Maisons pour tous : la fin d’une semaine de “flou” total

Actualité
le 8 Juin 2018
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Depuis le 1er juin, 21 maisons pour tous marseillaises sur 27 ont fermé leurs portes de façon précipitée, à la demande de la mairie. Elles devraient toutes rouvrir leurs portes ce vendredi. Récit d'une semaine marquée par l'incompréhension des usagers et les inquiétudes des salariés, qui ont l'impression de "payer les pots cassés".

Des salariés et usagers de maisons pour tous manifestent devant l
Des salariés et usagers de maisons pour tous manifestent devant l'hôtel de Ville jeudi matin (image Lisa Castelly)

Des salariés et usagers de maisons pour tous manifestent devant l'hôtel de Ville jeudi matin (image Lisa Castelly)

“On n’a pas eu le temps de tout vider. Oui les meubles sont restés, mais aussi les dossiers, et même les affaires personnelles. On ne pensait pas avoir si peu de temps pour quitter les lieux.” Vendredi dernier, devant le centre social-maison pour tous Romain Rolland-La Pauline, les salariés sont sonnés. Ils s’attendaient à découvrir ce matin-là leur nouvel employeur, non sans angoisse quant à leur reprise ou non dans l’équipe (Lire notre article). Mais pas à être enfermés dehors, sans pouvoir accéder à leurs bureaux, pour une semaine entière. Une affichette format A4 a été envoyée le jeudi à 15 h par les services de la Ville, pour être affichée sur les portes d’entrée de 21 maisons pour tous dans toute la ville, dès le lendemain matin. “Votre maison pour tous est exceptionnellement fermée pour quelques jours. Elle ouvrira à nouveau ses portes le 8 juin prochain”, peut-on y lire.

Dès lors, la panique a été générale : une maison pour tous, c’est un lieu qui accueille toutes sortes d’activités gérées par une multitude d’associations, des garderies du soir, des centres aérés le mercredi, sans parler des intervenants “protection maternelle et infantile”, des assistantes sociales… Des dizaines et des dizaines de coups de téléphone à passer pour prévenir parents, usagers, partenaires que pendant 8 jours, ils trouveront porte close.

La cause de cette fermeture soudaine ? Si un interlocuteur de Marsactu à la Ville évoque “un banal détail administratif”, dans la gestion des délais concernant le renouvellement des associations gestionnaires de maisons pour tous, l’élue déléguée à l’action sociale Sylvie Carrega, qui a répondu à La Provence,  préfère mettre en avant la nécessité de prendre davantage de temps pour les déménagements, les inventaires et autres constats d’huissiers. Elle reconnaît néanmoins que la procédure administrative a connu un souci, sans en expliquer l’origine, nécessitant de décaler le démarrage de la nouvelle délégation de service public du 1er au 8 juin. “Une fois [les délégations] validées, je les ai signées et vraisemblablement, après ça, elles sont parties un peu en retard”, a-t-elle confié au quotidien.

“Beaucoup de coups de fil”

Si, depuis l’hôtel de Ville, cette fermeture à la hâte semble relever d’un simple ajustement de procédure, sur le terrain la situation a été ubuesque. “Ça a été beaucoup de coups de fils, reconnaît Rémy Dutherage, directeur de la maison pour tous Panier-Joliette. Déjà, prévenir les gens qui viennent pour les activités comme le yoga, mais pas tous, parce qu’on a pu maintenir des activités qui se trouvaient en dehors de nos murs, dans un gymnase à côté…. et expliquer ça aussi. Les gens nous ont demandé si ça fermait pour de bon.”

Dans le cas de cette maison pour tous, comme dans plusieurs autres gérées par la fédération Léo-Lagrange, des activités ont pu se tenir hors les murs, puisque les équipes conservaient le même contrat. Ainsi, mercredi après-midi, le rideau de fer était bien tiré, mais à quelques pas, dans la cour de l’école de l’Évêché se tenait l’accueil de loisir habituel. “Comme on ne change pas d’association, on reste payés, contrairement aux autres collègues ailleurs”, précise Rémy Dutherage.

La maison pour tous du Panier est restée fermée une semaine, mais des activités ont pu avoir lieu hors les murs. (Image Lisa Castelly)

Centre aéré sans locaux

L’ouverture du centre aéré a tout de même demandé d’obtenir des autorisations, parvenues le mardi. Nouveaux coups de fils en urgence à des parents soulagés de savoir quoi faire de leur progéniture ce mercredi. “On a été dans le suspense jusqu’au dernier moment, déplore Jean Camille, animateur du secteur ados. Le directeur nous a expliqué, mais nous on a déjà eu du mal à comprendre, alors pour faire comprendre ces questions de cadre juridique aux parents, c’est impossible”.

La fédération Léo-Lagrange a rassemblé plusieurs de ses salariés à la Belle-de-Mai où se trouve une des rares maisons pour tous restées ouvertes cette semaine car non concernée par le renouvellement. Jean Camille y a travaillé plusieurs journées, et porté le reste du temps deux sac à dos avec ses dossiers importants et son ordinateur de travail, récupérés à la hâte. “Mais moi je croyais que vous étiez en vacances pendant ce temps !”, s’étonne Zohr, venue récupérer son fils.

