Les élections professionnelles à la Ville et à la métropole rejouent le tous contre FO

Actualité
le 30 Nov 2022
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Jusqu'au 8 décembre, les fonctionnaires de la métropole et de la Ville de Marseille vont choisir leurs élus au sein des instances représentatives. La place de Force ouvrière, premier syndicat, mais plus majoritaire, est vigoureusement contestée dans les deux collectivités.

Une manifestation du syndicat Force ouvrière en novembre 2022. (Photo : Violette Artaud)
Une manifestation du syndicat Force ouvrière en novembre 2022. (Photo : Violette Artaud)

Une manifestation du syndicat Force ouvrière en novembre 2022. (Photo : Violette Artaud)

Une campagne électorale à bas bruit. Presque invisible. Si ce n’est ces affiches de la Mutuelle Marseille Métropole auxquelles Patrick Rué, le secrétaire général du syndicat Force ouvrière (FO) à la Ville comme à la métropole, prête son visage et qui ont refleuri opportunément ces derniers jours sur certains murs de Marseille.

Ce jeudi et jusqu’au 8 décembre, les agents municipaux sont appelés à voter pour leur représentants, y compris par voie électronique. À la métropole, les agents ne voteront que le 8 décembre, avec le bulletin papier habituel. Ce scrutin a beau se dérouler dans un silence relatif, ses enjeux pour les personnels, mais aussi ses enjeux politiques n’en sont pas moins fondamentaux pour les deux collectivités.

Patrick Rué est le visage d’une campagne de publicité de la mutuelle dont il est le patron. (Photo Nicolas Georges)

Les situations au sein des deux machines ne sont pas similaires, mais unies par une spécificité locale : une même organisation syndicale – FO territoriaux Marseille métropole – y siège en tête, avec majorité relative depuis 2018. Même si, au sein des instances municipales, elle a conservé jusqu’ici une majorité en termes de sièges.

“C’est une vraie rareté, ça n’existe pas ailleurs. Mais nous avons tous face à nous ce même syndicat dinosaure”, pique Pascale Longhi, secrétaire générale de la CFE-CGC, alliée à la CFTCille de Marseille. Et c’est peu dire qu’ils sont nombreux à vouloir la peau tannée du tyrannosaure.

La cogestion, cet arapède

À la Ville comme à la métropole, plusieurs portes-paroles syndicaux voient dans ce rendez-vous électoral l’occasion de rompre “avec le système de la cogestion” accroché comme un arapède à son rocher depuis des décennies dans le paysage politico-syndical local. C’est le cas de Serge Tavano, secrétaire général de FSU-Territoriaux à Aix Marseille Provence métropole, sérieux challengeur de FO dans les rangs des 7500 agents métropolitains. “Il faut changer de paradigme. Bien sûr, la cogestion a évolué, mais il reste encore de vieux réflexes“, affirme-t-il. Le représentant syndical ne retient pas ses coups : “Quand vous basez votre politique sur une clientèle – tu as la bonne carte et tu auras quelque chose en retour – c’est évidemment un problème. L’affaire Nobili c’est l’image même du système du passé qui porte atteinte au service public et à tous les syndicats.”

Il n’est plus possible d’entendre “t’inquiète je t’arrange”, alors que la situation est gravissime au quotidien.

Véronique Dolot, CGT

Raison pour laquelle, la FSU se dit en position de force pour aborder l’élection : “On ne veut pas prendre du poids pour avoir des faveurs, mais pour améliorer les conditions de travail et le pouvoir d’achat des agents”. La CGT aussi nourrit, par la voix de Véronique Dolot, l’ambition d’améliorer sa place de 4e à la métropole, en grignotant des voix à FO. “L’enjeu majeur, c’est d’abord celui de sauver les services publics, de veiller au bien-être des agents, mais aussi de se positionner comme un véritable contre-pouvoir. Soit, on partage le projet politique de la droite aux manettes, soit on établit un rapport de force avec la direction. Il n’est plus possible d’entendre “t’inquiète, je t’arrange”, alors que la situation est gravissime au quotidien en termes de manques de moyens et de projets”, pose la responsable CGT.

Le transfert des compétences à la Ville inquiète

L’Unsa appelle, elle aussi, à un dialogue plus construit avec l’administration métropolitaine. “Il y a une ouverture. Le directeur général des services [Domnin Rauscher, NDLR] nous reçoit et là, on peut jouer notre rôle. Mais il faut encore mener un travail équitable envers tous les syndicats. Or, on fait encore face à une hégémonie qui dessert les syndicats, les agents et les politiques aussi”, plaide Christophe Pellissier, le secrétaire général de l’Unsa.

Véronique Dolot regrette une gouvernance métropolitaine trop opaque à ses yeux : “C’est le royaume des griots de l’Afrique de l’Ouest. Tout se deale dans les couloirs, tout se fait oralement et les accords, quand ils finissent par être écrits, sont surréalistes.” Elle en veut pour preuve le dossier des possibles transferts de compétences et des fonctionnaires territoriaux concernés de la métropole vers la Ville dans le cadre de la réforme métropolitaine portée par la loi 3DS : “Les agents sont considérés comme des meubles !”

Même irritation chez Serge Tavano pour la FSU :” Ce dossier, ce sera la grosse patate chaude syndicale du début de mandat. On est à un mois de la date fatidique et on ne sait rien. D’un côté, on a fait, à de nombreuses reprises, des demandes de dialogue à la métropole qui n’ont jamais été entendues. Et de l’autre, la mairie de Marseille est dans une posture qui n’est pas plus respectueuse du devenir des agents.” Lesquels, dit-il, nagent dans l’anxiété.

