Le Scot de Marseille pour les nuls en trois leçons

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le 30 Avr 2012
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Le Scot de Marseille pour les nuls en trois leçons
Le Scot de Marseille pour les nuls en trois leçons

Le Scot de Marseille pour les nuls en trois leçons

Maintenant que grâce à Marsactu ce qu'est un schéma de cohérence territoriale (Scot) n'a plus de secrets pour vous (si ce n'est pas le cas un coup d'oeil à notre article est vivement conseillé), on peut rentrer dans le dur : le contenu de ce document dont dépendra largement "l'avenir du cadre et des conditions de vie des habitants de notre territoire", dixit Eugène Caselli, président socialiste de Marseille Provence Métropole, en clôture d'une réunion publique en novembre dernier. Jusqu'au 21 mai, c'est la dernière étape, celle de l'enquête publique, qui permet à tout un chacun d'avoir accès à l'intégralité des dossiers et des avis des institutions concernées.

On l'avait souligné en novembre, le Scot ne garantit pas qu'à l'avenir la volonté politique et la mise en oeuvre concrète – mais aussi les crédits nécessaires – suivent automatiquement. Mais les 137 pages du DOG (on vous avait dit de jeter un oeil à notre décryptage…) ont au moins le mérite de tracer un cadre – plus ou moins – précis accompagné d'orientations dans de nombreux domaines. Revue de détail à lire pendant les ponts de mai…

1 Projections dans l'espace

Le dernier mot de l'acronyme n'est pas le moins important : territoire. En l'occurence, les 60 000 hectares des 18 communes que regroupe MPM, avec ses 125 km de littoral, ses cours d'eau, ses massifs… Un espace qui doit aussi compter des zones urbanisées : 34% pour MPM, devant ses voisins du pays d'Aix (15%), de Toulon (17%) ou de Nice (29%). Avec un chiffre clé qui conditionne fortement le Scot : en 20 ans, 3600 hectares ont grignotés par ces dernières sur les espaces naturels et agricoles. Or, le Scot projette, comme un gimmick, un "3×80" : accueillir 80 000 habitants, emplois et logements nouveaux. Pour préserver ce qui est régulièrement qualifié dans les documents de "patrimoine d'exception", l'idée est donc de s'inscrire en "rupture" avec la faible densité et le caractère parfois erratique de cette artificialisation.

Bref, ça tombe bien, d'introduire une "cohérence". Pour cela, le Scot définit sept zones prioritaires appelées "centralités de premier niveau" : l'hypercentre de Marseille, Euroméditerranée, l'arc Prado-Michelet-Capelette, Saint-Antoine, le pôle Valentine-Barasse, Marignane et La Ciotat. Des zones qui "rayonnent bien au-delà de MPM pour certaines de leurs fonctions, notamment économiques et culturelles" et "ont une capacité significative d’accueil de logements, d’emplois, d’équipements et sont au nœud des infrastructures de communication".

A une échelle géographique plus large, le Scot délimite cinq "territoires de projets", des "espaces de renouvellement urbain" qui "présentent un potentiel de développement important". Des lieux, dit encore le document, "où l’investissement public doit être mené de manière coordonnée". "Sur Euroméditerranée, on avait les moyens d'ingénierie et financier pour mener [la densification], mais on aurait besoin de trois ou quatre Euroméditerranée", justifiait en novembre le directeur du pôle Aménagement urbain et cadre de vie de MPM Jean-Marc Bonino.

Chacune de ces zones fait l'objet d'une des nombreuses cartes du DOG (les autres, touchant à l'économie, la culture, le tourisme, les transports etc. sont rassemblées par Marsactu en fin de page 3 de cet article) :