“La maison pour tous, c’est leur 2e maison”

Mercredi, toujours, plusieurs mères de famille avaient lancé un appel à se rassembler au pied de l’hôtel de ville pour dénoncer les fermetures en organisant un pique-nique avec leurs bambins. Elles ne sont finalement qu’une poignée, entourées des petits grignotant cakes salés et gâteaux à pleines dents. “La maison pour tous, c’est leur 2e maison, ils vont tous les jours à la garde périscolaire, la plupart des mamans y ont des activités, c’est un lieu de rencontre, de partage, de mixité”, plaide l’une des manifestantes, s’indignant de concert avec les autres de cette fermeture inopinée et sans explications de la Ville. Usagère de la maison pour tous de la Corderie (7e arrondissement), elle raconte les petits arrangements trouvés de ci, de là. “La prof de danse a décidé de rajouter un cours à la fin de l’année pour rattraper”, prévient l’une d’elles.

Le petit groupe est rejoint par deux élus socialistes siégeant au conseil municipal, Florence Masse et Benoît Payan, qui ont demandé par communiqué l’ouverture d’une enquête de l’inspection générale des services pour faire la lumière sur cet incident. “Ce retard est d’autant plus incompréhensible que le conseil municipal avait voté une prolongation de six mois des anciennes délégations de service public justement pour que le transfert soit bien préparé”, pointe Florence Masse qui voit là une atteinte “aux derniers services publics qui restent dans certains quartiers”.

Jeudi matin, au dernier jour de cette semaine blanche, les salariés de plusieurs maisons pour tous entendaient obtenir un rendez-vous avec Sylvie Carrega à grand renfort de bruit de casseroles. “On n’est pas des pots cassés !”“Publics en otage”“salariés sans statuts” pouvait-on lire sur les banderoles, et entendre dans les cris de la soixantaine de personnes présentes. “Des salariés ne sont pas payés pendant une semaine, des usagers ont cotisé, qu’allez-vous faire ?”, lance un manifestant dans un haut-parleur, à l’attention de l’élue à l’action sociale qui a déjà fait savoir que son agenda ne lui permettait pas de recevoir une délégation. Aux salariés de La Pauline-Romain Rolland, inquiets de ne pas être repris par le nouveau gestionnaire, elle a répondu par mail :

“En tout état de cause, je ne peux recevoir des salariés dans la mesure où il s’agit d’une question relative à l’application du Droit du travail, au sujet de laquelle la Ville de Marseille ne peut prendre partie.”

Des salariés de la maison pour tous-centre social de la Rose ont fait le déplacement. Eux aussi vont changer de gestionnaire, passant de Léo-Lagrange au nouveau venu Episec, mais sont plus confiants pour la suite. Ils demandent en revanche à savoir qui doit payer leurs salaires pour cette semaine. “On n’est plus salariés Léo-Lagrange depuis le 31, et on est repris par Episec à partir du 8. En attendant, on est sans statut, sans salaire, et on n’a aucune info. On a réclamé d’un côté et de l’autre, sans réponse, peste une des huit salariés. C’est le vide, le flou juridique.”

Sous le porche de l’hôtel de ville, Linda, une mère de famille monoparentale a posé un jour de congé pour pouvoir être présente. “Hier j’ai été obligée de prendre ma fille au travail avec moi parce qu’il n’y avait pas de garde périscolaire… je suis fatiguée de subir les conséquences de cette gestion chaotique des services de la mairie. Madame Carrega ne peut pas se laver les mains de cette situation, elle est responsable. Et ensuite, d’un mercredi sur l’autre, il y aura de nouvelles personnes avec nos enfants… Informer les parents c’est trop demandé ?”. Élue en conseil d’école, elle compte bien rassembler d’autres parents pour dénoncer cette “rupture dans la continuité des services publics”.

Pots cassés

Un membre du protocole de la Ville vient noter les revendications, puis une hôtesse d’accueil explique aux manifestants que personne ne pourra les recevoir ce jour. La directrice de la maison pour tous La Pauline est finalement invitée à rentrer pour laisser ses coordonnées, puis tout le petit cortège est prié de quitter les lieux, un peu bredouille.

Des pots de fleurs apportés exprès sont jetés au sol pour symboliser les pots cassés… puis ramassés en vitesse par les protestataires spécialistes de l’animation. Vendredi matin commence une nouvelle ère pour les maisons pour tous marseillaises, avec de nouveaux gestionnaires pour beaucoup, des salariés non repris dans certains cas, et des moyens plus contraints aussi. Les passations s’annoncent houleuses dans certaines structures. Paradoxalement, “désormais, en cas de non-respect des horaires d’ouverture, la nouvelle convention prévoit que ce sera 1000 euros de pénalités”, glisse un salarié qui rit jaune. Faites ce que je dis…

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Commentaires

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  1. Martine MATHIEU Martine MATHIEU

    Pourrait on en savoir un peu plus sur cette association EPISEC qui reprend la gestion de certains équipements ?

    Signaler

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