Le Puy du Fou provençal de la Barben se dope à l’argent public

Info Marsactu
le 24 Fév 2021
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Sans faire de grandes annonces ou de cérémonie, le projet de parc à thème historique a recueilli près de six millions d'euros de la part des collectivités locales ces derniers mois.

Le château de La Barben a été racheté en 2019 pour devenir un parc à thème. (Photo : Pierre Isnard-Dupuy)
Le château de La Barben a été racheté en 2019 pour devenir un parc à thème. (Photo : Pierre Isnard-Dupuy)

Le château de La Barben a été racheté en 2019 pour devenir un parc à thème. (Photo : Pierre Isnard-Dupuy)

Dans la presse locale et même au-delà, Vianney d’Alançon le répète à l’envi : son projet Rocher Mistral ouvrira au mois de juin. Les premiers visiteurs pourront assister à des spectacles historiques mettant en scène la Provence dans l’écrin du château de La Barben. Les travaux vont bon train, assure le propriétaire du château depuis fin 2019. Au total pour la réalisation de ce “Puy du Fou provençal”, l’investissement annoncé est de 30 millions d’euros et 200 emplois directs doivent être créés.

Loin des caméras, un soutien public s’organise, dont ni Vianney d’Alançon, ni les financeurs – le département et la région – n’ont pour l’heure fait la promotion, et que Marsactu a retracé. En tout, ce sont déjà près de six millions d’euros d’argent public que les deux collectivités se sont engagées à apporter au projet.

Participation à “la préservation du patrimoine national”

Le 23 octobre, le département lui a ainsi attribué une subvention de 2,290 millions d’euros “au titre de ses compétences en matière de protection du patrimoine classé”, précise le service presse par courriel. Pour sa part, la région a décidé le 17 décembre de participer pour 3,350 millions d’euros à la “création et au développement” du parc à thème auxquels s’ajoutent 350 000 euros pour les projets agricoles (pâturage, arboriculture, apiculture) prévus sur le domaine du château. “Cela reste dans le cadre de ce que l’on fait en matière de compétence économique”, indique-t-on du côté de la région. “Nous nous réjouissons que les collectivités publiques participent à la préservation du patrimoine national, se satisfait Frédéric de Lanouvelle, le directeur général adjoint à la communication du projet. Et cela signifie que le Rocher Mistral est perçu comme un projet d’intérêt régional créateur d’emplois dans le monde du spectacle et de la culture”.

Il assure par ailleurs qu’il était prévu de communiquer, “mais le Covid en a décidé autrement. Une cérémonie de lancement devait avoir lieu en présence de Martine Vassal le 23 janvier. Il est prévu que nous l’organisions dès que cela sera possible”. La région confirme, elle aussi, que la communication sur ce soutien a été repoussée à cause du contexte sanitaire. Les deux présidents des collectivités concernés sont par ailleurs en période électorale, qui doit les pousser une certaine mesure en matière d’annonces.

Une ouverture à minima en juin
Seule une première partie du “Rocher Mistral” ouvrira en juin : cinq spectacles dans le château, un restaurant installé dans les anciennes écuries, géré par le chef étoilé Gérald Passédat et un marché provençal d’artisanat, “sauf si la crise sanitaire nous en empêche”, précise le chargé de la communication.

Mais les bonnes fées ne sont pas que locales. L’État devrait lui aussi contribuer dans le cadre du plan tourisme qui sera présenté en mai. “Nous sommes en train de regarder de très près le projet Rocher Mistral à La Barben”, a déclaré le secrétaire d’État au tourisme Jean-Baptiste Lemoyne, cité par La Provence. “Un tel projet ne peut voir le jour sans un accompagnement très fort du porteur de projet par l’ensemble des services de l’État”, confirme la préfecture des Bouches-du-Rhône à Marsactu. Un accompagnement qui prend plusieurs formes. Une étude d’impact environnemental a notamment été demandée cet automne avant que ne soit délivré le permis d’aménager des espaces extérieurs du parc. À ce jour, les promoteurs n’ont toujours pas rendu ce document.

