Les deux kilomètres de bus que la métropole va payer deux fois

Info Marsactu
le 3 Août 2020
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Depuis son inauguration en 2014, un tronçon manque au bus B3, qui devait relier le pôle universitaire de Saint-Jérôme et le technopôle Château-Gombert. Un temps abandonnée, cette partie de la ligne entre les Oliviers et le métro La Rose va finalement être réalisée dans le cadre d'un nouveau marché. Entre temps, l’entreprise qui a fait les travaux a obtenu une indemnisation pour l'annulation de la commande...

Le bus B3B à son terminus au technopôle de Château-Gombert. Crédits : Agathe Perrier
Le bus B3B à son terminus au technopôle de Château-Gombert. Crédits : Agathe Perrier

Le bus B3B à son terminus au technopôle de Château-Gombert. Crédits : Agathe Perrier

Il devait apporter “un nouveau souffle pour le nord-est marseillais”. Nous sommes en novembre 2014 et le lancement du bus à haut niveau de service (BHNS) B3 ressemble à une petite révolution dans le monde des transports en commun marseillais. Ces « Très grands bus » tant vantés par la communauté urbaine de Marseille – devenue la métropole – ont même le droit à une inauguration. Guy Teissier et Robert Assante, respectivement président et vice-président aux transports de la collectivité, s’empressent de monter dans le B3. Cette nouvelle ligne suit un trajet en U pour relier le pôle universitaire de Saint-Jérôme et le technopôle Château-Gombert. Une aubaine aussi pour ces quartiers du 13e arrondissement en mal de transport.

Les tracés du B3A, B3B et du futur B3. Crédits : MPM.

Sauf que pour cette grande première, il manque 25 % du tronçon. Très précisément 1,8 kilomètre censé relier les deux branches du U. Ce n’est donc pas un, mais deux bus, le B3A et B3B, qui effectuent les trajets Saint Jérôme-Malpassé et La Rose-Technopole Château-Gombert sans connexion entre les deux.

Une situation “provisoire” qui six ans après est encore le quotidien des étudiants, salariés et habitants des quartiers traversés. Car la métropole a annulé ce dernier tronçon en juillet 2017. Ce qui lui vaut de payer aujourd’hui une indemnisation de 415 000 euros à Razel-Bec et Gagneraud construction, les entreprises en charge des aménagements. Un versement validé par le bureau de la métropole ce vendredi 31 juillet. Un surcoût qui aurait pu être évité puisque le projet va finalement être bouclé, des années après.

Le B3 attend le B4

Schéma des aménagements du B3 et B4 à la station de métro Frais Vallon. Extrait du marché de maîtrise d’œuvre pour la ligne BHNS B4.

Dans un nouveau marché public de la métropole pour la ligne du B4 entre le pôle Capitaine Gèze et la Fourragère il est ainsi prévu de réaliser “les aménagements de surface de la ligne BHNS B3 entre Frais Vallon et le rond-point du métro La Rose (pôle d’échanges de Frais Vallon, avenue Jean-Paul Sartre, rue des Glycines, avenue François Mignet, pôle d’échanges La Rose)”. Soit la portion manquante.

Sollicités, les vice-présidents délégués aux transports successifs Robert Assante (2014-fin 2015) et Jean-Pierre Serrus (2016-2018) n’ont pas répondu à nos questions sur ces revirements qui conduiront à payer deux fois le chantier : une indemnité, qui représente 5 % du coût des travaux restants, puis ces travaux en eux-mêmes. Idem pour la métropole. Interrogée il y a quelques mois sur ce décalage du chantier, elle le justifiait par l’opportunité créée par le B4 : “Les aménagements du BHNS B3 sont difficiles à réaliser à cause de la configuration de la route et de la circulation. Comme la desserte était satisfaisante, il n’y avait pas d’urgence à les réaliser. L’arrivée du B4 va permettre de fluidifier la circulation et donc de réaliser ce tronçon.” Cette nouvelle ligne doit être opérationnelle en 2022.

Une option commandée puis décommandée

En se plongeant dans le détail des marchés publics publiés, on constate que dès le départ cette dernière partie était une “tranche conditionnelle”. Ce terme désigne les travaux prévus au contrat mais seulement comme une option, à confirmer ou non. Son montant initial, de 9,9 millions d’euros, était plus de deux fois supérieur à la tranche ferme, ce qui ne manque pas d’étonner les habitués de ce type de marchés. En l’occurrence, la métropole a confirmé cette tranche conditionnelle en 2014, quelques mois avant l’inauguration des premiers tronçons provisoires. Toutefois, aucune date de démarrage ni aucune modalité de réalisation ne sont alors données. C’est finalement trois ans plus tard que la décision d’annuler les travaux est prise.

