Aux Catalans, le projet de résidence de luxe attaqué par des habitants

Actualité
le 12 Sep 2017
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Si le permis de construire de l'immeuble d'habitation Giraudon aux Catalans a été accepté, la période de recours, elle, risque d'être semée d'embûches. Annoncée avec 7,5 mètres de hauteur la construction devrait finalement s'élever à 10,9 mètres. Les habitants comptent bien s'opposer au projet.

Visuel de l
Visuel de l'architecte Rudy Ricciotti extraite du permis de construire.

Visuel de l'architecte Rudy Ricciotti extraite du permis de construire.

Après une reconversion envisagée en hôtel de luxe alors que certains rêvaient d’une piscine municipale, l’usine de sucre Giraudon fait désormais l’objet d’un projet d’immeuble d’habitation de haut standing. Fin juillet, l’adjointe à l’urbanisme Laure-Agnès Caradec annonçait la validation du permis de construire de ce projet, dessiné par Rudy Ricciotti, l’architecte star du Mucem. Comme le prévoit la loi, ce permis est donc soumis à une période de recours de deux mois, qui court encore. Et que les riverains de cette friche industrielle accolée au Cercle des nageurs, au nord de la plage des Catalans, ne comptent pas laisser s’écouler sans bouger.

Sans surprise, l’association Ensemble mieux vivre, qui s’était déjà mobilisée lorsqu’il était question de construire un hôtel de luxe sur ce site, poursuit son opposition. “Nous avons décidé de déposer cette semaine un recours gracieux avec un avocat, annonce son fondateur, Paul Piccirillo, qui précise que “d’autres habitants, qui eux s’opposent à la totalité du projet, vont déposer un recours en contentieux”. Pour sa part, l’association se dit “prête à négocier certains points mais pour ce qui est de la hauteur, c’est 7,5 mètres comme le prévoit le PLU ou rien”.

Vue aérienne du site. Image Rudy Ricciotti.

3 mètres de haut supplémentaires accordés par la mairie

Le projet dit “d’immeuble d’habitation Giraudon” comprend une surface d’environ 4500 m² dont quelques 4000 m² seront dédiés aux logements tandis que le reste sera composé de commerces et notamment un restaurant. L’immeuble de quatre étages accueillera 28 appartements entre 27 m² (pour les rez-de-chaussée) et 185 m² (au dernier étage). Mais pour pouvoir installer ces trois étages, l’entreprise de construction Sea One de l’homme d’affaires Hubert Attali a fait une demande de dérogation au plan local d’urbanisme. Le promoteur compte ainsi élever son immeuble sur 10,9 mètres de haut et donc dépasser les 7,5 mètres réglementaires.

La demande de dérogation affirme par ailleurs que la future construction ne dépassera pas le gabarit de l’actuel bâtiment, soit 10,9 mètres. Marsactu n’a pas sorti son mètre pour vérifier mais en 2012, les 7,5 mètres sur lesquels s’alignait la commission départementale des sites étaient censés être la hauteur de ce même bâtiment. La préfecture a encore environ deux semaines pour se prononcer sur la légalité de ce permis mais confirme que la mairie peut par ailleurs accepter de son propre chef un permis de construire qui déroge au PLU. Ce qui s’est passé dans ce cas.

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Pour rappel, c’est sur cette même question de la hauteur qu’avait achoppé le projet précédent d’hôtel de luxe, qui s’élevait à 34 mètres. Il avait été rabaissé à 7,5 mètres par la commission de l’Etat compétente pour tout ce qui touche au littoral et au paysage, entraînant son abandon. Cette fois-ci, les quelques trois mètres supplémentaires semblent passer même si l’une des conditions pour obtenir cette dérogation apparaît assez éloignée d’un projet de construction de logements de haut standing. Le promoteur doit en effet justifier que son projet engendre bien de la mixité sociale. “Il est très clairement prévu que 25 % de la surface destinée au logement bénéficie à des catégories sociales différentes à un prix accessible, qui sera à 50 % moins élevé que le prix de la surface de plancher restante”, peut-on lire dans la demande de dérogation.

Reste à définir le prix des 50 % de la surface de plancher pour se faire une idée du “prix accessible.” Une information que le promoteur ne compte pas donner pour le moment. “Nous sommes en période de recours et je ne communiquerais qu’après cette période”, a coupé court Hubert Attali avant même que Marsactu puisse poser une question. Il a raison d’être prudent.