Des riverains agacés par un projet “poudre aux yeux”

L’association Bien vivre à La Barben, qui rassemble une partie des riverains opposés à l’initiative de Vianney d’Alançon, considère ce soutien comme “indécent”. Elle s’est montée au départ pour dénoncer à l’ampleur du projet et alerter sur ses risques environnementaux, comme l’a raconté Le Ravi. “La société a d’autres priorités en ce moment. Il y a par exemple des étudiants qui ont faim. Le modèle économique de Vianney d’Alançon c’est de la poudre aux yeux. Il n’y aura presque pas de CDI, mais beaucoup de stages et d’emplois saisonniers. Et surtout du bénévolat pour assurer les spectacles”, tonne un des membres de l’association qui souhaite rester anonyme. Sur ce point, la convention passée entre la région et Rocher Mistral précise que 140 des 200 emplois prévus seront saisonniers.

Dans ce contexte, les montants mis au pot par les collectivités interrogent. D’autant plus qu’ils sont au bénéfice d’un projet privé, pour lequel de grandes fortunes françaises sont déjà actionnaires, aux côtés de Vianney d’Alançon. Vincent Montagne, patron de Médias Participations, quatrième groupe français d’édition, Benoît Habert membre par alliance de la famille Dassault et la famille Deniau. Un précédent projet mené par Vianney d’Alançon en Auvergne et subventionné par la région menée par le LR Laurent Wauquiez avait déjà agité l’opposition locale.

En Provence, le seul élu à s’offusquer est le député écologiste de Gardanne François-Michel Lambert qui a alerté la ministre de l’Écologie par écrit sur les effets environnementaux d’un tel projet. “Ce soutien permet à quelqu’un de s’enrichir sur de l’argent public, alors que Rocher Mistral cache avant tout un projet commercial”, affirme-t-il à Marsactu. Il pointe particulièrement le “village provençal” prévu sous le château, qui serait constitué d’une vingtaine de boutiques d’artisans et de petite restauration.

“Sauver des parties du château très endommagées”

Au sujet du montant de la subvention et de son usage, le conseiller départemental du canton et maire (ex PS) de Saint-Cannat, Jacky Gérard, reconnait que la somme accordée peut légitimement questionner. Mais il assure que la nature des dépenses sera contrôlée sur facture : “nous ne payons que sur justificatifs”. Du côté de la communication du département, on justifie aussi l’engagement financier comme nécessaire pour “sauver des parties du château très endommagées et en péril, notamment des fresques du célèbre Marius Granet.”

Jacky Gérard rappelle qu’au cours du 20e siècle, les anciens propriétaires qui étaient la famille de marquis de Forbin puis la famille Pons, fondatrice du zoo qui se situe à côté, ont délaissé l’entretien des lieux. “Lors de la précédente mandature, le département avait pensé à acheter le château. Mais l’achat était cher, sans grandes salles le lieu n’était pas adapté pour y organiser des évènements et vu l’ampleur des travaux à faire, nous avions renoncé”, témoigne l’élu.

Il espère que le parc Rocher Mistral entrainera “une synergie pour l’économie du tourisme” sur son territoire. À terme les promoteurs du site ambitionnent d’attirer 300 000 visiteurs par an. Lorsque nous l’avons rencontré en juin, Vianney d’Alançon assurait ne pas vouloir se mêler de politique. Mais il a su très vite trouver l’appui des grands élus.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Je sens que cette version aiolisée du Puy du Fou va être bien aillée . Hors mis les sommes folles investies dans des intérêts strictement privés sous prétexte de préservation du patrimoine , nous nous retrouvons avec 200 emplois dont 140 intermittants. Ce qui veut donc dire que les salariés permanents sponsorisés par le département et la région vont êtres sans doute Vianney d’Alançon , sa famille , ses cousins , ses neveux, ses nièces et même son chien si par hasard il garde le domaine . Enfin quoi un peu comme en politique .
    Enfin nos petits amis Muselier et Vassal auront au moins une carte d’invités permanents sans doute pour ce Puy sans fonds des Fous.
    La CRC va se régaler !

