Les obsèques très politiques d’un maire qui entre dans l’histoire
Les obsèques de Jean-Claude Gaudin se tenaient ce jeudi à la Cathédrale de la Major. Élus de tous bords, hauts fonctionnaires et ténors de la droite étaient réunis pour les adieux à un "des derniers dinosaures" de la Ve République.
Après la cérémonie, le cercueil quitte la Major avant de rejoindre le cimetière de Mazargues. (Photo : Emilio Guzman)
“La politique”. C’est sur ce mot central que le public uni autour de la dépouille de Jean-Claude Gaudin a pour la première fois applaudi sous les voûtes néo-byzantines de la cathédrale. Yves Moraine, longtemps dauphin désigné, seul vrai proche encore présent au conseil municipal dans les rangs de l’opposition, les a déclenchés. Avec ce mot simple, celui de la vie de la cité, et des différents pouvoirs qui la font graviter.
Du premier rang jusqu’aux portes de la Major, les gens réunis là pour un dernier hommage à l’ancien maire de Marseille ont tous en commun ce lien à la chose publique, des batailles électorales à la charge d’élu, du poste de haut fonctionnaire à celui de syndicaliste. Partout le regard accroche un visage connu : une patronne du port, un agent du protocole, la patronne d’un festival, un académicien de Marseille. Et c’est bien cette chose publique qui a passionnément animé celui qu’on enterre aujourd’hui.
“Politique partout”
Il y a là quelques ténors de la droite nationale d’hier et d’aujourd’hui, de François Bayrou à Nicolas Sarkozy, en passant par Eric Ciotti qui a fait ses premiers pas au cabinet de Gaudin, alors président de région. Il y a aussi la première dame, Brigitte Macron, venue représenter son président de mari, parti éteindre des feux plus urgents aux antipodes de l’hexagone. L’archevêque de Marseille, Jean-Marc Aveline, a d’ailleurs un mot “pour la situation en Nouvelle-Calédonie” alors qu’il salue une par une les personnalités présentes dans les premiers rangs.
Le temps d’une messe et d’un hommage, tous les pouvoirs, religieux, militaires et civils, que compte une ville sont ainsi sous le même toit, pour dire adieu à celui qui en a été le premier magistrat durant un quart de siècle. Il y a dehors quelques administrés, des badauds venus faire un dernier hommage, mais bien peu en ce jour de semaine.
On croise les principaux maires du département, tous ceux que Jean-Claude Gaudin allait voir dans ses tournées de sénateur en campagne ou comme président d’une métropole en construction. “La politique, c’est notre socle commun”, sourit Monique Daubet, une de ses anciennes adjointes, tandis que son ex collègue Patrick Padovani ajoute une antienne tant de fois ressassée par Gaudin lui-même : “la politique est partout, mais elle n’est pas tout.”
Ce refrain, qu’il aimait faire résonner, sonne pour lui tellement faux. Car pour Gaudin, la politique était tout, tout le temps. “On parlait 30 secondes de sa santé, 30 secondes de ma vie et une heure de politique”, raconte Yves Moraine à qui l’ancien maire avait rappelé il y a trois petites semaines seulement qu’il “commençait à avoir peur de partir” et qu’il devait commencer à travailler son “éloge funèbre”.
monstre sacré de Cinquième République
Ces obsèques sont celles d’un des derniers monstres sacrés de la Ve République, “un des derniers grands dinosaures” que cette vieille dame démocratique a eu en couvée. “L’homme aux 120 années de mandat”, écrivait Marsactu en 2014, pour souligner la capacité à cumuler du patriarche de la droite locale. Il faut y ajouter trois ans de sénateur et six de maire pour avoir le parcours complet politique de ce fils de “maçon et d’ouvrière” de Mazargues. “Il rêvait à 15 ans de devenir sénateur”, souligne avec gourmandise Gérard Larcher, le président du Sénat, venu rendre hommage à son ancien vice-président, élu à la chambre haute durant 28 ans.
“La politique comme seule passion” et sa ville comme arène principale. Jean-Claude Gaudin a été député, président du conseil régional, vice-président du Sénat et même ministre de l’Aménagement du territoire durant deux ans sous Jacques Chirac. Mais c’est la salle du conseil municipal qui était le seul hémicycle qui valait à ses yeux. Il a fait ses premiers pas dans la vieille salle des délibérations, sous la bannière du Centre national des indépendants et paysans, la petite formation par le truchement de laquelle il faisait ses premiers pas dans la majorité diverse de Gaston Defferre, en 1965. “Peut-il penser une seule seconde qu’il y siègera pendant 55 ans ?”, s’interroge encore Gérard Larcher.
À coup sûr, oui, est-on tenté d’affirmer, tant la politique et ses combats ont animé sa vie jusqu’au dernier souffle. Et dans ce genre d’aventure, on n’est jamais seul. Il faut pour se lancer un esprit de bande, des proches soudés, prêts aux mêmes sacrifices. Yves Moraine encore lui, les nomme, ces fidèles du premier cercle, “ceux qui ne se sont pas cachés sous la banquise du Vieux-Port”. Les “Claude, Jean-Pierre, Jean-Claude, Maurice”, mais aussi “Dominique, Roland, Philippe, Laure-Agnès, Julien, Monique” du premier cercle où ne figurent ni Renaud Muselier, le premier dauphin contrarié des deux premiers mandats, ni Martine Vassal, son héritière à droite qui a cru pouvoir lui succéder sans assumer son bilan.
