Malgré les promesses, la Soleam poursuit son projet Noailles sans concertation

Actualité
le 6 Déc 2019
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Les propriétaires du 14 rue de l'Académie ont découvert que la société publique d'aménagement avait pour projet de leur racheter leur immeuble pour réaliser une crèche. Ce projet qui avance sans concertation illustre la difficulté des collectivités locales à associer les habitants à leurs décisions.

La façade coquette du 14 tranche entre les deux immeubles à l
La façade coquette du 14 tranche entre les deux immeubles à l'abandon de la rue de l'Académie.

La façade coquette du 14 tranche entre les deux immeubles à l'abandon de la rue de l'Académie.

L'enjeu

Les copropriétaires de cet immeuble dénoncent une "exploitation malheureuse ou cynique" du drame de la rue d'Aubagne avec cette volonté de les déloger "par commodité plus que par nécessité".

Le contexte

Depuis 2014, l'avenir du quartier Noailles fait l'objet d'études à l’initiative des collectivités. Mais le projet comme sa mise en pratique restait floue depuis une réunion de concertation début 2018.

Promis, juré, le projet Noailles se fera avec les habitants. Depuis plusieurs mois, les élus métropolitains et municipaux le répètent sur tous les tons, la rénovation du centre ancien et la lutte contre l’habitat dégradé passent par une concertation accrue. Or, dans le même temps, la façon de faire ne change pas vraiment. Les copropriétaires du 14 rue de l’Académie en font l’expérience, depuis plusieurs mois. Ils ont appris que la Ville et la métropole avaient pour projet de les déloger.

“Un de mes voisins a eu un coup de téléphone d’une personne de la Soleam au printemps, explique Édouard Degans, propriétaire occupant de l’immeuble. Nous avons ensuite appelé la responsable du projet Noailles à la Soleam qui nous a confirmé qu’il y avait bien un projet à l’étude de construction d’une crèche de 60 berceaux à cet endroit. Elle nous a dit qu’ils envisageaient d’acquérir la totalité de l’immeuble, plus par commodité que nécessité.”

En janvier 2018, cette même société publique locale d’aménagement organisait l’unique réunion d’information sur le projet Noailles, qu’elle supervise. Une soirée au théâtre Mazenod qui intervenait après des années d’attente sans explications. À l’époque, le principal débouché était de renvoyer à plus tard l’ensemble du projet, mis à part la mise en sens interdit d’une partie de la rue d’Aubagne (lire notre compte-rendu de cette soirée). Depuis, trois immeubles se sont effondrés à quelques mètres du théâtre et, en pratique, rien n’a changé.

“Je n’ai pas du tout l’intention de partir”

Fin octobre, les copropriétaires ont écrit à Gérard Chenoz pour obtenir plus d’informations. Dans sa réponse, fin novembre, le président de la Soleam confirme que celle-ci envisage bien d’y construire une crèche, préemptant au passage la totalité de cette copropriété bien tenue dans une rue où les façades décaties abondent. On peut y lire :

“Nous allons très prochainement lancer des études de faisabilité menées par un groupement d’architecte et programmiste qui aura pour mission d’étudier les aspects fonciers, techniques et programmatiques et de proposer des scenarii d’aménagement sur l’emprise totale des parcelles, y compris les étages”.

Nous ne sommes pas du tout opposés à une crèche située au rez-de-chaussée, au contraire, reprend Édouard Degans. Cela pourrait même être très pratique. Mais nous ne comprenons pas pourquoi cela doit passer par une expropriation des étages.” Même s’il n’a pas été avisé de la démarche des autres copropriétaires, celui du rez-de chaussée est tout aussi opposé : “J’y vis, mes enfants aussi et je n’ai pas du tout l’intention de partir”.

“Exploitation malheureuse ou cynique” du drame de la rue d’Aubagne

Dans leur courrier commun, les propriétaires des étages tapent plus dur.

“Le drame de la rue d’Aubagne et ses conséquences ont déjà provoqué l’expulsion d’un bien trop grand nombre d’habitants du quartier. Aussi, nous devons chercher collectivement à faire tout ce qui est possible pour en éviter de nouvelles, en particulier par une exploitation malheureuse ou cynique d'”opportunités” nées des suites de cet événement traumatisant”.

La société publique locale est effectivement propriétaire du 12 rue de l’Académie, un immeuble acquis en 2017 qui faisait partie de la liste des immeubles en propriété publique laissées vacants par la Ville ou ses satellites (lire le premier épisode de notre enquête commune La Grande vacance). Dans son courrier du 18 novembre, Gérard Chenoz, confirme que le n°16 est également en cours d’acquisition après des années de déshérence et le 14 dans la même visée.

Contents ou pas contents, on avance.

Gérard chenoz, président de la soleam

Joint par téléphone, Gérard Chenoz fait fi de l’inquiétude des habitants : “Les gens veulent des équipements publics, des zones piétonnes mais surtout pas chez eux. Contents ou pas contents, on avance. Et si besoin, nous aurons recours à une déclaration d’utilité publique pour exproprier. Sauf, bien sûr, si on trouve une solution à l’amiable.”

Dans son courrier, l’élu précise que c’est “dès le mois de juin 2018” que des études avaient été lancées pour l’implantation “d’une micro-crèche au 12 rue de l’Académie”. Jusque-là, le seul projet connu était celui d’une crèche de dix berceaux au rez-de-chaussée des numéros 61 et 63 de la rue d’Aubagne, avant que le second ne s’effondre en novembre 2018.

