Le suffrage universel, espoir des derniers défenseurs de la métropole
Alors que le Premier ministre arrive à Marseille ce lundi fort d'une réforme de la métropole adoptée par l'Assemblée nationale, la question de la démocratie métropolitaine reste entière. De droite à gauche, des voix appellent à un vote au suffrage direct, détaché des municipales.
Martine Vassal salue l'hémicycle métropolitain après sa réélection en juillet 2020. (Photo Emilio Guzman)
Jean Castex et la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault arrivent à Marseille ce lundi avec un premier bout de bilan. L’Assemblée nationale a validé l’amendement gouvernemental qui doit réformer le fonctionnement de l’intercommunalité – s’il va au bout de son chemin parlementaire. Ce texte n’a pas fait que des heureux, des maires les plus critiques de la métropole dont l’Aixoise Sophie Joissains (UDI) jusqu’à son homologue marseillais Benoît Payan (PS) qui voulait récupérer davantage de compétences. Mais il a aussi laissé un angle mort au cœur de la métropole depuis sa création : la démocratie. “Rien de concret sur le mode de scrutin. On nous promettait pourtant des réformes institutionnelles de très grande ampleur. Pour la métropole d’Aix-Marseille, c’était élection au suffrage universel direct et fusion département-métropole”, a tancé en ouverture des débats le parlementaire LR Julien Ravier.
Ce n’était pas l’heure, expliquent plusieurs acteurs du dossier. “On ne va pas modifier la règle de désignation d’une métropole, quelle qu’elle soit, au milieu d’un mandat municipal, qui plus est dans un amendement de fin de législature, explique Bruno Questel le co-rapporteur de la loi dite “3DS” de décentralisation dans laquelle s’inscrivait cet amendement. C’est un beau sujet pour 2026 [et les prochaines élections municipales et métropolitaines, ndlr], qui est devant pour les élus locaux. Ils doivent en profiter pour mettre à plat le fonctionnement de la métropole.”
Une échéance fixée à 2023 par le gouvernement
Dans ce sens, l’amendement voté a finalement jalonné le chemin vers une réforme du mode de scrutin métropolitain, sous l’impulsion de plusieurs députés : “Le gouvernement remet au Parlement avant le 31 décembre 2023 […] des propositions permettant d’améliorer le fonctionnement de la métropole, notamment en ce qui concerne son organisation, sa gouvernance, son périmètre et son mode électif.”
Dans tous les camps, les derniers partisans de la métropole en sont bien conscients. Pour sortir d’une métropole devenue somme des intérêts particuliers, l’horizon se nomme suffrage universel avec une décorrélation plus forte du scrutin municipal. La situation de blocage rencontrée depuis le dernier scrutin n’est pas étrangère à cette volonté de changement. L’actuelle représentation métropolitaine donne à la majorité municipale de la ville-centre moins d’un quart des sièges dans l’hémicycle du Pharo, a rappelé Jacqueline Gourault. Une situation due à la spécificité du scrutin municipal en secteurs qui prive de prime majoritaire l’électeur marseillais : sur 17 sièges aixois la majorité de Sophie Joissains en compte 13 ; sur 102 sièges pour Marseille, l’équipe de Benoît Payan en compte 54.
La structure même de l’élection des conseillers métropolitains pose question, ni équitable, ni démocratique.
François-Michel Lambert, député écologiste
Alors que les oppositions à la métropole sont légion, l’ambition d’un suffrage universel direct est réelle, mais discrète. “C’est un sujet chaud politiquement. C’est ce qu’il faut faire, mais si j’en parle, ça va mettre le feu”, commente-t-on au sein de l’exécutif métropolitain. “La structure même de l’élection des conseillers métropolitains pose question, ni équitable, ni démocratique. J’ai toujours été pour le scrutin direct”, a de son côté rappelé le député gardannais du groupe Libertés et territoires François-Michel Lambert dans l’hémicycle.
L’hypothèse n’est pas neuve et aurait pu voir le jour dès sa création, rappelle l’ancienne ministre PS à l’initiative de la nouvelle intercommunalité, Marylise Lebranchu : “On a été battus à l’époque par l’association des maires de France (AMF) sur le suffrage universel direct. André Laignel [alors président de l’AMF, ndlr] disait que les maires sont les relais de la République et qu’on ne pouvait pas faire cela. François Hollande a tranché et il n’y a pas eu de suffrage universel”.
