Livraisons d’armes à Israël : onze ONG attaquent la France en justice

Actualité
le 12 Avr 2024
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Suite aux révélations de Marsactu et Disclose sur la livraison en Israël de pièces de munitions fabriquées à Marseille, onze ONG attaquent l’État. Elles réclament la suspension immédiate des licences d’exportations d’armement, en raison du risque d’utilisation contre les civils à Gaza. Un article de notre partenaire Disclose.

Banderole devant l
Banderole devant l'usine Eurolinks de Château-Gombert lors d'une manifestation demandant la fin des livraisons d'armes à Israël le 1er avril 2024. Photo : PID

Banderole devant l'usine Eurolinks de Château-Gombert lors d'une manifestation demandant la fin des livraisons d'armes à Israël le 1er avril 2024. Photo : PID

Combien de temps l’écran de fumée agité par le ministère français des armées va-t-il tenir ? Le 26 mars dernier, Sébastien Lecornu était contraint de reconnaître que l’État a bien autorisé la livraison de composants pour mitrailleuses à Israël après le déclenchement de l’offensive à Gaza, comme l’ont révélé Disclose et Marsactu le jour même. Mais, selon le ministre, les 100 000 pièces expédiées vers l’entreprise israélienne de défense IMI Systems ne seraient pas utilisées par Tsahal. Ces “bandes de munitions”, fabriquées par l’entreprise marseillaise Eurolinks, seraient destinées à la “réexportation” vers des pays tiers. Une explication jamais étayée, et pourtant reprise telle quelle par la porte-parole du gouvernement, Prisca Thévenot, mercredi 10 avril. Sollicité à plusieurs reprises pour des explications complémentaires, le ministère des armées n’a pas souhaité répondre.

“Nous sommes contraints de vous croire sur parole, aucune preuve n’ayant été transmise à ce jour”, ont rétorqué 115 parlementaires de gauche, le 5 avril 2024, dans une lettre adressée à Emmanuel Macron pour réclamer l’arrêt des ventes d’armes à Israël. Pas convaincues non plus, près de 400 personnes ont défilé à Château-Gombert devant l’usine d’Eurolinks, lundi 1er avril, comme l’a raconté Marsactu. Interrogé, le PDG de l’entreprise marseillaise a lui-même admis que les services de l’ambassade française en Israël n’avaient effectué aucun contrôle sur l’utilisation réelle de ses armements.

Trois actions en justice pour suspendre les exportations

Face au refus obstiné du gouvernement français de rendre des comptes sur ses exportations d’armement, une coalition de onze ONG est passée à l’offensive judiciaire. Objectif : l’obliger à suspendre ses livraisons au nom du “risque que les armes et les équipements militaires que la France exporte vers Israël soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza occupée”, expliquent-elles dans un communiqué commun.

“ La France a l’obligation de respecter le Traité sur le commerce des armes, et de suspendre tout transfert quand elles pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité ou de guerre”

Benoît Muracciole, président d’ASER

Ces organisations se sont réparties en trois groupes afin de déposer trois référés distincts devant le tribunal administratif de Paris. Une démarche inédite en matière de commerce des armes, entamée lundi 8 avril. Le premier collectif, qui regroupe l’ONG Action sécurité éthique républicaine (ASER) ainsi que les associations ACAT-France et Stop Fuelling War, s’attaque à une licence d’exportation en particulier, dite “ML3”, d’un montant de 300 000 euros et délivrée en 2022 pour des munitions et leurs pièces métalliques. Il pourrait s’agir de celle qui a permis la livraison de maillons de cartouches pour calibre 5,56 mm fabriqués par Eurolinks à Château-Gombert. “ Le gouvernement français a l’obligation de respecter le Traité sur le commerce des armes, et de suspendre tout transfert quand ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre”, explique Benoît Muracciole, président d’ASER.

Des outils de pointe pour une offensive

Le second collectif d’associations, composé d’Amnesty International et de la Ligue des droits de l’Homme, a identifié une vingtaine d’autres licences d’exportation vers Israël dont elles réclament la suspension immédiate. Sept de ces licences, accordées en 2022, concernent des viseurs d’armement, des calculateurs de bombardement et autres matériels de pointage, couverts par la catégorie “ML5”, pour un montant de 267 millions d’euros. Quatorze autres, dites “ML15”, concernent des matériels d’imagerie, à infrarouge ou thermique, et représentent 21,7 millions d’euros de ventes possibles. Des outils de pointe cruciaux pour une offensive terrestre et aérienne, comme celle menée par l’armée israélienne à Gaza depuis octobre 2023.

Enfin, les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth, qui représentent l’Union Syndicale Solidaires et cinq associations (Attac, Association des Marocains de France, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie, la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives et France Palestine Solidarité), ont déposé un troisième référé ce jeudi 11 avril. Ils exigent une suspension de toutes les licences d’exportations d’armes et de biens à double usage à destination d’Israël, comme le raconte aussi notre partenaire Mediapart.

Au Danemark et aux Pays-Bas, des démarches similaires devant la justice ont abouti à un succès. Jusqu’à aujourd’hui, en France, ce type de recours a échoué. Le 27 janvier 2023, le Conseil d’État a ainsi rejeté la demande formulée par l’ONG ASER de suspendre les livraisons d’armement à la coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis dans la guerre au Yémen. Motif, selon la haute juridiction, ces ventes constituent un “acte de gouvernement” ne pouvant pas être examiné par la justice. La multiplication des appels à un embargo sur les armes, comme celui lancé, le 5 avril, par le Conseil des droits humains de l’ONU pourrait changer la donne.

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