Relocalisation de la crèche Lieutaud

L’élue municipale (LR) chargée de la petite enfance, Catherine Chantelot confirme que les premières discussions sur une implantation rue de l’Académie ont débuté à l’été 2018 au sein de ses services. “En centre-ville, nous avons toujours la difficulté de trouver un foncier adapté, en rez-de-chaussée, avec un extérieur suffisamment grand. C’était le cas à cet endroit.” En revanche, elle écarte la nécessité de préempter les étages : “Pour une crèche, ce n’est pas adapté”.

Elle indique également qu’il ne s’agira pas d’une création mais d’une “relocalisation et d’une extension jusqu’à 50 berceaux maximum“. “Cela fait longtemps que nous avons pour projet de délocaliser la crèche du cours Lieutaud dont les locaux ne sont plus adaptés, reprend-elle. En augmentant le nombre de berceaux, on peut satisfaire les besoins sur Noailles“.

Cadres mouvants

Pour les habitants, au-delà de l’intérêt indéniable de tels équipements dans le quartier, le processus de décision est d’autant plus difficile à appréhender qu’il s’insère dans un cadre institutionnel mouvant. À l’origine, la Soleam intervient dans le cadre de l’opération Grand centre-ville, lancée en 2011 par la Ville et récupérée par la métropole en 2016.

La future “maison du projet” de noailles donnera au moins une porte où toquer.

Mais la prise en main par l’État et la métropole de la crise déclenchée par le drame de la rue d’Aubagne donne désormais lieu à une grande opération d’urbanisme, la GOU. Celle-ci vient d’être votée en conseil métropolitain puis municipal et le projet de relocalisation de crèche y figure. En revanche, son implantation précise n’y apparaît pas. “Nous n’avons pas pour habitude de faire délibérer le conseil municipal tant que le foncier n’est pas acquis, reprend Catherine Chantelot. Il faut encore voir si les locaux sont adaptés, notamment les espaces extérieurs. Nous ne sommes pas les seuls à décider.

Au glissement des opérations se superpose celui des opérateurs. Une société publique locale d’intérêt nationale (SPLA-IN) est censée devenir l’outil partagé entre l’État, la Ville et la métropole pour les projets urbanistiques. “Pour l’instant, elle n’est pas créée, en attendant, nous, on avance”, rappelle Gérard Chenoz. La Soleam continue par exemple de porter le projet de maison pour tous en bordure du Domaine Ventre.

Sans préciser de date d’ouverture, le texte fondateur de la grande opération d’urbanisme prévoit l’ouverture d’une maison du projet à Noailles. Cela ferait déjà aux habitants une porte où toquer pour éclairer l’avenir du quartier.

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Commentaires

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  1. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    La Municipalité actuelle avec Gaudin et sa grande sœur métropolitaine avec Vassal agissent dans l’opacité la plus totale ici avec un groupement d’architecte(s ?) et programmiste(s ?) à leur solde puisqu’ils seront payés pour cela.

    Et quand la loi les oblige à publier un avis public ou un appel d’offre c’est dans des modalités et sous une forme que seuls les initiés peuvent comprendre.

    « L’utilité publique » invoquée par Chenoz a déjà servie à l’enrichissement de quelques-uns de leurs amis (élus ou non) avec ces opérations d’achats d’immeubles à bas prix, de pseudo-restaurations à l’aide de subventions publiques et d’exploitation par des marchands de sommeil.

    Quand Chenoz déclare « Les gens veulent des équipements publics, des zones piétonnes mais surtout pas chez eux » il fait également preuve d’une hypocrisie, et d’une mauvaise foi totales.

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  2. Dominique idir Dominique idir

    C’est la même histoire que m’a raconté le propriétaire du 69 rue Longue des Capucins exproprié pour faire du logement social étudiants alors que juste à côté ils ont laissé pourrir sur place le 15 rue de la Fare jusqu’à sa destruction. Destruction qui à mon avis a entrainé la fermeture du 20 rue des Petites Maries pour murs porteurs dangereux.
    Au 69 rue Longue des Capucins tous les travaux avaient été effectués.

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    “Contents ou pas contents, on avance.” Il est compétent en quoi, le petit marquis Chenoz, à part en mépris ?

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  4. Philippe Lamotte Philippe Lamotte

    Parole, parole, les achats au prix fort et les reventes à bas coût de biens immobiliers aux “amis” vont continuer sur le dos brisé des pauvres, à moins que…

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  5. Mathieu Trigon Mathieu Trigon

    Pour information c’est au rez de chaussée du 14 rue de l’académie que vit M. B, dont la famille est propriétaire de nombreux bien dans le quartier. Le même M. B dont le nom apparaissait dans un article de Marsactu consacré aux propriétaires limites du quartier. Peut être une piste à grattouiller pour la rédac de Marsactu histoire de s’assurer que nous ne sommes pas entre copains-coquins.

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Tiens tiens tiens…

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Quand ça chatouille, Marsactu gratouille !

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  6. Bibliothécaire Bibliothécaire

    Rue Sénac il y a des affiches jaunes fluos A3 qui parlent également de concertation avec la Soleam si je ne m’abuse. Même topo ?

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Des affiches autorisées, j’espère ? Sinon gare à Madame LOTA !

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour, il s’agit des immeubles dégradés que la métropole souhaite acquérir, via la Soleam, dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne.

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