“Un livre entier qui se tourne”
Et le premier de la bande est là au premier rang. Il était le double dans l’ombre, son “roc indestructible”, Claude Bertrand. Son inamovible directeur de cabinet à la Ville et à la région était aussi assistant parlementaire dans les deux assemblées. À Paris comme à Marseille, il ne l’a jamais vraiment quitté. “Son compagnon de route de tous les jours”, note encore Yves Moraine, avec pudeur, sans lequel “le chemin n’aurait pas été le même”.
Quand le maire, Benoît Payan vient clore les hommages, c’est d’abord à Claude Bertrand qu’il “présente [s]es condoléances”, lui qui, avant la famille et les proches, signe le faire-part de décès, paru dans la presse. L’un et l’autre étaient indissociables, dans les victoires comme dans les défaites. L’un dans la lumière et la vie publique, l’autre dans l’ombre, tirant toutes les ficelles. “Tout au long de votre parcours, dans les tourments de la vie, dans l’intimité des doutes, des joies, des peines, dans les défaites et les victoires, et jusqu’à votre dernier souffle un lundi de Pentecôte, vous avez pu compter l’un sur l’autre”, souligne encore son successeur qui, dans sa conquête du pouvoir, sait cultiver les mêmes inamovibles complicités.
Au moment où le cercueil finit par quitter la cathédrale après l’hommage militaire de la Légion étrangère, le cercueil porté par huit militaires descend les quelques marches du parvis, avant de disparaître sous les gerbes de fleurs du corbillard. Claude Bertrand est là, près d’un pilier et il regarde passer la dépouille de celui qu’il a accompagné jusqu’à la dernière minute de sa vie d’homme. Il porte à la main une bougie allumée, dont la flamme si fragile accompagne l’ancien maire jusqu’à sa dernière demeure. “Ce n’est pas une page qui se tourne, mais un livre entier”, formule Benoît Payan, en conclusion. Il faudra l’œuvre du temps pour savoir quelles pages, des plus belles aux plus sombres, en conservera la postérité.
Commentaires
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D’après la légende de la 2ème photo, le “1er rang des officiels arrivant à la Major”, Renaud Muselier a les cheveux lissés et porte une chemisette bleue ouverte sur la poitrine !
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Bonjour,
La légende de la photo est corrigée.
Nous vous remercions pour votre vigilance.
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Un hommage quasi national à celui qui a du sang sur les mains, celui qui a dynamité la ville, laissant un champs de ruines, celui qui méprisait tous ceux qui ne lui ressemblaient pas. Quelle hypocrisie. Le seul point positif est la présence très minoritaire des marseillais venus lui rendre hommage, cela démontre à quel point il était ‘ aimé “
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Et quel régal de lire que Moraine n’a pas cité ni vassal ni muselier, ça sent très très bon pour les prochaines municipales ( ironie)…
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Le “Père” vient d’être porté en terre. Le “Commandeur” a disparu. Cronos ne dévorera plus ses enfants . Il va être intéressant de voir s’agiter les héritiers auto-proclamés car non désignés par Jean Clôôôde.
Le spectacle risque d’être médiocre, mais rien de nouveau , on ne refait pas la nature profonde des êtres
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Un condamné à six mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende n’est il pas ce qu’il convient de nommer un délinquant ?
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comme il n’a pas été jugé pour l’ensemble de ses oeuvres, et de ses turpitudes, “délinquant” me parait léger !
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tout à fait d’accord, cependant respectons la présomption d’innocence (humour).
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“La politique était sa seule passion”.
Tout ça pour ça?!
Après les hommages convenus, il faudra juger le bilan…
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Le compte-rendu du Monde (complémentaire de celui de Marsactu) nous apprend que Moraine a dit que c’était un “homme de l’ancien monde” tout en affirmant qu’il avait laissé “une ville plus belle que celle qu’il avait trouvée en arrivant”.
La première affirmation, qui ne fait aucun doute, m’étonnait de la part de Moraine, la seconde montre un tel niveau de cécité (ou d’aveuglement) qu’elle me convainc que c’est bien Moraine qui a dû écrire cet éloge funèbre…
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alors ayant une heure à perdre, je l’ai regardé un peu en replay ce matin….et entendu donc le fa/fumeux moraine.
texte triste genre stand-up, plutôt anecdotique, il a bien fait, finalement c’était son copain…mais à les entendre les uns et les autres, garde rapprochée ou pas…je les trouve plutôt à la fois niais, menteurs et marrants !
certains thuriféraires, proches mais bien “contre”, ou d’autres adversaires carrément, ou le vieux marseillais mazarguais de base au micro…me laissent penser que gaudin finalement était entouré d’une équipe de bras cassés….. (pas un pour rattraper l’autre !)
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Espérons des éloges moins convenus pour les obsèques de son successeur.
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“Les morts sont tous de braves types” (Georges Brassens), même un maire qui a légué un héritage catastrophique, y compris financier, dans une ville devenue non seulement l’une des plus embouteillées d’Europe à force d’urbanisation faite dans le grand n’importe quoi, mais en outre surchargée du problème de milliers d’immeubles vétustes de plus en plus dangereux..
Avec des marchands de sommeil parmi les élus municipaux.
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Merci Marsactu,
Vous avez du courage !
Merci de ne pas nous avoir infligé la photo de me Macron !
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J’ai rencontré, parlé avec, travaillé sur 2 dossiers. Il a été facilitateur. Nous aidant à gagner 3 années pour l’un d’eux. Un Monsieur !
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