[L’été venants] À la croisée des mondes dans le bus 83
Qu'ils viennent de loin ou du coin, en masse, en couple ou en famille, chaque été Marseille attire davantage. Une source d'agacement pour les uns et de revenus pour les autres. Cet été, Marsactu raconte ces "venants" estivaux qui se frayent leur chemin dans la ville, avec ou sans tour organisé. Premier épisode : le grand melting pot du bus 83.
[L’été venants] À la croisée des mondes dans le bus 83
“Imène quand elle a pas de maquillage elle fait peur“, braille Donovan, un jeune garçon en short et t-shirt noirs. La jeune femme à la peau mate et aux cheveux bruns attachés en arrière, rétorque aussi sec : “Et toi tes cheveux on dirait une forêt de sapins“. “Mais ils vont pas la fermer ceux-là“, s’énerve une vieille dame qui peine à se tenir en équilibre, dans un bus bondé. Dans le bus 83, l’atmosphère est salée ce jeudi 15 juillet. Il est 18 heures 16, de jeunes enfants encore en maillot rentrent de la plage et s’endorment sur l’épaule de leurs parents quand des touristes se préparent à poursuivre leur soirée. Du Vieux-Port jusqu’au rond-point du Prado, le trajet donne à voir un concentré bouillant de la vie marseillaise estivale et regroupe le temps d’un instant, des personnes dont les chemins ne se seraient probablement jamais croisés.
Tensions de fin de journée
Sept adolescents qui attendaient à l’arrêt du théâtre de La Criée prennent place dans le bus en s’asseyant les uns sur les autres. Sans masques, ils parlent, crient et rigolent fort. Et s’adonnent à une série de clashs où chaque phrase est l’occasion de montrer sa créativité. “Donovan c’est un miracle qu’il rentre dans le bus“, taille une des filles à propos d’un garçon qui les accompagnent, le plus enrobé. Tous sont habillés avec des shorts de sport. L’une d’entre eux porte des faux cils et sa bouche, dont le contour est tracé, est teintée de gloss. Après chaque punchline, ils éclatent de rire. Le bus, c’est leur scène de théâtre. “Vas-y crie mon nom plus fort comme ça tout le monde sait comment je m’appelle“.
Coincés derrière eux, un couple de Parisiens rit jaune et descend au chemin du Roucas-blanc. Ils respirent enfin. “Entre le port du masque et le niveau sonore, franchement le non-respect des gens, c’est pire qu’à Paris ! Demain on fera moins long et on marchera en autonomie“. Prendre le bus ne rime pas vraiment avec solitude. “C’est la première, mais la dernière fois qu’on le prendra“, s’esclaffent-ils.
Quand les embouteillages démarrent, vers 15 heures, des agents sont mobilisés pour juguler le flot et apaiser les tensions. La fin de journée sur la côte marseillaise, c’est aussi un choc des préoccupations de fin de journée. Quand certains n’ont qu’une hâte, s’étaler sur la plage, le chauffeur inquiet s’agace de ne pas être dans les clous : “Allez-y, montez, j’ai dix minutes de retard !”
Vers la plage bien aimée
Ceux qui prennent le 83 plus tôt ont droit a un voyage plus contemplatif. Ce matin-là, le mistral souffle fort sur la corniche et le ciel est complètement dégagé. Passé l’arrêt de la place du Quatre-Septembre, la mer s’étend et laisse se dévoiler les îles du Frioul. Le tableau aimante les visages des touristes aux vitres du bus. Armés d’une carte pliante et de casquettes sur la tête, la distinction avec les locaux est établie en un coup d’œil. Il n’est pas encore midi, et assises sur les sièges arrière, trois jeunes femmes sont bien déterminées à rentabiliser leur journée. “Sinon il y a l’Anse de Malmousque, ça a l’air pas mal”, propose l’une d’elle. “- C’est quoi ?” “- C’est un point de vue je crois”. Le téléphone passe de mains en mains, pour regarder des photos et estimer ce qui vaudra le détour ou pas. Elles s’arrêteront d’abord au Vallon des Auffes en dégainant leurs téléphones pour prendre une photo.
À treize heures, je m’en vais, il y a trop de touristes !
Denise, retraitée
Les Catalans, le Prophète, le Prado… Les trois-quart des usagers de la ligne 83 se rendent à la plage. L’itinéraire ne demande pas autant d’efforts que les Calanques, bien que ces dernières subissent aussi une surfréquentation. Il est 10 H 40 passées, et habillée d’une longue robe verte, de sandales pailletées et d’un panier en osier, Denise est attendue sur la plage du Prophète. “Je préfère venir ici plutôt qu’aux Catalans, il y a moins d’enfants, c’est plus calme.” Cette Marseillaise de naissance prend le bus 83 entre deux et trois fois par semaine depuis qu’elle est à la retraite. Elle a ses habitudes : “À treize heures, je m’en vais, il y a trop de touristes“.
Dans l’autre sens, juste avant midi, deux collégiens montent. Hichem, 14 ans, est accompagné de son cousin Amine, 12 ans, venu de Paris pour les vacances. Les deux ont l’habitude de se déplacer seuls depuis la maison d’Hichem au Prado. Plutôt gringalet, l’aîné se pose en fin connaisseur : “Là ça va, c’est le matin donc c’est pas rempli, mais de base il y a beaucoup de monde. Il est utile ce bus et puis c’est beau la Corniche et tout“. Casquettes sur la tête, claquettes Nike au pied et sac à dos, les deux jeunes descendent au Vallon des Auffes : “On y va pour sauter“.