cartes_tdp_centralites

2 Les ennuis commencent

Voilà pour la théorie. Dont les institutions qui ont examiné à la loupe le Scot ont parfois eu l'impression qu'on en était un peu éloignés dans la pratique. Premier casus belli, relevé par l'autorité environnementale (AE), qui dépend du ministère du développement durable : on l'a dit, MPM "met en avant l'absence de consommation d'espaces prévue, note l'AE. En réalité l'urbanisation de zones actuellement non bâties est avalisée par le Scot et représente environ 350 hectares". 0,6% du territoire mais quand même… Explication de Patrick Magro, vice-président (PCF) de MPM chargé du dossier : il s'agit de zones déjà classées "à urbaniser". Ca peut ressembler "visuellement une zone herbeuse de pâturage" comme le secteur "où va naître la zone d'activité des Florides. Mais la décision a été prise il y a une vingtaine d'années." Pour lui c'est en tout cas clair : ces surfaces "sont déjà dans la tâche urbaine". L'AE voit les choses un peu différemment en affirmant que cette dernière "n'a pas vocation à inclure des zones naturelles non enclavées dans l'urbanisation existante", et s'étonne qu'a minima le Scot ne dise rien de leur localisation ou leur devenir.

Autre point, relevé par le conseil régional dans un "avis réservé" sur l'ensemble du Scot. Beaucoup s'étaient félicités que MPM affiche noir sur blanc que les zones agricoles (seulement 3% du territoire) seraient "sanctuarisées". Effectivement, le DOG impose de "maintenir au minimum la surface agricole, commune par commune, telle qu’inscrite dans les PLU à la date d’approbation du SCOT". Mais la prescription est suivie d'une possibilité d'"autoriser exceptionnellement et si elle est justifiée, la transformation de zones agricoles (au sens réglementaire) sous réserve de compensation par l’inscription de nouveaux espaces agricoles de surface et de qualité au moins équivalente".

Une compensation qui "semble peu probable" pour le conseil régional vue la rareté des terres restantes. Patrick Magro avoue son étonnement vis-à-vis de cette disposition et s'interroge même sur son maintien. "Un seul exemple" de toute façon déjà bouclé lui "vient à l'esprit" : le déclassement d'une douzaine d'hectares à Gémenos pour mener à bien un projet urbain. "On avait par ailleurs des terres arables de qualité mais classées "à urbaniser". Cette zone est devenue agricole, on a mis en adéquation le réel et le zonage". Sauf que comme pour notre zone "visuellement herbeuse" aux Florides, le béton a justement gagné du terrain dans le réel.

Extension de l'aéroport et route à travers la Nerthe

 Ce qui n'est pas le cas d'une autre exception prévue par MPM : dans son analyse, "elle assure que le Scot "interdit toute urbanisation des coeurs de nature" en "interdisant la destruction, la dégradation ou la fragmentation de leurs milieux", note l'AE. Pourtant, "il autorise dans ces derniers voiries et équipements divers qui, cumulés, sont de nature à obérer le caractère naturel de ces zones". Ce à quoi Patrick Magro répond sommairement : "d'accord pour mettre la protection en premier mais on ne peut pas bloquer toute possibilité de développement".Autre exception prévue par MPM : dans son analyse, "elle assure que le Scot "interdit toute urbanisation des coeurs de nature" en "interdisant la destruction, la dégradation ou la fragmentation de leurs milieux", note l'AE. Pourtant, "il autorise dans ces derniers voiries et équipements divers qui, cumulés, sont de nature à obérer le caractère naturel de ces zones". Ce à quoi Patrick Magro répond sommairement : "d'accord pour mettre la protection en premier mais on ne peut pas bloquer toute possibilité de développement". L'AE tique explicitement sur quatre projets : la création d'une voie à travers le massif de la Nerthe (pardon : "l'amélioration de l'accessibilité") entre la plage de Corbières et l'A55 à hauteur des Pennes-Mirabeau, l'extension de l'aéroport, une liaison entre l'A55 et l'A7 au niveau de Grand Littoral, et une autre nouvelle route à l'ouest de Saint-Victoret.

Dans l'analyse des incidences commandée par MPM, les deux cabinets de conseil en environnement Mida et Ecovia formulent d'ailleurs de sérieuses réserves. Sur la Nerthe tout d'abord. "Bien qu’occupé par un passage de pipe line et la présence d’une carrière, ce massif a su garder notamment dans sa partie nord une grande naturalité de fonctionnement. Ainsi, il a été identifié (…) comme une continuité majeure inscrite dans le DOG". A priori par le lieu idéal pour faire passer "un projet routier d’envergure" qui "pourrait avoir des conséquences importantes sur le rôle écologique de cette zone à l’échelle métropolitaine". Avec ce conseil : "dimensionner" la route en fonction de "la capacité d’accueil de l’espace littoral de la zone de l’Estaque". Traduction : attention à la saturation créée par l'appel d'air. A ce stade, les cabinets se contentent d'attirer l'attention : le Scot renvoie à plus tard, c'est-à-dire aux plans locaux d'urbanisme, la responsabilité des études d'impact et la recherche de la meilleure solution. Pour l'AE, au contraire, "le Scot est la bonne échelle pour traiter des effets cumulés des projets sur les continuités écologiques".

