Le préfet impose des logements sociaux dans la résidence de luxe des Catalans
Déjà attaqué par les riverains des Catalans, le permis de construire de l'immeuble de haut standing sur l'usine de Giraudon n'a pas satisfait la préfecture. Mettant en doute le sérieux des engagements en terme de "mixité sociale", elle a demandé au promoteur de revoir sa copie.
Vue d'architecte du cabinet Rudy Ricciotti.
Qu’il est long le chemin, de l’usine de sucre jusqu’à la résidence de luxe les pieds dans l’eau. Alors que les riverains contestaient devant le tribunal la hauteur de l’immeuble en projet sur l’emplacement de l’ancienne usine Giraudon aux Catalans, la préfecture a demandé à son promoteur, le patron de Sud Réa Hubert Attali, de revoir sa copie. Sans atteindre les hauteurs de l’hôtel un temps prévu, le projet dessiné par l’architecte star Rudy Ricciotti culminait à 10,9 mètres, au-dessus des 7,5 mètres réglementaires prévus par le plan local d’urbanisme (PLU) à cet endroit. Pour obtenir une dérogation, le projet mettait en avant un “objectif de mixité sociale”, l’une des possibilités ouvertes par la loi. Mais le dossier présenté n’a pas convaincu le représentant de l’État.
“La mixité sociale n’était pas assez affinée dans le permis d’origine”, admet, sans entrer dans les détails, Laure-Agnès Caradec, adjointe à l’urbanisme à la mairie de Marseille. Cette dernière a validé la première version du permis fin juillet. Laquelle a été retoquée par l’État, qui a porté l’affaire devant le tribunal administratif. Mais “le préfet a retiré son déféré dès que le permis modificatif a été déposé, puisqu’il intégrait ses remarques”, précise l’élue.
Du côté du cabinet de l’architecte du Mucem, on tient le même discours : “Les objections de la préfecture ont été levées. Il s’agissait d’un déficit d’information”, minimise Rudy Ricciotti, qui renvoie vers le maître d’ouvrage pour plus d’informations. Ce dernier, Hubert Attali, a déjà indiqué à Marsactu ne pas vouloir faire de commentaire.
“Prix accessible” de haut standing
Dans le premier permis de construire, reçu en préfecture le 27 juillet dernier et que nous avons pu consulter, “l’objectif de mixité sociale” était mentionné comme l’une des “conditions remplies” pour obtenir la dérogation au PLU. Dans cette optique et selon les indications d’une fiche technique du ministère du logement, les constructions doivent “profiter à toutes les catégories sociales” en étendant la “diversité des programmes immobiliers (accession, social, intermédiaire) mais aussi de population (étudiant, personnes âgées…)”.
Le permis de construire de ce projet prévoyait donc pour ce faire de “proposer des logements à logique sociale en agissant sur le prix d’acquisition et sur la surface vendue à cet effet” : sur près de 4000 mètres carrés de logement, il était donc prévu qu’environ 1000 mètres carrés (25 % de la surface) soient loués à un “prix accessible”, soit “50 % moins cher que le prix de la surface de plancher restante”. Il s’agissait donc “d’accession sociale” et non de “logements sociaux” à proprement parler. Sans compter que l’immeuble Giraudon se situe dans le 7e arrondissement, dans un immeuble neuf, de haut standing et à quelques mètres seulement de la mer. Même à “50 % moins cher”, difficile d’imaginer en faire profiter “toutes les catégories sociales”.
3 logements sociaux sur 28
“Dans ces conditions là, ça restera forcément très cher”, rit de l’évidence Paul Piccirillo, habitant du quartier depuis de longues années. Fondateur de l’association Ensemble mieux vivre, il fait partie des habitants qui ont déposé des recours lors du premier dépôt de permis, pour des questions de hauteur notamment mais aussi contre le précédent projet d’hôtel qui n’était jamais arrivé jusqu’au permis de construire. “C’est une bonne chose que la préfecture tique sur ce point”, poursuit le riverain qui souligne tout de même “qu’en disant ça [il n’est] pas dans la tonalité dominante” des autres riverains, qui se préoccupent peu de ce genre de question. Quoi qu’il en soit, les dépositaires du permis ont donc dû revoir leur copie.