Lebranchu : “Il faut un projet avec un leader”
Aujourd’hui retirée de la politique, elle regarde depuis la côte Nord de la Bretagne le débat actuel et n’a pas changé de position. “Le maire de Marseille et la présidente de la métropole n’ont pas les mêmes visions, ce qui leur manque, c’est un grand débat public, estime l’ex-ministre. Le suffrage universel, c’est la seule solution, on ne peut pas imposer à des citoyens de voter à des municipales pour des questions qui dépassent les questions communales. Il faut qu’il y ait un projet intercommunal avec un leader à sa tête. C’est un projet politique de société qui doit être porté.”
Il faut définir un mode de scrutin qui permettent aux forces politiques de s’exprimer sur un projet commun et aux électeurs de se prononcer dessus, donc le suffrage universel.
Yves Moraine (LR)
Face aux divers blocages actuels, la perspective du suffrage universel connaît des adeptes dans tous les camps. Parmi ceux-là, Yves Moraine (LR). Proche de Jean-Claude Gaudin qui avait pesé pour laisser une large place aux maires dans la gouvernance, le vice-président du département et élu métropolitain s’est rapproché de Martine Vassal ces dernières semaines. Et depuis 2016, sa position a évolué. “À l’époque, si on avait voulu cela, on n’aurait pas eu de métropole du tout !”, lance-t-il. Mais aujourd’hui, l’élu rêve d’une élection directe : “Je ne suis pas sûr que ce soit partagé par tout le monde dans ma famille politique, sourit-il, mais pour moi, il faut deux choses pour remettre la métropole sur de bons rails : lui donner uniquement des compétences stratégiques, ce qui est en train d’être fait et définir un mode de scrutin qui permettent aux forces politiques de s’exprimer sur un projet commun et aux électeurs de se prononcer dessus, donc le suffrage universel.”
Le Printemps marseillais toujours favorable à la fusion métropole-département
À l’autre bout de l’échiquier politique, la maire des 1er et 7e arrondissements Sophie Camard (Printemps marseillais) ne dit pas autre chose. “Si on veut améliorer la démocratie, il faut le suffrage universel, mais aussi la clarté pour les citoyens pour qu’on sache qui a quelles compétences”, explique-t-elle. Elle ajoute que son camp “reste, sur le fond, favorable à la fusion”, entre la métropole et le département. “Dans ces cas, intégrer la métropole au département permettrait d’avancer sans préjuger du choix du pays d’Arles”, explique-t-elle à propos du seul territoire départemental qui ne fait pas partie de l’établissement intercommunal.
On peut aussi citer les élus écologistes de tout le pays qui signent dans le JDD une tribune “Pour plus de démocratie dans les intercommunalités, faisons le choix du suffrage universel direct”. Parmi les signataires, on retrouve l’adjoint au maire de Marseille et ancien candidat EELV à la mairie Sébastien Barles. “Les politiques intercommunales restent inféodées aux intérêts municipaux, alors même que communes et intercommunalités devraient voir chacune leur légitimité reconnue”, assurent-ils. Dans leur viseur, un modèle : la métropole lyonnaise qui a fait l’objet en 2020 d’une vraie campagne parallèle à celle des municipales.
Commentaires
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Deux élcctions en parallèle , métropole et departement , pour gérer la même chose.Il faut donc supprimer l’un des deux et passer au suffrage universel . Mais , car il y a toujours un mais. Qu’allons nous faire des zélus qui vont disparaitrent dans l’un des cas ? . Ne sachant rien faire d’autre que du grenouillage politicicien et vivre sur la bête il va falloir qu’ils s’occupent autrement. Et là nous avons un frein majeur à la démocratie.
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Les exiler au pays d’Arles planter du riz.