Lorsqu'on lui pose la question de l'aéroport, Patrick Magro renvoie l'interrogration : "est-ce qu'on peut se permettre d'en bloquer toute extension ?" Visiblement, MPM répond non. Certains auraient pourtant peut-être une autre voie au débat, ou comme les cabinets Mida et Ecovia estimeraient qu'il convient avant "d’envisager avant toute extension artificielle de la zone, de réaffecter les espaces disponibles dans le périmètre actuel de l’aéroport." Car, écrivent-ils "l’artificialisation d’espaces naturels en bordure de l’étang de Bolmon, milieu rare et fragile, concerné par un site Natura 2000, est également une incidence non négligeable potentielle de ce projet. Cette extension aéroportuaire ne touchera pas directement ce site. Toutefois des zones humides, espaces de transition entre l’étang et le milieu terrestre, positionnées à l’Est de la lagune, risquent d’être impactées".

3 Quels logements et quels transports ?

Mis à part ces points chauds, le Scot semble plutôt aller dans le sens contraire du "bétonnage" et du "coup par coup" souvent dénoncés à Marseille. La communauté urbaine dispose désormais de sept centralités et cinq territoires de projets où doit se concentrer prioritairement la construction, accompagnée de transports en commun et d'équipements publics.

Mais là encore, les critiques fusent. "L'objectif de 80 000 logements supplémentaire nous semble insuffisant (…) ne serait-ce dans un premier temps que pour permettre le desserrement (la tendance à la baisse du nombre d'occupants par logement, ndlr) des ménages actuels", tacle le conseil régional. Au delà du débat sur les chiffres globaux, il préconise – toute comme l'AE – des "valeurs cibles logements/hectares" qui guideraient la densité plus ou moins grande souhaitée, donnant l'exemple de Lorient : 40/ha dans les secteurs les mieux desservis, 25 puis 20 là où les transports se font plus rares. "J'y suis tout à fait favorable", réagit Patrick Magro, qui concède que ce n'est pas l'avis partagé à MPM, d'où l'absence de cette mesure.

Quant à savoir quel type de logements, l'AE estime qu'en matière d'énergie notamment, le DOG "pourrait exprimer davantage d'exigences relatives aux constructions existantes et aux opérations d'ensemble (développement des réseaux de chaleur par exemple)". Le conseil régional, qui module désormais ses subventions en fonction du respect de la loi sur les 20% de logements sociaux, regrette lui que "le texte ne soit pas accompagné d'une cartographie précisant les espaces prioritaires pour y parvenir". Et juge les autres prescriptions "insuffisantes et peu adaptées notamment celle proposant de "réaliser 20 à 30% de logements sociaux dans toutes les opérations significatives"", tournure trop imprécise pour lui. Mais qui est là encore le reflet d'une absence de consensus : "On avait proposé un seuil minimum : 20% pour un projet de 60 logements  à Marseille et à partir de 30 logements dans les autres communes. Manifestement tout le monde n'est pas prêts à ça", admet Patrick Magro.

Transports en commun : l'inventaire à la Prévert

Côté transports en commun, les centralités ont clairement été pensées en fonction de la qualité de la desserte. Saint-Antoine, par exemple, compte déjà une gare sur la voie Aix-Marseille et accueillera prochainement le bus à haut niveau de service (BHNS), avec également la perspective d'un prolongement du tramway depuis Arenc. Pour La Valentine-La Barasse, MPM mise sur l'ouverture d'une halte ferroviaire en même temps que la 3e voie Marseille-Aubagne, avec un potentiel de 4 trains par heure, et le prolongement du tram depuis les Caillols rejoignant celui projeté par les voisins d'Aubagne.

