L’hydrogène peut-il assurer l’avenir de la centrale de Gardanne ?

Actualité
le 30 Sep 2021
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Après la fin de l’exploitation du charbon et les difficultés posées par la biomasse, industriel et salariés veulent croire à une nouvelle énergie d’avenir pour la centrale de Gardanne : l’hydrogène. Une solution extrêmement coûteuse et aux utilisations pour l'heure limitées.

La CGT des salariés de la centrale défend un projet de production d
La CGT des salariés de la centrale défend un projet de production d'hydroigène obtenu à partir de la combustion de déchets vers. (Photo MR)

La CGT des salariés de la centrale défend un projet de production d'hydroigène obtenu à partir de la combustion de déchets vers. (Photo MR)

Comment et par quoi remplacer le charbon exploité à la centrale de Gardanne ? Depuis l’annonce en novembre 2018 de la fermeture des quatre dernières centrales françaises par Emmanuel Macron, la question déchire riverains, salariés et gestionnaires du site. Après presque trois ans de grèves reconductibles menées par les salariés, 98 des 150 travailleurs de la centrale ont commencé à recevoir leurs lettres de licenciements à la fin de l’été après la validation définitive du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

La tranche charbon a été définitivement fermée et après une tentative de relance cet été, la tranche biomasse, fonctionnant grâce à la combustion de bois, est à nouveau inactive. Direction et salariés se renvoient la responsabilité de son arrêt. Du charbon trop polluant, une biomasse encore inexploitable, face à cette impasse, travailleurs et industriel se prêtent à croire à une nouvelle énergie qui assurera un avenir au site : l’hydrogène.

Techniques coûteuses

Mis en lumière par un plan de 7 milliards d’euros annoncé en décembre 2020 par le gouvernement, l’hydrogène est présenté comme l’énergie du futur. “Il peut être utilisé comme carburant dans les transports ou comme pile à combustible pour stocker de l’énergie. Avec un avantage incomparable : il ne rejette que de l’eau et aucun CO2”, détaille Philippe Maurizot, ancien conseiller régional (LR) délégué à l’industrie, spécialisé dans les énergies renouvelables, aujourd’hui conseiller municipal à Fos-sur-Mer.

Les collectivités locales s’y mettent
En décembre 2020, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a lancé son plan régional hydrogène afin d’identifier et de soutenir les projets existants sur son territoire et de structurer la filière autour de 2 dates : 2027 pour la sélection des modèles les plus efficaces puis en 2032 pour un déploiement plus massif. La métropole Aix-Marseille Provence, de son côté, a présenté au mois d’avril 2021 sa stratégie intitulée “Vers un hub hydrogène à horizon 2030” adoptée en conseil métropolitain. La métropole s’y engage notamment à acquérir 3 bus à hydrogène en 2022 pour une mise en service à Fos-sur-Mer, à étudier la possibilité d’équiper les navettes maritimes entre le Frioul / Estaque et le Vieux-Port ou encore à analyser l’opportunité d’expérimenter un train fret à hydrogène, notamment sur la ligne des ordures ménagères qu’elle opère entre Marseille et Fos-sur-Mer.

GazelEnergie a annoncé un partenariat avec un groupe allemand pour produire de l’hydrogène “vert” à Gardanne.

Conscient de l’engouement suscité par cette nouvelle énergie et ses capacités, GazelEnergie, propriétaire de la centrale, a annoncé il y a quelques jours un partenariat avec Hy2gen, une filiale du groupe allemand du même nom, en vue de produire de l’hydrogène “vert” et des carburants de synthèse renouvelables sur le site de la centrale. Le projet, baptisé “Hynovera”, prévoit l’installation de 100 mégawatts d’électrolyse en vue de produire de l’hydrogène ainsi qu’une unité de pyrogazéification, afin de produire du méthane de synthèse et du e-diesel.

