Le rideau du théâtre de la Comédie se refermera-t-il sur son bâtisseur ?

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le 20 Nov 2014
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Le rideau du théâtre de la Comédie se refermera-t-il sur son bâtisseur ?
Le rideau du théâtre de la Comédie se refermera-t-il sur son bâtisseur ?

Le rideau du théâtre de la Comédie se refermera-t-il sur son bâtisseur ?

Le concert du groupe occitan de Manu Théron Lo Còr de la Plana prévu ce vendredi soir au théâtre de la Comédie pourrait être le dernier avant la tombée du rideau. Après plus de quatorze ans passés dans les lieux, dont douze consacrés à remettre sur pied une ruine, le comédien et metteur en scène Jean-Pascal Mouthier risque d'être expulsé, pour cause d'arriérés de loyer. Son bailleur, le syndicat ecclésiastique des prêtres du diocèse de Marseille, n'est décidément pas très charitable quand il s'agit d'art puisqu'il avait déjà contraint au départ le collectif d'artistes qui squattait le théâtre Nau en 2012.

Lorsque le metteur en scène arrive en 1999 au 107 bis, boulevard Jeanne-d'Arc à Marseille (5e), le théâtre créé en 1925 et fermé en 1978 pour cause de vétusté tient sur quatre murs et a perdu son toit. Une ruine bourrée d'amiante, sans eau et sans électricité remise à flot grâce à l'énergie d'un seul homme. "Il fallait être fou" selon l'écrivain et sociologue Gilles Ascaride, instigateur d'une pétition de soutien qui a recueilli à ce jour près de 20 000 signatures dont des artistes de renom tels Philippe Caubère, Robert Guédigian ou encore Ariane Ascaride. "Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle le facteur Cheval du théâtre marseillais" poursuit-il. Pourtant, Gilles Ascaride admet qu'il n'avait jamais entendu parler de ce théâtre avant le mois dernier, lorsque Jean-Pascal Mouthier lui demande de venir jouer sa pièce J'ai tué Maurice Thorez.

"N'y vas pas!"

À l'origine, après avoir trouvé "sa perle rare", Jean-Pascal Mouthier qui voyait "le théâtre déjà terminé" met sa carrière de comédien et de metteur en scène entre parenthèses et obtient un arrangement avec le syndicat ecclésiastique des prêtres, qui gère le patrimoine de l'archevêché : il s'engage, contre une exonération de loyer pendant douze ans, à effectuer les travaux de rénovation estimés à 1 million d'euros – et pour lesquels il reçoit en tout 130 000 euros du conseil général et de la Ville – à désamianter le lieu et à obtenir un agrément de la commission de sécurité pour accueillir les spectateurs. "Tout le monde m'a dit : n'y va pas", se souvient-il.

Les objectifs sont atteints grâce "au système D" raconte le metteur en scène. Un ami qui travaille dans le bâtiment lui prête une nacelle durant trois week-ends, pour se débarrasser de la tonne d'amiante incrustée dans le plafond, situé à 9 mètres de haut. "J'ai adopté un truc de marin, dormir toutes les deux heures pendant 20 min, du vendredi soir au lundi matin et beaucoup manger". Il écume les foires pour y trouver des rideaux ignifugés condamnés à être jetés, il récupère la moquette au salon de l'artisanat et les fauteuils au théâtre de l'Odéon.

"Treize ans de ma vie"

En mai 2013, le théâtre de la Comédie rouvre ses portes avec les Côtelettes de Bertrand Blier, accueille les troupes sans planches, délaissées par les scènes subventionnées et propose 18 spectacles dont quatre créations de Jean-Pascal Mouthier. Le rêve devient réalité, la machine commence à tourner mais les recettes ne permettent pas de régler la totalité des loyers de 1 600 euros par mois demandés depuis 2011. Cet automne, le diocèse réclame des arriérés puis lui envoie un huissier et une assignation en référé le 31 octobre dernier. Le metteur en scène qui ira à la barre le 28 novembre, se désole : "Oui, j'ai un retard de loyer. Il me reste 40 000 euros à payer sur les 50 000 € réclamés. Je demande juste un peu de temps pour le faire. J'ai rempli tous les autres engagements, j'ai remis sur pied le théâtre en créant la plus-value et surtout j'ai donné treize ans de ma vie." Gilles Ascaride abonde : "Ce n'est pas une start-up ! Un théâtre ne peut pas se faire en un jour".