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Pour ceux d’entre eux qui ont passé l’âge de la retraite (ça doit faire une parti conséquente), il est très possible de les utiliser noblement, à réguler les passages cloutés devant les écoles primaires. Puisque Marseille propose de petits contrats de ce type. Voilà une fin de carrière qui leur permettrait de se rendre utiles à nouveau, si jamais ils ne l’étaient plus tout à fait…
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La fusion département/métropole couplée avec une élection au suffrage universel semble en effet être la meilleure solution pour en finir avec le millefeuille institutionnel. Une élection à la proportionnelle à un seul tour de scrutin sans prime à la liste arrivant en tête permettrait également d’aboutir à une métropole de projets obligeant les différents groupes politiques à dialoguer sans cesse entre eux et éviter les positions dogmatiques de chaque camp.
Stéphane MARI
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J’ajouterais scrutin sur une seule circonscription de la taille de la métropole pour renvoyer la question des équilibres géographiques à chaque parti préalablement à l’élection.
En revanche, si l’on renonce à une prime majoritaire pour constituer des majorités stables, il faut avoir un seuil électoral permettant d’avoir un siège assez élevé afin d’inciter aux coalitions préalables et d’éviter l’émiettement des listes.
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Tant qu’à parler démocratie, à quand la suppression de la loi PLM qui peut permettre à un groupe minoritaire de diriger la ville ? Ils en parlaient tous après les élections, mais ils ont dû faire leurs comptes et espérer en tirer encore avantage la prochaine fois.
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Un nouveau rapport en 2023, qui relancera le débat sur la fusion en vue des élections 2026… c’est bien, mais c’est encore 6 ans de perdus, par manque de courage de l’Etat en 2019. Tout était posé sur la table dans le rapport du Préfet Dartout, avant qu’il ne parte couler de jours heureux en pré-retraite dans la principauté de Monaco.
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Sophie Camard affirme : ““Si on veut améliorer la démocratie, il faut le suffrage universel” mais il lui faudra encore apprendre que si le suffrage universel est un condition nécessaire de la démocratie mais qu’elle est loin d’être suffisante.
Les détenteurs du pouvoir économique exercent un contrôle rigoureux sur la presse et sur l’ensemble des médias et le dossier de la reprise du journal La Provence l’illustre parfaitement. Cela a forcément des conséquences importantes sur le résultat des votes ne serait-ce que par le choix des photos et des titres de première page.
Les détenteurs des pouvoirs en place bénéficient d’une surexposition médiatique généralisée (double dans le cas de Mme Vassal du fait de ses deux présidences avec en plus les magazines publiés par les collectivités elles-mêmes …).
Les détenteurs du pouvoir économique contribuent également beaucoup plus aux financements des campagnes électorales de leurs représentants qui détiennent le pouvoir politique pour défendre leurs intérêts conjoints.
De plus, ces représentants de ces pouvoirs politiques en place n’hésitent pas à utiliser très abondamment les personnels des collectivités recrutés sur une base clientélaire pour les distributions de tracts ou collages d’affiche, faute d’une base militante, comme on a pu le voir pour les dernières élections au Conseil général.
Enfin, l’abstention de plus en plus massive d’une partie importante de la population qui ne trouve pas de débouché politiques à ses attentes fait que ce suffrage n’a d’universel que le nom et de cela l’ensemble la classe politique est responsable.
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C’est “amusant” que le premier à l’ouvrir sur le suffrage universel (dans le déroulé de l’article) soit ce même Julien Ravier dont vous parlez dans un autre article, en passe d’être condamné à de l’inéligibilité pour avoir tenté de truquer les élections municipales dans son secteur…
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“On ne va pas modifier la règle de désignation d’une métropole, quelle qu’elle soit, au milieu d’un mandat municipal…” Cet argument me laisse perplexe. En gros, ce n’est jamais le moment de modifier un mode de scrutin, si je comprends bien. Au milieu d’un mandat, ça ne va pas. A la fin d’un mandat, ça ne va pas non plus. Et donc, quel est le bon créneau ?
La question vaut aussi pour le scrutin municipal à Marseille, saucissonné en 8 tranches de tailles inégales, qui permet aux petits malins de ne gérer qu’une partie de la ville en abandonnant le reste, juste pour optimiser leurs chances d’être réélus. La question de sa réforme est posée depuis 2017 (au moins).
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