Loin de la Macronie, le député Zulesi joue l’ultra-proximité
Dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, au nord de l'étang de Berre, le candidat sortant de la majorité présidentielle Jean-Marc Zulesi affrontera le RN ce dimanche. Pour tenter de conserver son siège, il met en avant son ancrage local.
Jean-Marc Zulesi en campagne à Berre-l'étang. (Photo : VA)
“Oh Jean-Marc !”, lance, la main levée, un homme sur le parking de la résidence Cabrianne, à Berre-l’Étang. Ni une ni deux, Jean-Marc Zulesi vient à la rencontre du quadragénaire. Les deux hommes ne se connaissent pas vraiment, mais leurs intérêts pourraient bien se rejoindre. Le premier est habitant de cette petite cité HLM et semble apprécier l’idée de se faire un ami haut placé. Le second est en campagne en vue du second tour des élections législatives qui auront lieu ce dimanche. “Je voterai pour toi”, lui assure Laïd Azamoun, un tract à la main, avant de glisser à Marsactu : “Il défend nos droits plus que les autres, et puis tout le monde dit de voter pour lui, mes amis, ma famille, mes cousins…”
Jean-Marc Zulesi n’est plus un nouveau venu dans le secteur. Issu de la majorité présidentielle, il est le candidat sortant de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, qui comprend notamment les communes de Berre-l’Étang, Salon-de-Provence, Rognac, Pélissanne… “Je vous reconnais, je vous vois souvent sur Internet”, sourit ainsi une dame, un peu émue, en lui ouvrant sa porte. Dans l’exercice du porte-à-porte, Jean-Marc Zulési, chemise impeccable et sourire charmeur, est à l’aise. “Et puis, c’est plus facile quand on a un bilan à présenter”, ajoute ce député de tout juste 34 ans.
Originaire de Cornillon-Confoux, le candidat a occupé une partie de son mandat à porter des dossiers locaux. Et Jean-Marc Zulesi de citer les millions débloqués pour reconstruire l’hôpital du pays Salonais – parmi de nombreux établissements soutenus dans le cadre du Ségur de la santé – ou son rapport parlementaire sur la réhabilitation de l’étang de Berre – quand bien même le problème principal qu’il pointe, les rejets d’EDF dans la lagune, n’a pour le moment pas connu d’amélioration.
“T’es de droite ou de gauche toi ?”
“Et encore, on ne vous a pas emmenée à la Mariélie, là bas, tout le monde m’aurait invité à prendre le thé, vous auriez dit que c’était truqué”, fanfaronne cet ingénieur de formation qui a œuvré pour l’installation dans ce quartier populaire de Berre-l’Étang d’une maison France Services et poussé pour la participation de l’État dans la rénovation du lieu. “La circonscription s’étend de Berre à Ventabren, qui est très riche. Que les gens de là-bas viennent à la Mariélie [pour se rendre à la maison France service] est un symbole fort. Ils voient que tout se passe bien, qu’ils y sont en sécurité, plus la rénovation, ça améliore l’image de l’endroit et ça rapproche les citoyens”, défend dans un discours aux accents de gauche le député étiqueté Ensemble.
Jean-Marc Zulesi a fait ses armes auprès d‘Oliver Ferrand, créateur du think tank Terra nova, espace de réflexion des idées du Parti socialiste. Élu député dans cette même 8e circonscription en 2012, ce dernier est décédé quelques semaines après son élection. “J’ai été engagé auprès d’une personne, j’ai espéré le renouveau socialiste mais il n’est jamais arrivé. On ne peut pas dire que je viens de la gauche, qui n’a jamais voulu de moi car j’étais trop libéral”, recadre Jean-Marc Zulesi.
Après avoir créé un collectif “pour faire vivre le débat sur des thèmes tels que l’environnement, l’agriculture ou encore la french tech sur la circonscription”, le jeune militant politique a donc fini par s’engager auprès des Jeunes avec Macron après une rencontre avec celui qui était alors ministre de l’Économie.
J’ai suivi cette dynamique qui montait et qui est devenue En marche. J’ai fini par être porté par la vague et élu.
Jean-Marc Zulesi
“Le courant est bien passé, je lui faisais des petites notes. Au départ, nous n’étions qu’une petite dizaine. Mais j’ai suivi cette dynamique qui montait et qui est devenue En marche. J’ai fini par être porté par la vague et élu”, raconte-t-il. Pourtant, loin de l’image de l’élu start-upper déconnecté, il garde bel et bien des réflexes de la politique à l’ancienne.