Un revirement qui rend caduque la clause de son marché stipulant que “au cas où la tranche conditionnelle ne serait pas affermie, aucune indemnité d’attente ou de dédit ne sera versée au titulaire“. Raison pour laquelle la métropole doit bien qualifier de “fondée” la demande des entreprises, comme on peut le lire dans le compte-rendu de la procédure du comité consultatif de règlement amiable (CCRA), l’instance chargée d’aider à départager les litiges. C’est sur cette base que Razel-Bec et Gagneraud construction obtiennent 415 000 euros, sur une indemnisation totale de 1,6 million d’euros validée par le bureau de la métropole ce 31 juillet. Le reste des réclamations concernent des frais supplémentaires survenus pendant les autres phases du chantier, ce qui est une procédure classique dans ce genre de marché.

Ironie de l’histoire, dans le nouveau marché, la partie qui concerne les infrastructures du BHNS B3 est encore une “tranche optionnelle”. La métropole la confirmera-t-elle et cette fois-ci pour de bon ? Le nord-est marseillais n’a plus qu’à retenir son souffle.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Je me suis posé la question ce matin en lisant ce savoureux article de Baldy. Sommes nous le 1° Avril. ? . Après verification, nous sommes bien le 3 Aout . Et pourtant danss ce jeu de MONOPOLY qu’est devenu Marseille avec des joueurs comme TEYSSIER, VASSAL, CARADEC et sans parler des adjoints de l’ancienne municipalité passionnés de taudis à la location , nous avons la mise en lumière de que la mandature de Vassal et de Gaudin dans leurs institutions respectives, ont été un véritable bonheur pour les entrepeuneurs locaux . En cas de non réalisation de marché du fait de la métropole ou de la ville ,nous payons des indemnités. Dans le cas inverse , pas de pénalités de retard. C’est du Bingo à chaque fois.
    Alors j’ai un regret c’est quze dans ce MONOPOLY marseillais il manque une seule case.
    La case prison.

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Je cherche parmi les cas que je connais : existe-t-il en France une seule autre métropole où l’on réfléchit depuis 1985 à prolonger de 4 ou 5 stations une ligne de métro sans jamais être passé à l’acte (St-Loup) ? Où il faut 5 ans pour prolonger de 900 m une ligne de métro… sur des rails préexistants (Gèze) ? Où l’on est capable de créer une ligne de “BHNS” qui, sur l’essentiel de son parcours, est une simple ligne de bus articulés, sans “HNS” faute de priorité aux feux et de réaménagement des stations (B1 : https://marsactu.fr/entre-castellane-et-luminy-la-metropole-lance-son-bus-b1-en-oubliant-la-moitie-des-travaux/) ? Où l’on programme une autre ligne de BHNS dont on ne réalise que les deux extrémités et dont le tronçon central, promis pour 2015, sera payé deux fois (B3) ? Où l’on réalise des lignes de tramway qui desservent principalement les quartiers déjà desservis par le métro ? Où l’architecture du réseau de bus n’a pour l’essentiel pas changé en 40 ans alors que la répartition de la population et des emplois comme les rythmes de vie ont évolué ?

    Je ne vois pas.

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    • petitvelo petitvelo

      Ca serait pour ça que l’Etat n’apporte pas les milliards promis à la métropole pour le transport ? Une appréhension de puit sans fond ?

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  3. Thémismassilia Thémismassilia

    Et ici, il s’agit de la partie visible de l’iceberg de l’incurie de la métropole . L’argent public a été dilapidé par des incompétents. Si les élus devaient rembourser sur leurs fonds propres ou être pénalement responsables, il y aurait moins d’aberrations dans les décisions. Ce sont nous qui les payons et payons pour leurs bourdes. Le choix des fonctionnaires est tout aussi important. Il est nécessaire qu’ils ne soient pas des courtisans mais des experts.

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  4. BRASILIA8 BRASILIA8

    un Bus à Haut Niveau de Service BHNS est tout simplement un bus qui arrive à l’heure

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    • Alceste. Alceste.

      Ah! ah! Oui mais à Marseille, merveille des merveilles!
      Chanson Ah ça c’est Marseille /Fernandel

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  5. MarsKaa MarsKaa

    En effet cet article est totalement révélateur du fonctionnement de l’ancienne équipe et du désastre marseillais. Et oui, la case tribunal et prison manque encore.
    Ancienne équipe à la mairie de Marseille, mais toujours en capacité de nuisance à la métropole 🙁

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      le problème est que la procédure est légale donc pas de tribunal sauf à démontrer que cette façon de procéder a profité à quelqu’un

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  6. Alceste. Alceste.