Le retraité, les lieutenants, l’égo et le loto

Dans les couloirs de l’hôtel de ville, l’ambiance n’est pas franchement plus allègre à l’aube du vote. Deux ans et demi après l’arrivée du Printemps marseillais au pouvoir, le désir d’un “rééquilibrage” du dialogue social se fait tout aussi prégnant qu’à la métropole. À la Ville, les syndicats arrivés derrière FO en 2018, dénoncent la part du lion conservée dans la relation à la nouvelle gouvernance. “Il y a des différences de traitement des organisations parce que FO ne veut pas siéger en plénière avec les autres”, s’agace Pascale Longhi de la CFE-CGC.

Elle égrène les ambitions que son alliance syndicale porte pour les 12 000 agents municipaux – défense du pouvoir d’achat, traitement équitable des personnels, modernisation des conditions de travail – puis cogne : “Il faut demander aux agents par qui ils veulent être représentés : un vieux syndicat avec un retraité à sa tête et des lieutenants touchés par des affaires pénales ou des gens qui ont fait leurs preuves et, eux, n’ont pas d’ego ?”

On espérait qu’après une campagne électorale qui dénonçait la cogestion les choses allaient changer.

Pascale Longhi, CFE-CGC

Pascale Longhi réagit aussi à la prolongation de Patrick Rué en tant qu’agent de la Ville alors qu’il aurait dû être mis à la retraite, signe patent à ses yeux de vieux restes d’arrangements politico-syndicaux. “C’est significatif du fait que le maire l’a souhaité. Pourtant, on espérait qu’après une campagne électorale qui dénonçait la cogestion les choses allaient changer”, insiste-t-elle. Sur la même ligne, ses homologues co-secrétaires de la CGT – Marie Ruggiu et Mikael Casanova, déplorent de le voir “faire la tournée les services” et apparaitre “à des instances où il ne devrait pas être”.

Les syndicats en lice face à FO s’exaspèrent aussi de la tenue vendredi et samedi d’un événement baptisé “grand loto des territoriaux”, ouvert à tous et organisé par FO dans une salle Vallier mise à disposition gracieusement pour l’occasion par l’adjoint aux sports, Sébastien Jibrayel. Les organisations syndicales voient là, matière à porter atteinte à la sincérité du scrutin. “On a peur qu’ils y fassent voter les agents qui y viendront”, souffle-t-on dans un QG syndical. Contacté par Marsactu, Sébastien Jibrayel, assure “ne pas avoir géré le dossier directement”.

La CGT veut y croire

L’événement peut sembler anecdotique mais traduit des relations en accordéon entre la majorité de gauche et les élus syndicaux. Ça coulisse plutôt bien avec l’administration, un peu moins avec l’échelon politique, observe un représentant du personnel. La CFE-CGC déplore “un balayage et une purge épouvantables dans les rangs des cadres municipaux” depuis l’arrivée de la nouvelle municipalité. La CGT, elle, dit “avoir perdu la confiance” dans la nouvelle majorité aux affaires avec le vote du texte encadrant le droit de grève des agents dans les écoles. “Et ce n’est pas Gaudin, mais une mairie de gauche qui a fait ça !”, s’étrangle Marie Ruggiu. Elle assure que la décision a fait du mal dans les rangs des fonctionnaires municipaux et y voit l’occasion pour la CGT de dépasser le cap des 25%. Pour enfin voir l’éternel rival défait.

Sollicité pour répondre aux attaques dont son syndicat est l’objet, Patrick Rué botte en touche. Il ne souhaite pas parler à Marsactu. Mécontent, explique-t-il, de la parution de notre enquête sur Alain Nobili à quelques jours du vote, dans laquelle il voit un manque de neutralité. Pour la défense de ses bilans à la métropole comme à la Ville, le boss de FO renvoie à sa communication interne et aux réseaux sociaux. On y constatera que le dinosaure bouge encore.

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Commentaires

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  1. toto toto

    Il ne s’agit pas d’un texte encadrant le droit de grève mais limitant le droit de grève.

    Le droit de grève était déjà encadré avant le vote de ce texte contrairement à ce que voudrait faire croire la majorité municipale aux habitants et aux journalistes crédules.

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  2. julijo julijo

    ” je voudrais mourir sur scène, devant les projecteurs ”
    rarissime et déconcertant un vieil ingénieur retraité à la tête d’un syndicat d’agents actifs !!!

    ça reste à vérifier, mais j’ai entendu dire qu’il y avait beaucoup d’abstentions pour ces élections. si c’est vrai, c’est dommage.
    a moins que, ne pas voter, c’est quelque part, voter fo. et ça évite aux agents d’avoir des problèmes de conscience et d’attendre : “t’inquiète, je t’arrange” à l’occasion !

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  3. Alceste. Alceste.

    Ce vote va être rigolo,nous allons avoir le thermomètre ” pour de vrai ” des zemployés municipaux. Pourris ou pas pourris dans le reconduction ou non de FO ,sachant que vu de l’extérieur les deux autres syndicats ne sont pas plus pires mais n’engendrent pas un enthousiasme délirant.
    En revanche, les zélus marseillais avec cette histoire de loto sont de véritables paillassons sur lesquels s’essuie les pieds de l’ingénierie Bonux.

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  4. PAGNOL PAGNOL

    Est-ce que cette publicité de la mutuelle des municipaux avec le visage de Rué n’est pas un abus de bien social tout comme la revue de cette même mutuelle arrivée opportunément dans la boîte aux lettres des mutualistes 2 jours avant le début des élections professionnelles

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    • Patafanari Patafanari

      Tout au plus une fâcheuse coïncidence ( ou un conflit d’interêt, je crois que c’est à peu près la même chose). En revanche, découvrir le bobine de Rué au fond de sa boîte aux lettres, c’est de l’atteinte au moral de la nation.

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