Sous la chaleur écrasante de cette mi-juin, une habitante se joint à la discussion. Elle explique être plutôt favorable aux idées de Jean-Luc Mélenchon, mais votera pour le candidat macroniste dimanche, qu’elle semble connaître. D’ailleurs, elle lui rappelle le souci que rencontre une voisine avec son logement insalubre. Promis, le député passera la voir après. Mais la messagère se pose une ultime question : “Donc toi, t’es de droite ou de gauche ?”. “Ni l’un ni l’autre”, esquive Jean-Marc Zulesi.
L’ancrage comme ligne directrice
Dans les premières pages du fascicule qu’il distribue, le candidat macroniste mêle dossiers locaux et thématiques du programme national. Mais n’oublie pas de mettre en avant très tôt les sujets de sécurité. Aujourd’hui, c’est contre un candidat Rassemblement national que le député sortant se bat. Arrivé en tête au premier tour avec 27,8 % des voix, il est suivi de près par le candidat de Marine Le Pen Romain Tonussi, peu connu dans le secteur mais qui a recueilli 25,3 % des voix. Pour combattre cet adversaire qui pèse, Jean-Marc Zulesi met simplement en avant son ancrage. “J’habite la circonscription, et non Miramas [juste à l’ouest, ndlr]”, pique ce dernier en direction de l’autre candidat.
Jean-Marc Zulesi adapte son discours, joue au funambule selon les interlocuteurs pour ne froisser personne. Aux uns il parle de lutte contre le RN, aux autres de problématiques locales. Renforcer le contrôle des installations classées pour l’environnement pour éviter des incendies comme celui de Saint-Chamas, s’assurer de l’application de la feuille de route du rapport parlementaire sur l’étang de Berre… Voire, très locales. Un problème de moisissure sur les murs ? Celui qui est en campagne n’hésite pas à rentrer chez la dame à qui il vient de distribuer un tract pour prendre des photos. Il fera remonter le souci au bailleur.
“Certains élus s’arrêtent à leurs prérogatives, ce n’est pas le cas de Jean-Marc qui cherche sans cesse à rendre service, vante Antoine Géhant, militant de longue date avec lui au sein des jeunes avec Macron. Il est toujours disponible.” Probablement plus encore en campagne. Le député esquisse un sourire : “Oui j’essaye de mettre en relation, de faire remonter les difficultés et ce, depuis le début. C’est dans mon ADN, le terrain, le terrain, le terrain.” Il ajoute : “Le rôle du député est de faire la loi, mais la réalité du terrain permet de prendre conscience des choses.” Du local au national donc – où Jean-Marc Zulesi n’est pas absent pour autant puisqu’il fait partie des députés les plus actifs à l’Assemblée, il a notamment proposé 477 amendements et rédigé 13 rapports.
Le visage de Macron absent des tracts
Au point qu’à Berre-l’Étang, on en oublierait presque qui est le chef de file de “Jean-Marc”. “J’ai une amie qui milite pour lui, elle dit que pour ces élections, il faut regarder l’homme plutôt que le parti”, essaye de se convaincre Valérie Moutte, croisée au cours d’un porte-à-porte. Elle se dit “plutôt Mélenchon” mais ira voter Zulesi au deuxième tour. “Y’en a ras-le-bol de Macron !”, lance sans hésitation une voisine qui, elle, vote RN. Sur le tract du candidat qu’elle tient en main, cette cinquantenaire ne verra pas la tête du président, qui en est complètement absent. “Je n’ai aucun problème avec la tête du président”, rigole, rusé, Jean-Marc Zulesi dans une ultime pirouette. Mais le pince-sans-rire préfère mettre en avant son bilan plutôt que celui de son chef.
Candidat LR éliminé au premier tour, David Ytier votera Jean-Marc Zulesi au second tour. “Je n’ai pas donné de consigne de vote. Je ne suis pas Macron compatible mais je voterai pour un député qui connaît bien son territoire plutôt que pour quelqu’un qui ne sert que son parti.” Celui qui est par ailleurs vice-président à la métropole précise tout de même : “Un député n’est pas là que pour porter des sujets locaux, mais aussi pour voter des lois. Et je ne suis pas d’accord avec tout ce qui a été voté pendant cinq ans. Mais là il faut faire un choix pour dimanche.”
Montant presque deux à deux les marches, Jean-Marc Zulesi poursuit son porte-à-porte avec énergie. Toc, toc, toc. “C’est votre député. Je viens vous remettre en main propre mon bilan et tenter de vous convaincre de voter pour moi”, annonce-t-il sans détours. Djamel, qui doit avoir le même âge que celui qui se trouve sur son paillasson en chemise et chaussures pointues, ouvre la porte en short de boxe. “Si jamais vous avez la moindre question, y a mon numéro derrière, n’hésitez pas à m’appeler”, lui indique Zulesi. Les dents de Djamel apparaissent : “Et quoi ? On se fait une bouffe ?”. “Chiche !”, lui répond le député.
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