En matière d’urbanisme, la métropole n’a pas aboli les frontières

Actualité
le 3 Nov 2017
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En novembre, pour la première fois, le conseil de territoire soumet à la concertation un plan local d'urbanisme élaboré à l'échelle de 18 communes. Mais penser l'urbanisme à l'échelle de la métropole et de ses 92 communes est loin d'être à l'ordre du jour.

Les logements sociaux se construisent à Plan-de-Cuques, en face des lotissements résidentiels.
Les logements sociaux se construisent à Plan-de-Cuques, en face des lotissements résidentiels.

Les logements sociaux se construisent à Plan-de-Cuques, en face des lotissements résidentiels.

“L’audace par nature”. Le slogan métropolitain paraît soudain présomptueux quand on le soumet à l’effort métropolitain en terme d’urbanisme. “Le conseil de territoire Marseille Provence travaille déjà à l’élaboration de son plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI), se réjouit Laure-Agnès Caradec en charge de cette compétence au sein de l’ancienne MPM. C’est la première à être engagée dans cette démarche et elle sera dotée d’un document global à l’échelle de ses 18 communes à la fin 2019″.

Dès ce lundi, le million de citoyens qui habitent ces communes pourront participer à des réunions de concertation sur ce document stratégique. Celui-ci détermine notamment les espaces onstructibles, ceux à protéger et ceux à aménager en découpant en zones le territoire. Une grand première, 17 ans après la création de la communauté urbaine et moins de deux ans après la naissance de la métropole. Mais trompettes et musettes sonnent en sourdine. Le document qui doit être adopté définitivement en octobre 2019 est loin d’être le symbole d’un urbanisme pensé à l’échelle métropolitaine. Si les cinq autres conseils de territoire pourront à leur tour se lancer dans l’élaboration d’un PLUI à partir du 1er janvier 2018, en réalité, rien ne les y oblige.

Un PLUI mais six, pas sûr

“Effectivement, convient Laure-Agnès Caradec. Mais, en l’absence de PLU intercommunal, la moindre commune qui voudra réviser à partir du 1er janvier prochain son plan d’urbanisme enclenchera immédiatement l’élaboration d’un PLU intercommunal. On imagine mal comment les communes pourraient tenir des années sans revoir leur PLU. Cela figerait complètement l’urbanisme”. Si ce mode de résistance peut tenir à l’échelle du conseil de territoire du pays de Martigues qui ne compte que trois communes (Martigues, Port-de-Bouc et Saint-Mitre), cela paraît peu crédible pour les 36 communes du pays d’Aix. Six PLUI verront donc le jour à l’échelle de la métropole, autant qu’il y a de conseils de territoires. Mais sans qu’on puisse préciser à quelle échelle de temps, cela pourra se faire. En attendant, il y aura bien un schéma de cohérence territorial (SCOT) métropolitain et un plan local de l’habitat à la même échelle, mais en matière de droit du sol, le verrou reste mis un cran plus bas.

“C’est un héritage de ce qu’on appelle l’amendement Gaudin : désormais le plan local d’urbanisme doit s’élaborer à l’échelle du conseil de territoire en concertation étroite avec les maires”, reprend Laure-Agnès Caradec. Pour mémoire, l’amendement Gaudin est un des chausse-pied qui a permis l’avènement de la métropole Aix Marseille Provence au parlement. Il prévoit que l’urbanisme se réfléchit à l’échelle de chaque conseil de territoire mais les maires de chaque commune sont saisis pour avis à propos de ce PLUI. En cas d’avis défavorable, il faut une majorité des deux-tiers pour que le projet soit validé en conseil de territoire.

Les effets de l’amendement Gaudin

En clair, par ce biais, les maires continuent d’avoir en partie la main sur les documents d’urbanisme qui régissent leur commune. Une spécificité qui ne date pas d’hier car c’est déjà comme cela que Jean-Claude Gaudin avait réussi à unir les 18 communes au sein de la communauté urbaine en 2001. À Bordeaux ou Lyon, les communautés urbaines sont dotées de la compétence d’urbanisme depuis 1966.

En revanche, Aix-Marseille Provence n’est pas prête de voir un PLUM – pour métropolitain – s’appliquer à l’échelle du territoire. “C’est déjà suffisamment complexe de faire cela à l’échelle de 18 communes alors le faire à l’échelle de 92, souffle Laure-Agnès Caradec. Par exemple, à Marseille Provence métropole, nous avions 450 zones différentes. Avec ce nouveau document, nous n’avons plus que 100″.

Le directeur adjoint à l’urbanisme et à la planification, Cyril Blanc y va de son exemple pédagogique : “Pour une zone pavillonnaire par exemple, nous avions pas moins de 70 zones différentes selon les communes avec à chaque fois des règles spécifiques. Désormais nous avons six grandes zones qui rassemblent toutes les règles communes à ce type d’habitat”.