En quelques mots et un peu grossièrement, l’électrolyse désigne un procédé qui envoie un courant électrique dans de l’eau afin de séparer l’hydrogène de l’oxygène. De son côté, la pyrogazéification consiste à chauffer des déchets à haute température afin de les transformer en gaz combustibles, méthane principalement.

Méthane et hydrogène, ces “bio-carburants”, doivent, à terme, approvisionner un secteur aérien en quête de décarbonation et le transport maritime, notamment les bateaux de croisière, amenés à abandonner le fioul lourd. “Sur le papier, c’est l’énergie parfaite. Sauf que les techniques ne sont pas encore au point et coûtent très cher. Les bateaux de croisière à hydrogène, c’est de la science-fiction aujourd’hui”, assure Philippe Maurizot même si des projets existent comme en Allemagne où certains trains fonctionnent déjà à l’hydrogène.

Une énergie pas tout à fait verte

Le plan de GazelEnergie a un coût et pas des moindres : 460 millions d’euros pour une cinquantaine d’emplois créés. La majorité du financement serait apportée par Hy2gen, le reste provenant d’emprunts bancaires et de subventions publiques ou prêts institutionnels. Car l’hydrogène coûte très cher et rien ne se fait sans argent public. “Il y a toujours un effet d’annonce de la part des industriels qui partent à la chasse aux subventions publiques. Difficile pour le politique de juger de la viabilité d’un projet et de trancher dans un sens ou dans l’autre tant que la filière est encore si peu constituée”, décrypte Philippe Maurizot.

D’autant que si l’hydrogène ne rejette pas de CO2, sa production, elle, en rejette. Le procédé d’électrolyse nécessite une très grande quantité d’électricité, qu’il faut bien produire. Soit à partir d’énergies fossiles, on parle alors d’hydrogène “gris”, soit à partir d’énergies renouvelables, on parle alors d’hydrogène “vert”.

Dans la présentation technique du projet, GazelEnergie et Hy2gen annoncent 835 000 MWh par an produits, non pas sur site, mais “à partir d’énergies renouvelables” (éolien, solaire, hydro-électrique,etc.), achetée directement sur le réseau électrique. Seule une petite partie sera produite directement à la centrale, via la tranche biomasse. GazelEnergie parle de 500 tonnes par jour. Soit une augmentation du tonnage de bois utilisé dans un équipement encore à l’arrêt aujourd’hui.

Contactés, GazelEnergie comme Hy2gen n’ont pas répondu à Marsactu dans le temps imparti à la publication de cet article. Interrogée par nos confrères de l’Usine Nouvelle, Camille Jaffrelo, responsable de la communication de GazelEnergie précisait : “Nous avons fait des études pour [installer] du solaire sur le site, mais il y a une très grosse pression foncière dans ce secteur, et nous préférons implanter sur ces 80 hectares les productions les plus intenses en emploi.”

Deux projets approchants qui divergent

Comment réagissent les salariés à l’annonce de ce projet ? “On est sceptiques, il s’agit d’un partenariat et pas d’un lancement réel du projet. Après, on n’est pas opposés au projet présenté, s’il va au bout, tant mieux. L’enjeu, c’est de conserver les emplois sur place. On se demande seulement quelle est la cohérence de tout ça au moment où Gazel licencie”, juge Nicolas Casoni, secrétaire général CGT de la centrale.

Car de leur côté, les salariés portent un projet quasi similaire. Dans une étude préliminaire réalisée par le Berim (Bureau d’études et de recherches pour l’industrie moderne), financée par la région, les salariés optent pour une solution par pyrolyse. Le procédé consiste cette fois à convertir un combustible solide en un combustible gazeux en augmentant sa température. Nul besoin de courant électrique, mais de chaleur, que les salariés entendent générer par la combustion de bois de classe B (déchets) uniquement.“La technologie est un peu différente, mais le résultat est le même : on produit du méthane et de l’hydrogène”, assure Loïc Delpech, président de l’association des travailleurs de la centrale.