Une mise en valeur des vestiges à “affiner”

“Une dizaine d’habitants de l’immeuble qui fait face à l’usine s’est rassemblée pour porter des recours. Nous sommes atterrés et refusons ce projet illégal”, s’emporte une habitante qui vise la dérogation au PLU mais cite aussi la loi littoral et s’inquiète de la dépollution du sol de cette ancienne usine. “Nous souhaitons aussi des précisions sur la conservation des murs-vestiges et voulons que le promoteur contribue à la restauration de la tour Lazaret”, complète Paul Piccirillo, qui fait référence aux vestiges du Lazaret, infirmerie datant du XVIe siècle qui se trouvent sur le site de l’usine, et sa tour de l’autre côté de la plage.

Le projet immobilier prévoit en effet la conservation d’une grande partie de ces murs qui se trouvent à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’usine en les déplaçant pour qu’ils puissent apparaître sur la façade de la nouvelle construction. “Le mur sera déplacé pierre par pierre” avait décrit Laure-Agnès Caradec en annonçant la validation du permis de construire. Mais cette opération et son résultat semblent encore assez flous à ce stade du projet. “La mise en valeur des vestiges est une bonne piste de travail mais devrait être affinée […]. Le déplacement des murs anciens étant à discuter à la fois sur le plan technique et sur le plan architectural”, note Hélène Corset, architecte des bâtiments de France, dans un avis annexé au permis de construire.

Le projet vu depuis la plage. Image : Rudy Ricciotti.

Un site avec une “sensibilité antique”

Des vestiges qui selon l’historien et académicien de Marseille Jean-Noël Bévérini sont loin d’avoir confié tous leurs secrets. “Le petit-fils Giraudon disait qu’il y avait à l’intérieur de l’usine un tunnel qui mènerait à la mer. Ce tunnel serait très ancien et pourrait remonter au Lazaret. De quand date-t-il ? A quoi servait-il ? En se privant de résoudre ce mystère, on perd un peu de l’histoire d’un endroit ultra symbolique qui a concerné un temps toute la Méditerranée”, s’inquiète ce passionné également mobilisé sur le site de la Corderie, à quelques centaines de mètres.

La direction régionale des affaires culturelles (DRAC) se questionne aussi sur ce qui pourrait se trouver dans le sous-sol de cette usine. Dans un arrêté soumettant un diagnostic impératif de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), Cyril Montoya, qui suit ce dossier pour le service de l’État, indique que “les travaux envisagés sont susceptibles d’affecter des éléments du patrimoine archéologiquee (site antique).” Il précise à Marsactu : “Il y a une sensibilité qui correspond au zonage archéologique de plusieurs sites antiques dans le quartier.” Autrement dit, si on creuse, il y a de fortes chances de trouver des vestiges antiques. “On verra bien”, conclut Cyril Montoya, peu loquace après l’affaire de la Corderie.

Enfin, un dernier point déplaît aux habitants et fait l’objet de plusieurs réserves de la part des instances compétentes : l’articulation de ce projet avec le domaine public. “Le programme proposé prévoyant exclusivement des logements, avec un restaurant ponctuellement au RDC, ne paraît pas complètement adapté à ce site stratégique et largement ouvert sur le domaine public maritime et la plage”, note l’architecte des bâtiments de France. Des arguments qui ont notamment motivé l’avis réservé de la mairie de secteur, pourtant partie prenante de la majorité municipale.

La terrasse Nord des Catalans avec le parterre d’agaves. Images : Rudy Ricciotti.

Tout comme la direction des territoires et de la mer qui indiquait en pied de ce permis de construire, l’avis suivant :

J’émets un avis favorable sous réserve que la vocation piétonne et publique de l’esplanade Nord de cette plage des Catalans soit préservée et que l’empiétement arboré envisagé ne soit pas de nature à permettre une privatisation rampante de cet espace du domaine public maritime.

Une référence au parterre d’agaves et de cactus que Rudy Ricciotti avait prévu d’installer afin de séparer les terrasses privatives du domaine public.

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Commentaires

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  1. Dark Vador Dark Vador

    Evidemment… Qui croyait, un instant, que les démolitions des “verrues”, empiétant sur le domaine public maritime, laisseraient enfin aux marseillais la jouissance pleine et entière de leur littoral? Personne sûr…
    Aussi ne suis je point étonné que des projets de bétonnage s’annoncent… et se réaliseront. La mandature Gaudin nous a habituée à ce régime de faveur envers les promoteurs (surtout ses amis).
    C’est un endroit splendide, il ne pouvait raisonnablement rester vierge :-(.