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  2. MarsKaa MarsKaa

    Comme c’est étonnant… Muselier et Vassal qui arrosent d’argent public ce projet privé politique et commercial…
    Ils n’arrêteront donc jamais ces petits arrangements qui ne servent que leurs interets .
    Ce n’est pas pour cela que l’on paie des impôts !

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  3. BRASILIA8 BRASILIA8

    ouverture en juin et élections départementales et régionales en juin sans doute un hasard
    quand il s’agit de financer des travaux d’intérêts publics : transports, étang de Berre il faut des années pour obtenir une simple promesse de financement étalée sur des années et là pour un projet privé l’argent coule à flot et instantanément

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  4. corsaire vert corsaire vert

    L’habitat indigne à Marseille est aussi en perdition!!! et les subventions nécessaires vont à des ruines, sans grand intérêt historique ,sauf pour leur propriétaire … n’est pas à particule qui veut ….
    Les roturiers Vassal and co doivent être flattés de côtoyer ces nobliaux à la noix , après avoir payé la dime avec nos impôts !
    Ne serait ce pas du détournement de l’argent public à des fins privées sous couvert de culture à deux balles ?

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  5. Rémy Bargès Rémy Bargès

    Au delà d’un projet touristique de masse qui va fortement impacter l’environnement, on pressent aussi une opération politique avec un projet qui fleure bon les valeurs chrétiennes, conservatrices et une vision contestable de l’histoire de France…

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      S. Bern viendra nous faire un cour

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      A défaut de Stéphane Bern, je pense que Lorànt Deutsch saura se vendre fort cher pour réécrire l’histoire régionale à la sauce royaliste et “c’était mieux avant”. Tant qu’à gaspiller l’argent de nos impôts, autant se payer des “talents”.

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  6. kukulkan kukulkan

    une honte pour un projet privé, surtout que le projet n’a pas donné les garanties écologiques nécessaires, que fait l’état, le préfet s’exprime ?

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  7. RML RML

    Un vrai bon projet d extrême droite! Je note au passage que tout ça va tourner essentiellement avec des bénévoles, donc pas d emploi “culturels”. Ils vont s appuyer sur l exception au code du travail qu est le Puy du Fou…
    Et , dites moi, en terme de patrimoine, ils me font rire, ils parlent du château de la Barben comme s il concourant pour l Unesco! Et le projet préservé t il les jardins de Lenotre ?
    Ce projet deja culturellement affligeant, qui fera encore une fois rire de nous – il n y a qu z voir le recrutement des bénévoles sur FB- devrait se trouver hors du champ de la subvention publique, mais la aussi, il faudrait en rire

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  8. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Rappelons que ce projet commercial repose sur la création de 4,5 hectares de parking à bagnoles, soit la superficie de plus de 6 terrains de football. Un écrin formidable pour mettre en valeur un château médiéval. Sans parler de la circulation quotidienne de milliers de voitures sur des routes de campagne.

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  9. jasmin jasmin

    Quand Philippe de Villiers a créé le Puy du Fou, il l’a fait en bon grand notable vendéen, avec l’appui collectif et résigné obéissant des Vendéens, tous volontaires, sans argent du contribuable. Ca a duré 30 ans pour en faire quelque chose de rentable, et ça continue avec des “volontaires” qu’on désigne volontaires, qui dessinent, cousent et portent les vêtements, les réparent, jouent, nettoient, construisent le décor.

    Ici, si tant de capitaux privés et de familles de la noblesse ont misé des fonds privés, pourquoi ne pas boucler le tout en fonds privés? Qui a permis à la Région et au Département de prendre des décisions que les citoyens n’approuvent pas? On est vraiment trop mous et défaitistes en PACA. Ben oui, c’est Marseille, on râle, on n’y peut rien. On est vraiment une bande d’abrutis de laisser ces gens là dilapider nos impôts.

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    • julijo julijo

      ca tombe bien, les élections sont proches…faudra pas se tromper sinon on sera vraiment des abrutis !!

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