On a un projet moins cher, plus productif, plus rapide à sortir de terre et qui préserve les emplois sur place.

Loïc Delpech, association des travailleurs de la centrale

Les salariés assurent que leur projet coûterait un peu moins de 100 millions d’euros pour le même nombre d’emplois créés et un lancement autour de 2024-2025, contre 2026 pour le projet Gazel/Hy2gen. “En somme, on a un projet moins cher, plus productif, plus rapide à sortir de terre et qui préserve les emplois sur place”, veut croire Loïc Delpech. “Tous les interlocuteurs : sous-préfet, industriels, experts que l’on rencontre nous disent que le projet qu’on porte est cohérent et abouti”, assure Nicolas Casoni. Et d’ajouter : “Le souci, c’est qu’ils ne veulent pas que l’on porte ce projet nous-même.” Un temps réunis autour d’une même table, salariés et direction ont rompu le dialogue depuis plusieurs mois déjà, rendant illusoire toute entente sur un projet commun.

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Commentaires

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  1. Pascal L Pascal L

    L’hydrogène n’est pas une énergie, comme le carbone, c’est seulement un élément chimique qui, sous sa forme utilisable, H2, n’est malheureusement pas disponible sur terre naturellement alors que le carbone, oui.
    En gros l’eau c’est de l’hydrogène qui a brulé exactement comme le CO2 est du carbone qui a brulé.
    Pour l’eau, il est possible de revenir en arrière, en fournissant de l’énergie quasi le double de ce qu’on récupérera en la brulant car l’électrolyse se fait avec quasiment 50 % de pertes.
    On refabrique de l’hydrogène qui pourra bruler à nouveau et faire marcher un moteur soit avec 75 à 80 % de pertes si c’est un moteur thermique, soit avec 35 à 40 % de pertes avec un moteur électrique et une pile à combustible.

    Donc une “source” d’énergie qui en consomme plus qu’elle en fournira mais qui a l’avantage de permettre de stocker,” de mettre de coté” de l’énergie potentielle quand, par exemple la production d’électricité ( d’origine solaire, éolienne ou, surtout, nucléaire) est supérieure à la consommation.

    C’est donc uniquement un moyen de stockage mais, question densité d’énergie, c’est pas le Pérou non plus : un réservoir de 80 litres sous une pression de 700 bars – soit une véritable bombe en puissance – contient autant d’énergie disponible qu’un jerrycan d’essence de 20 litres.

    En revanche, l’hydrogène aujourd’hui, ça semble surtout être une super pompe à subventions.

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    • liovelut liovelut

      L’hydrogène n’est pas tout à fait qu’un moyen de stockage de l’énergie: l’hydrogène est aussi utilisé dans des process industriels (et aujourd’hui on utilise de l’hydrogène issu du craquage des hydrocarbures pétroliers donc avec un bilan carbone assez mauvais), et il peut servir à en décarboner d’autres: en particulier en sidérurgie, il y a des projets de hauts-fourneaux où l’hydrogène remplacerait le coke… donc il y a moyen de bien décarboner la production d’acier.

      Ca ne nous empêchera pas de devoir réduire et nos déplacements (ou au moins leur conso d’énergie), réduire notre consommation d’acier (et développer mieux que ça les filières de tri/réemploi/refonte des ferrailles 62% seulement de l’acier est recyclé en France alors que l’impact écologique est incomparablement plus faible).

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  2. liovelut liovelut

    Hello petite précision par rapport à l’article qui parle d’hydrogène “gris” et “vert” selon que l’électrolyseur serait alimenté par une énergie fossile ou renouvelable. Ce n’est pas exactement ça: l’hydrogène “gris” (plus de 95% de l’hydrogène produit actuellement) vient directement du pétrole, plus précisément du craquage des hydrocarbures… il n’y a donc pas d’électrolyse ni même d’électricité impliquée, mais ça reste un hydrogène très polluant à produire

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