    Bien sûr que la procédure est légale , mais de ce fait on légalise en même temps le gaspillage et la nullité. Et de sanction il n’y en à point puisqu’à la métropole on n’est pas élu et mais coopté , De fait l’électeur n’a pas droit au chapitre De l’autre côté les rapports de la CRC sont archivés directement sans suite par les intéressés.
    Alors nous comprenons bien maintenant la stratégie de ce type d’institutions qui souhaitent plus de décentralisations. Je peux faire n’importe quoi sans aucun risque.
    Elle est pas belle la vie, surtout au tarif payé

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  7. BRASILIA8 BRASILIA8

    les élus de la Métropole ne sont pas cooptés ils se présentent en même temps aux municipales et à la Métropole
    les élus ne sont jamais responsables sauf corruption, enrichissement personnel devant les tribunaux concernant leur façon de gérer nos impôts la grande excuse étant si vous n’êtes pas satisfaits ne cotez plus pour eux !!!!d’où le clientélisme effréné par ailleurs où trouver des informations comme celle concernant le BHNS certainement pas dans la Provence qui vit de la publicité et de aides de la Région et du Département sur FR3 France Bleue les rédacteurs sont nommés par les politiques et préfèrent gérer leur carrière
    au sein de la Métropole les élus des petites communes monnaient leurs voix ou leur silence contre des travaux donc tous et toutes ont intérêt à ce que ce système perdure c’est regrettable mais sans informations il y a peu de chance que les choses changent

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    • Alceste. Alceste.

      Cooptés , voulait dire vu la typologie des élus hors Marseille, qu’ils s’arrangent entre eux. La meilleure preuve c’est notre ami Gaby , un rouge pur et dur qui fait des mimis à Martine.

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  8. LOU GABIAN LOU GABIAN

    Bonjour
    je voudrais faire juste remarquer que c ‘est pas la métropole qui va payer : c ‘est le contribuable

    Pourrais t on pas demander aux élus qui ont suivit le projet de payer sur leur deniers personnels

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    • Alceste. Alceste.

      Vous avez raison,d’ailleurs cette phraseologie politique est insupportable. Mon territoire, ma ville, nous vous offrons ma famille politique, mes amis sont des expressions qui me gonflent au plus au point

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  9. SudOfMe SudOfMe

    Ah les marchés publics à Marseille … Lorsque c’est la collectivité qui ne respecte pas le contrat, elle paye l’entreprise. Lorsque c’est l’entreprise, notamment le BTP, il n’y a jamais de demande de pénalité. Ainsi, le contribuable paye par exemple pour un trottoir (si si il y a quelques endroit à Marseille avec des trottoirs !) de la pierre de 12 cm d’épaisseur comme indiqué au contrat. L’entreprise pose de le pierre de 5 cm d’épaisseur, rapidement défoncé par les camionnettes stationnant sur le trottoir , et …? Et il ne se passe rien.
    Si un jour, la métropole se mettait à faire respecter les contrats, il faudrait prévenir longtemps à l’avance pour éviter que 100% des contrats soient obsolètes !

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  10. SudOfMe SudOfMe

    Ah les marchés publics à Marseille … Lorsque c’est la collectivité qui ne respecte pas le contrat, elle paye l’entreprise. Lorsque c’est l’entreprise, notamment le BTP, il n’y a jamais de demande de pénalité. Ainsi, le contribuable paye par exemple pour un trottoir (si si il y a quelques endroits à Marseille avec des trottoirs !) de la pierre de 12 cm d’épaisseur comme indiqué au contrat. L’entreprise pose de le pierre de 5 cm d’épaisseur, rapidement défoncé par les camionnettes stationnant sur le trottoir , et …? Et il ne se passe rien.
    Si un jour, la métropole se mettait à faire respecter les contrats, il faudrait prévenir longtemps à l’avance pour éviter que 100% des contrats soient obsolètes !

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  11. Richard Mouren Richard Mouren

    La phrase ” Les aménagements du BHNS B3 …..Comme la desserte était satisfaisante, il n’y avait pas d’urgence à les réaliser (les travaux)” est très révélatrice de la politique de prise de décision: on ne lance les travaux qu’en cas d’urgence, ce qui évidemment empêche tous travaux qui anticipent la demande et surtout tous travaux qui pourraient diriger la demande vers des solutions plus civiques.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Bien vu. Et c’est toute la politique locale de mobilité qui est à cette sauce.

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