“Il y aura du logement social attribué, même surface, même standing. C’est un engagement pris auprès de la collectivité”, réactualise Rudy Ricciotti. De son côté, Laure-Agnès Caradec, l’élue (LR) en charge de l’urbanisme à la Ville, précise qu’au total “trois appartements” seront dédiés au logement social dans ce projet. Trois appartements sur les 28 que comprends donc ce projet d’immeuble de quatre étages. Ni l’élue, ni l’architecte ne préciseront par ailleurs la surface de ces logements (les appartements de ce projet mesurent entre 27 mètres carrés pour ceux situés en rez-de-chaussée et 185 mètres carrés pour le dernier étage). Tous deux insistent par ailleurs sur le fait que le permis modificatif a convaincu le préfet.
Une nouvelle qui ravit le président du comité d’intérêt du quartier. “Il faut arrêter maintenant de s’opposer à tout. Il va bien falloir mettre quelque chose sur cette verrue. Et puis, entre tous ce qu’on a vu, il est pas si mal ce projet”, s’agace Jean-Pierre Galeazzi.
Le fondateur de l’association Mieux vivre ensemble, Paul Piccirillo se fait plus nuancé. “En fait, il y a deux positions opposées sur ce sujet parmi les habitants des Catalans. Il y a ceux qui disent “pourquoi pas si la hauteur est raisonnable et que ce n’est pas trop moche”. Ou ceux qui, comme moi, considèrent qu’il faut rester vigilant, respecter toutes les étapes et veiller à ce qu’on ne touche surtout pas à la plage. Et puis il y a ceux qui ne veulent rien en face ou imaginent un jardin public.” Ces derniers ont aujourd’hui la possibilité de s’opposer une nouvelle fois à ce projet, via le nouveau permis modificatif qui vient d’être validé. Joints par Marsactu, plusieurs habitants ont fait état d’un nouveau recours en cours d’élaboration.
Commentaires
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Je serais curieux,”In fine” de connaître, si jamais la mixité sociale s’installe aux Catalans d’en connaître les heureux bénéficiaires.
Je serais fort étonné d’ailleurs de voir aménager quelques Syriens ou Tchétchènes dans ce futur magnifique ensemble.
Nous retrouverons sans doute des copains des copains de la mairie.
Comme dab .
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Les émirs, amis de nos décideurs ,trouveront peut-être ici une “excellente opportunité d’investissement” comme on dit dans “les affaires”
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C’est même certain ! et avec des loyers dérisoires , vue sur ma mer au bord de la plage …pas pour des pauvres sûrement pas !
L'”ingénieur ” doit bien avoir sa liste !
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“…plusieurs habitants ont fait état d’un nouveau recours en cours d’élaboration”, conclue Violette Artaud dans son article d’hier…
Pour ma part, toute ma vie, en passant devant l’usine Giraudon, je me suis souvent dit:
Quel gâchis cette mocheté d’un autre âge là où pourrait être (dans la chrono de mon imaginaire), un bel hôtel (quand Marseille était désolante sur la question), un espace de jeux ou de sports là dedans complémentant ceux liés à la flotte, (juste pour “ne pas gâcher”, en attendant mieux), un complexe mixant logements-resto- petits commerces, etc.
Au bilan (après avoir lu l’essentiel des articles de Marsactu sur la question), je constate que:
– quasiment toutes ces idées ont fait projet depuis des lustres, (ce qui semble juste vouloir dire qu’en un tel endroit, ça tombe sous le sens commun),
– rigoureusement rien n’a changé sur place à ce jour depuis que Giraudon a mis la clé sous le paillasson.
Alors ma réflexion porte sur “où est le sens commun” en question (comprendre “l’intérêt collectif et/ou privé ouvert sur le monde en général -clients, touristes, acquéreurs de lots, etc) qui se prend systématiquement les pinceaux dans ses projets successifs de “faire quelque chose”, face aux habitants du coin (Juste ceux “des Catalans”).
J’ai traqué, dans ma lecture attentive, les arguments avancés par ces derniers:
– autant je trouve pertinente leur opposition au projet initial d’une tour-hôtel de 34 mètres de haut (celles du Vallon des Auffes, à côté, étant suffisamment écœurantes), autant je cherche ce qui peut bien tenir la route (même dans la défense de leurs stricts intérêts nombrilistes d’habitants du coin):
– Tous les projets suivants se sont alignés sur une hauteur de 10,9 mètres (ce qui correspond à celle de la friche Giraudon, et n’affecte en rien et pour personne la visibilité sur la mer, plus basse que le Cercle des Nageurs (ou CNM; cf. photos).
