du parc Bellevue à Saint-Mauront, visé par un programme de renouvellement urbain dans le cadre du projet Marseille en grand. Pour l’heure, le scénario de cette démolition reste à écrire. Et pour cette page, il n’est pas sûr qu’il revienne à Marseille Habitat de tenir la plume.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    J’adore ce type d’article où l’on nous expose que les parties prenantes règlent les problèmes . Ainsi il est écrit “Parallèlement, les deux actionnaires, Ville et CDC, s’engagent à étudier la possibilité de “prendre à leur charge partiellement ou totalement le capital restant dû de la dette“. Je suis donc heureux d’apprendre que notre “bon maire” va régler la note avec son PEL et que Monsieur Lombard DG de la CDC va faire de même.
    Et bien non , c’est nous contribuables qui réglons la note par nos impôts.
    Ces politiques sont insupportables dans leurs communications qui règlent les additions avec l’argent des autres, et nos amis journalistes devraient rappeler que les âneries de nos politiques ne sont jamais gratuites .

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    • RML RML

      Oui….et?

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  2. Alceste. Alceste.

    Oui……. et ,nous allons avoir droit aux pleureuses de service sur la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales. Ce matin Vassal commençait à pleurer pour 51 millions d’euros sur un budget départemental de 3.2 milliards d’euros ,soit un effort de 1,59% ! Levez les gaspillages, les sureffectifs, les cadeaux, les âneries et les fautes de gestion . On pourrait même demander plus.
    Payan ,lui ce matin à la radio, c’était les chutes du Niagara.

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    • julijo julijo

      marseille habitat, reçu en héritage de feu la nullicipalité précédente, et de feu la gestion de gaudin.
      le logement sociel, et la réhabilitation des habitats anciens et dégradés, ce n’était pas du tout sa priorité.

      on peut toujours critiquer mais là on n’en sort pas.
      effectivement l’art est difficile !

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    • julijo julijo

      et “au fait, oui…et ? ” question pertinente de RML.
      pas de réponse ?

      virage total dans votre propos vers la baisse des dotations ! le rapport ????

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  3. Thais Thais

    Article à deux doigts d’être repris dans « le magazine » de la Ville.
    A se demander si ce n’est pas Madame Gatian qui l’a écrit…

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      Ben alors Martine, on râle ?

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  4. Alceste. Alceste.

    Julijo, l’héritage. Quelle belle invention pour les politiques ,mais ils ont tout une DLC ,et à Marseille elle est proche. Méfiez-vous quand même que cette règle ne s’applique pas à votre poulain.A condition ,bien sûr que ce dernier laisse quelque chose ,car à 18 mois des élections à part quelques plaques mémorielles et des animations couscous ,pas grand chose.

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    • julijo julijo

      Je vous ai déjà demandé poliment d’arrêter de m’ interpeller je me fiche de votre avis sur mes commentaires.
      Arrêtez de prendre vos désirs pour des réalités. Vos logorrhées sont fatigantes.
      Je ne suis pas comme vous fervent admirateur, en l’occurrence de Saade en ce moment, héritier bien connu.

      Je ne suis pas non plus comme vous dans les délires que vous avez exposé par ailleurs d’une méritocratie en obsolescence que vous avez exposé et qui
      date un peu en 2024

      Enfin comme ne comprenez pas tout tout le temps et que vous adorez classer les
      gens, je pense quant à moi que vos poulains sont multiples et pas des mieux choisis….Poujade…retailleau….Macron peut être

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  5. Alceste. Alceste.

    Pour la baisse des dotations julijo , c’est très simple quand il y a une connerie et bien on paye .
    Et c’est le cas avec Marseille Habitat comme avec le reste ( Toursky,au hasard) on renfloue, on recapitalise ,on éponge les dettes des organismes para-municipaux, on subventionne. Ne vous demandez même pas où passent nos impôts et les dotations qui vont avec.
    L’argent public doit être géré de façon rigoureuse, mais avec l’équipe de kéké dont nous bénéficions ,cela ne risque pas d’arriver.
    Donc ,il faut couper la fontaine des Danaïdes ,la bien nommée.

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    • julijo julijo

      Ok boomer 👎

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  6. Alceste. Alceste.

    Désolé, mais je ne sais pas ce qu’est boomer.

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