Pas de compilation

L’élaboration de ce nouveau document d’urbanisme est donc loin d’être une compilation des PLU existants. D’autant plus que sur les 18 communes, cinq sont encore sous le régime des anciens plans d’occupation des sols. L’avènement du PLU intercommunal est donc pour elle un saut dans la modernité. “Nous avons profité de cette élaboration pour revoir dans le détail le contenu de nos PLU, explique Jean Montagnac, maire de Carry-le-Rouet et président du conseil de territoire. Par exemple, dans ma commune, nous avions autorisé les propriétaires fonciers à urbaniser leur terrain à raison de 50% des surfaces déjà construites. Au départ, cela avait pour but de permettre de faire construire la maison du fils, de la belle-mère ou que sais-je. Nous nous sommes aperçus que les propriétaires vendaient en fait à des promoteurs.” 

Il prend également l’exemple de son collègue LR, Roland Mouren, maire de Châteauneuf-les-Martigues. “Pour lui, le PLUI est un vrai changement  de direction. 450 logements ont été construits ces dernières années. Mais, derrière, il faut pouvoir construire des crèches, des écoles, des gymnases pour tout ce beau monde. Le nouveau PLUI va lui permettre de souffler un peu en diminuant les zones constructibles”.

Loi d’exemption

Cette nouvelle élaboration intercommunale n’empêche pas les villes de devoir se soumettre aux lois nationales qui régissent l’urbanisme de manière générale. Il en va ainsi de la solidarité en matière de logement social. Le futur plan local de l’habitat doit fixer les règles à l’échelle de la métropole, ce sont ces lois et le préfet qui imposent aux maires de respecter un quota de 25 % de logements sociaux, de faire des efforts pour l’atteindre ou de payer une amende.

Carry, riche commune de la Côte-Bleue, ne compte que 45 logement sociaux. Comme 27 autres communes de la métropole, elle espère encore obtenir une dérogation à cette exigence qui s’impose aux villes de plus de 3500 habitants. Jean Montagnac se touche le front comme on touche du bois : “Nous attendons la réponse d’ici à la fin de l’année et j’ai construit notre PLUI comme si j’avais la dérogation. Si je ne l’ai pas, nous aurons bien le temps de le modifier d’ici son adoption”. En attendant, il a pour projet d’en construire 55 de plus, bien loin des 745 que lui impose la loi. Mais d’ici là, les édiles ont bel espoir que le nouveau gouvernement la détricotera.

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Commentaires

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  1. Trésorier Trésorier

    Comme bien dit dans l’article, nous avons en matiere d’urbanisme 51 ans de retard par rapport a Lyon ou Bordeaux.

    La bas, ils ont planifié transports en commun et (avant) urbanisation a l’echelon metropolitain alors qu’ici, alors que la metropole a ete construite sur le constat de faillite des transports en commun et de l’emiettement pavillonnaire communal, on continue dans le deni.

    A la metropole de creer des transports en commun alors que les maires, via un quasi droit de veto, pourront continuer de lotir les parcelles de leurs familles, copains et clientèles electorales.

    Nous payons cher l’etalement pavillonnaire en terme de pollution, destruction des paysages et terres agricoles, artificialisation des sols, segregations sociale et ethnique, faible attraction econimique,…..

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  2. toine toine

    Exact, on conforte une fois de plus le retard déjà conséquent sur Lyon et sa métropole.
    Après , on a les élus qui sont à l’image de ce territoire: mauvais!

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  3. reuze reuze

    L’élaboration du PLUI permet à Jean Montagnac de mettre fin à des abus regrettables permis par le précédent PLU qu’il a lui-même élaboré et fait voter.
    Espérons que l’État en tiendra compte pour accorder à Carry-le-Rouet la dérogation attendue en termes de logements sociaux.
    L’exemple de Châteauneuf-les-Martigues est d’ailleurs fort à propos, puisqu’une part importante des constructions récentes dénoncées par Roland Mouren étaient des logements sociaux votés par la majorité précédente. À ce rythme, sa commune allait bientôt remplir ses obligations au regard de la loi SRU. Heureusement, la mise en oeuvre du PLUI va permettre de limiter les zones constructibles afin d’éviter que le territoire, la métropole, le préfet ou n’importe qui ait la mauvaise idée de projeter de nouveaux logements sociaux sur sa commune.
    Ouf !

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    • Trésorier Trésorier

      Reuze,

      il n’y a aucune raison de faire des dérogations sur une loi votée il y a fort longtemps. A chacun sa part de pauvres !!!! Sinon, on rase les maisons de riches pour faire de logements sociaux.

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    • reuze reuze

      Trésorier,
      Mon commentaire était ironique.
      A la relecture, je me rends compte qu’on pourrait croire que je défends réellement les positions de messieurs Montagnac et Mouren par rapport à la loi SRU.
      Dont acte, la prochaine fois j’essaierai d’être plus explicite !

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    • Trésorier Trésorier

      Désolé alors….

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