Du côté du diocèse, les principaux intéressés – l'agence immobilière gestionnaire Xavier-Radisson et l'économe du diocèse Alain de Bovis – restent injoignables à l'heure où nous écrivons ces lignes. La Ville de Marseille nous renvoie directement vers le maire de secteur Bruno Gilles, en négociation avec l'économe : "Je leur dis d'avoir un œil bienveillant. C'est hallucinant de voir ce qu'a fait Jean-Pascal Mouthier tout seul. A l'époque, avant qu'il arrive, la Banque alimentaire faisait du stockage dans ces locaux pourris. On aurait dit qu'une bombe atomique était tombée sur le théâtre. Jean-Pascal Mouthier a été charmé par les vieux fauteuils rouges, avec leurs numéros en laiton inscrits au dos. Il l'a transformé en théâtre de quartier, avec un côté très social, comme les prix préférentiels selon les revenus". Le sénateur-maire UMP pourrait puiser des fonds sur sa réserve parlementaire. Il plaidera aussi pour une aide financière de la Ville. Ce vendredi, le théâtre s'enveloppera dans l'insouciance, le temps d'une soirée occitane. Le temps d'oublier que le 28 novembre un homme défendra 13 ans de sa vie à la barre.

>> Concert de Lo Còr de la Plana, à 19 h 30 ce vendredi, au TMC, 107 bis boulevard Jeanne-d'Arc à Marseille (5e).

>> La pétition en ligne ici  et le bulletin d'adhésion au comité de soutien au TMC

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Commentaires

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  1. hommedesbois hommedesbois

    Près de 20.000 signatures pour la pétition s’opposant à l’expulsion de Jean-Pascal Mouthier , continuons à faire signer la pétition…

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  2. jexprime jexprime

    Bravo a Monsieur Mouthier et merci au Maire Bruno Gilles pour son aide et son soutien.

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  3. Pétrone Pétrone

    elle est où la pétition ???

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  4. M Bourgat M Bourgat

    Bravo à Jean Pascal Mouthier et je suis fier du soutien de Bruno Gilles. L’Art se défend et l’Eglise doit participer à l’élévation des âmes par cet Art! L’extrémisme nait quand l’Art disparaît!

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  5. rimbaud13 rimbaud13

    comment peut-on être un Homme de Culture …..et traiter avec des curetons…..là était l’erreur….et la charité dite chrétienne dans tout cela….pauvre monde !

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  6. Hanakin Hanakin

    Jean Pascal Mouthier est un metteur en scène, un homme de Théâtre.Quel est l’inéluctable destin d’un homme de Théâtre sinon de créer des espaces de rêve et de poésie, mobiles, que nous présentons (Je dis “nous” parce que je suis aussi metteur en scène)au gré des salles qui les accueillent? Lui, ce qu’il construit, de ses propres mains, seul et dans la plus totale précarité, c’est un bateau à rêves, un grand navire de poètes (et qui plus est, de poètes laissés au bord du chemin par l’institution). Le combat de ce type est admirable. Il force le respect. Qui aujourd’hui donne des années de sa vie pour construire un espace de poésie et de liberté qui va à l’encontre de toute logique marchande? Car on ne construit pas un Théâtre pour s’enrichir (Ça se saurait), on construit un Théâtre pour enrichir les autres, pour leur donner du bonheur, du plaisir, de l’espoir, pour exciter leur curiosité, leur questionnement, leur réflexion et peut être pour parvenir à les rendre meilleurs…Dans ce monde implacablement marchand où tout s’achète et tout se vend,un poète exilé a fabriqué sa machine à rêves, un espace d’humanisme et de liberté. Je connais des pays où, un type comme ça, on lui donnerait des médailles, pour ce qu’il a fait.Jean Pascal Mouthier nous donne là une leçon de ténacité et d’acharnement. Messieurs les élus, cette leçon vaut bien un fromage sans doute? Et un fromage de 40 000, 00 euros, pour créer une oasis dans le désert, c’est un bien maigre fromage quand on pense qu’un simple rond point coûte à la collectivité entre 5 et 800 000 euros, non? Je vous demande de prendre en considération, son travail, sa motivation, son acharnement et l’utilité publique de sa démarche car croyez moi, les hommes d’aujourd’hui ont beaucoup plus besoin de Théâtres que de rond-points.Pensez-y.

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