Toujours mieux que la bagnole
En descendant à l’arrêt situé au niveau de ce petit port prisé, des touristes plus détendus attendent le bus pour aller au restaurant. Pour ce couple de journalistes venus deux jours de Paris, il fait bon vivre à Marseille. Ils se retrouvent à prendre le bus 83 un peu par hasard, surtout parce qu’ils étaient trop fatigués à force de sillonner la ville. Si madame ne regarde pas sa montre, monsieur constate avec étonnement et amusement que le bus a vingt-cinq minutes de retard. Et quand il arrive enfin… il ne s’arrête pas. D’un signe du pouce, le chauffeur annonce qu’un autre bus arrive juste derrière. La même scène se produit en amont à la plage du prophète.
Et si on rentrait à pied ?
Un père de famille
Bien souvent les derniers bus pour retourner en ville suscitent l’angoisse. Les habitués de ces bus blindés et en retard prévoient généralement un plan B. Mais pour les touristes, c’est moins dérangeant. “Et si on rentrait à pied ?“, interroge, dubitatif, un jeune papa à sa compagne. Eux ont été aiguillés vers le 83 par l’office du tourisme. Malgré le retard, ils sont satisfaits de pouvoir y monter. “Avec nos deux jeunes enfants, c’est plus pratique que de prendre le vélo“. Dans l’autre sens, un autre père de famille choisit de positiver et glisse à sa femme : “Je préfère patienter dans les transports parce qu’être en bagnole ici ça m’aurait cassé les couilles“.
Avec la chaleur de juillet, heureusement que la clim est activée. Mais si les voyageurs baissent la tête, on ne sait pas bien si c’est pour éviter l’aisselle de leurs voisins, ou par gêne, face à un homme dont la bière a très probablement accentué l’extravagance. Entré dans le bus aux Catalans, on le retrouve deux heures après en sens inverse à Endoume. Le bus 83 traverse le littoral comme les générations et les classes sociales. Mieux qu’un petit train touristique pour entrer de plain-pied dans la ville.
Commentaires
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Merci pour cet article qui résume le pourquoi je ne prends jamais les transports en commun à Marseille.Suzanne ,si le 83 ne vous a pas suffit ,testez le 81.C’est encore autre chose,c’est pire.
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Il faut prendre les transports en commun et agissons pour qu’ils soient efficaces et de qualités, ce n’est pas le hasard ce sont des choix politiques et la métropole avec Vassal a des responsabilités
Personnellement j’ai fait le choix de ne plus avoir de voiture et d’utiliser les transports en commun
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Vous avez sûrement raison sur le fond , mais je ne vois pas pourquoi je devrais supporter ce manque d’éducation, d’entendre , vu la discrétion de ces gens, des conversations téléphoniques quelques fois hallucinantes, le “pittoresque” marseillais m’insupporte,et le non respect des personnes âgées qui restent debout pendant que ces jeunes se radasssent sur les sièges,et ce sont les mêmes qui vous parlent de respect.
Alors , la croisée des mondes,non merci.
Tout ceci n’enlève rien d’ailleurs à ce que je pense de la reinette de Provence et de son incompétence,vous l’aviez sans doute compris.
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Brallaisse j’ai toujours vu dans le bus des jeunes se lever pour laisser s’asseoir des personnes plus âgées. Souvent d’eux-mêmes. Ou parfois après leur avoir demandé gentiment, ils s’excusent et s’empressent. Dans le 19, le 83, le 81, le 54…
J’ai aussi vu des personnes âgées refuser… et pas toujours gentiment.
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un spectacle qui devrait figurer au programme du château de La Barben comme authentiquement provençal
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Le terme ” venant” est une invention d’Hadrien Bels ,( dans son bouquin 5 dans tes yeux) il serait bien de lui en reconnaître la paternité quand se sert de son expression pour une série d’articles)
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Bien vrai
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En effet ! Nous en avons parlé dans notre newsletter hebdomadaire mais pas ici, vous faites bien de le rappeler 🙂
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Marskaa, la mauvaise éducation n’est pas l’apanage unique des jeunes, dans le 83 oui, dans le 81 c’est autre chose.Je ne connais pas le 19 et le 54.
Vous l’avez avec le comportement des gens sur les plages et les déchets laissés,le stationnement en double file des 4×4 devant les écoles chicos, le jet systématique des déchets sur le trottoir, les crottes des chiens, la conduite,etc.
Malheureusement,c’est une caractéristique de cette ville.
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Merci pour ces Magnifiques morceaux de marseille. Venant du 13°, je prends le metro a la rose puis le 83 avec mon sac “PMT” ” palmes masques tuba”,
Mon moyen de transport preferé apres le velo pour parcourir la corniche.
Ce mélange de population, c est marseille la grande cosmopolite !
Avec ses grands travers insuportables vus partout dans l incivilité chronique et avec ses moments époutouflants, grandioses de beauté et de nature.
FHP
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En creux, cet article très concret montre aussi une des caractéristiques majeures des transports collectifs dans cette ville : une offre insuffisante et peu fiable.
Mais puisque Martine a affirmé à la presse qu’il “n’y a pas de problème avec les bus”, on sait que rien ne va changer pour les usagers, et que l’objectif n’est pas d’offrir une réelle alternative à la bagnole.
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