Ayant suivi les sempiternels débats agités sur les transports, on soulignera quand même que le DOG met tout le monde d'accord : en plus de ceux précités sont dessinés sur les cartes à peu près tous les axes défendus dans l'hémicycle, de la "voie des bordilles" Blancarde/Sainte-Marguerite, en passant par La Pointe-Rouge/Saint-Loup par le boulevard urbain sud, Sainte-Marguerite/Saint-Loup (en métro ?), Valentine/Sainte-Marthe via la future RD4d, Capitaine Gèze/Frais Vallon, et à l'extérieur de Marseille la "voie des pétroliers" entre Vitrolles et Châteauneuf-les-Martigues. Ouf !

DOG Transports Commun

Si on peut se féliciter notamment que les "transversales" (c'est-à-dire les axes ne pointant pas vers le centre de Marseille mais décrivant un trajet autour de celui-ci) sont enfin à l'honneur, reste à savoir ce qui sera effectivement réalisé, quand et dans quel ordre. Le Scot n'est "pas une programmation", avait souligné en novembre Claude Valette, celle-ci relevant du "débat politique sur les priorités. Si vous listez tout ce qu'il faut faire dans la ville il y en a pour 200 ans". Dommage qu'"on chiffre les logements, les habitants, les emplois, mais pas les objectifs de kilomètres de transports en commun", avait fait écho Jean-Marie Gleize, directeur de l'Union régionale vie et nature.

"Pas d'inflexion"

Plus globalement l'AE note que le Scot "met simultanément  en avant un programme de développement des transports en commun et un programme routier important". Si ce dernier est "présenté comme étant de nature à limiter les nuisances par un allégement de la circulation en zone dense, favoriser les dessertes en transport en commun ou le développement des modes doux (…) il est aussi de nature à favoriser le développement de l'automobile."

L'AE cite la désormais fameuse liaison Estaque/A55 qui sur le strict terrain des transports "semble entrer en contradiction avec la volonté de limitation de la place de la voiture, de préservation de ce secteur ainsi qu'avec la vocation du réseau autoroutier qui ne peut prendre à sa charge la fonction de desserte locale". Le lien lui aussi déjà cité A7/A55 est critiqué cette fois par les cabinets mandatés par MPM : cette voie "semble superflue et risque de grever les efforts du dispositif en matière de transports présentés dans cette centralité."

Concernant les "boulevard urbains multimodaux", l'une des clés de voute du réseau présenté par MPM, l'AE aimerait que soit affirmé plus "clairement qu'ils doivent être d'abord orientés au service du développement des TCSP et des modes doux". C'est mal parti pour le "boulevard circulaire" qui fait le tour du Vieux-Port… Le conseil régional trouve lui que le DOG "manque de précision sur les orientations en matière de requalification des espaces routiers libérés par la L2 (rocade du Jarret et tronçon final de l'autoroute A50 notamment)". On vous laisse avec le verdict sévère (mais juste ?) de l'AE : "le Scot ne semble pas amorcer une inflexion à la hauteur des enjeux exprimés dans le diagnostic et le PADD sur ce thème."  Peut-être parce que, même si le DOG fourmille de référence à la nécessité de penser aux trajets pour les piétons et cyclistes, adapter la vitesse et le stationnement, et même penser un des points noirs marseillais que constituent les livraisons, tout ceci ne reste que souvent à l'état de "recommandations"…

Bonus : toutes les cartes du DOG rassemblées par Marsactu

DOG Cartes

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Commentaires

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  1. ChevalierBlanc ChevalierBlanc

    Bravo pour ce travail considérable de decryptage sur le SCOT.

    Cet article met en avant les contradictions qui peuvent exister entre les intentions affichées: la limitation d’une urbanisation diffuse qui va à l’encontre des espaces naturels, des paysages et de la biodiversité, la priorité aux transports en commun, etc… et la réalité des préconisations du SCOT qui restent bien timides pour ne pas géner les projets des communes ou des promoteurs. Ces derniers ne vont pas dans le sens du développement durable et préservent des intérêts plus immédiats.

    Il sera intéressant de voir de quelle manière les remarques de l’AE ou du conseil régional seront prises en compte.

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  2. Anonyme Anonyme

    Le SCOT a été déjà voté.

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