– Plus fort, le projet en cours (d’obstruction…) confié à notre valeureux Rudy Ricciotti (son MUCEM est unanimement apprécié) exhume les arcades historiques occultées par l’usine Giraudon et en fait le thème majeur de son projet!
Mais ça ne va toujours pas aux marseillais du coin qui vont contrer, une fois de plus! (Vous aurez noté leur argument en béton armé: “7,5m de haut, à la rigueur. Mais 10,9m, pas question!”).
J’en arrive à la conclusion de tout ce laïus pour avancer l’hypothèse suivante:
N’assistons-nous pas, une fois de plus, à ce sport de quartiers marseillais consistant, dès qu’il y a un projet d’envergure, à se constituer “contre” pour des intérêts qui n’ont rien à voir avec l’impact, faussement dommageable, dudit projet?
Je tiens cette hypothèse de ce qu’il s’est passé (de-source-sure!) sur le projet du MUCEM, justement:
Les habitants de La Tourette, situés largement au dessus, se sont constitués en groupe de pression organisé contre ce projet, par tous les moyens légaux prévus à cet effet. Comme la cascade de recours et procédures sont parfaitement légales, les administrations et institutions de tutelle sont obligées de s’incliner… et le temps passe! (en droit, cela s’appelle “des mesures dilatoires”).
Pourquoi? comment s’arrête ce jeu curieux? A vous d’imaginer de quelle nature se fait “l’arrangement” final…
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Il faut peut-être avouer que certains marseillais “de base” ont une vision assez étriquée du monde qui les entoure et de l’évolution d’une ville au XXI ème siècle, une sorte de syndrome NIMBY endémique. Si l’on souhaite leu trouver une excuse on peut jeter un regard sévère sur ce qui fait office de municipalité dont la vision et la gestion urbaines sont aléatoires pour ne pas dire divaguantes. Ces deux énergies négatives rassemblées font de Marseille ce qu’elle est aujourd’hui, une ville sans véritable image ni identité intelligentes.
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Chère Violette Artaud,
merci de suivre ce sujet depuis plusieurs mois.
Dans votre précédent article sur la question (https://marsactu.fr/aux-catalans-le-projet-de-residence-de-luxe-attaque-par-des-habitants/) vous abordiez le risque de privatisation rampante des abords du bâtiment qui avait conduit la maire de secteur à émettre un avis réservé sur le le permis de construire. Or vous n’en parlez plus. Des garanties ont-elles été apportées contre cette éventualité ? (je crois qu’il était question de démolir la dalle adjacente pour agrandir la plage, mais je ne sais pas exactement où en est le projet).
J’espère que vous aurez des nouvelles rassurantes à nous donner sur le sujet.
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Bonjour Assedix,
Le risque de cette “privatisation rampante” venait, si mes souvenirs sont bons, du fait qu’il était prévu dans ce projet d’installer des sortes de jardinières garnies de cactus entre le domaine public et le bâtiment. C’est la DDTM qui soulevait ce problème il me semble. Quant à l’avis réservé de la mairie de secteur, il était en effet motivé par des inquiétudes sur “l’articulation” domaine public et privé mais aussi par des doutes sur la mise en valeur de ce patrimoine. Le permis a depuis été accepté et, à ma connaissance, n’a pas été modifié sur ces paramètres. Quant à la dalle, je n’ai pas plus d’information sur ce sujet mais ne manquerais pas de vous tenir au courant le cas échéant.
Bien à vous
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Chère Violette Artaud,
merci (un peu tardif) pour votre réponse. J’attends avec impatience vos prochains articles sur le sujet — et sur le reste.
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Le marseillais de base effectivement a tendance à préserver son “pré carré”.
Mais il ne faut pas lui en vouloir face a cette municipalité inefficace qui raconte des histoires depuis des années et qui s’arrange avec la réalité.
A force d’être pris pour des “billes” cette méfiance est non seulement nécessaire mais salutaire.
Concernant la gestion urbaine de cette ville , posez la question dans les différentes écoles d’architectures de France et de Navarre , vous ne serez pas surpris: la réponse est, elle n’existe pas!
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