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    • Magnaval Magnaval

      Rester vierge pour en faire quoi ? Un dépotoir comme le jardin aménagé en face ?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Euhhh… @Magnaval, avec votre argument on peut démontrer la nécessité de supprimer tout espace non construit dans la ville. Ne nous interrogeons surtout pas sur les raisons qui font que les squares, jardins et rues de la ville ressemblent à des “dépotoirs” : tordons le PLU et bétonnons.

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    • Magnaval Magnaval

      En l’occurence, à part un léger dépassement de hauteur, il n’y a pas bétonnage puisqu’il y a déjà un bâtiment construit, une usine, qui plus est.
      Raser des immeubles pour créer des espaces “verts”, c’est un concept assez étonnant dans un monde où la priorité est au contraire de densifier les villes pour limiter les déplacements énergivores et la consomation d’espaces agricoles.
      Ici, c’est surtout une énième expression des Nimby avec des riverains qui “protègent” leur vue sur mer et la plus-value qui va avec.
      S’ils souhaitent démolir une construction et créér un jardin, qu’ils s’intéressent plutôt à la villa de Mme Biaggi, en face, ou à la caserne Audeoud.

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    • Fabrice Fabrice

      c’est surtout une parcelle privé

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      @Magnaval. je suis un chaud partisan de la densification des villes et très hostile à l’étalement urbain. Mais “en même temps”, il faut adapter les villes aux enjeux du réchauffement climatique afin qu’elles restent vivables dans l’avenir.

      Il faut donc à la fois faire du R+4 ou du R+6 là où il y avait du R+2, et prévoir des espaces de respiration et de la végétation : ça n’est pas contradictoire. Mais c’est plus compliqué et plus long que de se contenter de boucher les dents creuses ou de supprimer les espaces verts existants : ça ne peut être qu’une politique urbaine de long terme. A Marseille, on a préféré jouer la facilité en urbanisant n’importe où, n’importe comment, sans que les infrastructures collectives suivent : on n’a vraiment pas pris de l’avance sur les contraintes de la ville du futur.

      Quant à Giraudon, oui, la parcelle est déjà construite. Mais si une respiration urbaine n’est peut-être pas indispensable à cet endroit, elle l’est ailleurs dans le centre-ville de Marseille – sans même parler de la nécessité de mettre en valeur certains monuments historiques, du côté de la caserne d’Aurelle par exemple.

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    • Assedix Assedix

      @Magnaval: donc si les promoteurs ont menti sur la hauteur ( et très vraisemblablement la largeur) du futur bâtiment, ce sont ici encore les riverains qui ont tort de s’en plaindre ? Ou est-ce simplement que vous avez récemment découvert l’acronyme NIMBY et que vous cherchez à le recaser partout ?

      @electeur du 8e: je me permets une toute petite remarque sur la fin de votre post: une respiration urbaine à cet endroit serait hyper bienvenue. Elle ne serait pas nécessaire si, comme prévu au départ, la transformation du Vieux-Port avait intégré une couverture-végétalisation du bassin de carénage et un nouvel espace vert sur l’anse des Catalans (au lieu de redonner cet espace aux mêmes entreprises qui en avait fait une friche au pied su Pharo). Mais ça aurait sans doute été trop bien…

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    • Happy Happy

      Densifier la ville, d’accord, mais pour construire quoi, pour qui ? Un appartement de 185 m2 en surplomb de la plage ?

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    • toto toto

      Densification ? Le quartier est bien assez dense. Quand on parle de densification, il s’agit d’éviter de construire des zones pavillonaires à perte de vue, certainement pas densifier les endroits qui le sont déjà jusqu’à les rendre invivables.

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  2. Dark Vador Dark Vador

    Au moins, avec l’équipe actuelle, plus de surprise, “bien public” étant devenu un gros mot, elle est extraordinairement prévisible. Jusqu’au prochain changement de maire (?) ont aura ça : “bétonnons” en rond avec les amis…

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    • Fabrice Fabrice

      ce n’est pas un bien public

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    • Graindeville Graindeville

      Une parcelle privée, et alors? La Ville peut l’acquérir et envisager un projet d’utilité publique sur le site, type complexe nautique, qui s’y prête à merveille.
      Mais surtout si Marsactu pouvait revenir sur tout l’historique de l’aménagement de la plage des Catalans par la Ville, cela élargirait le champs de la réflexion : aménagement d’un jardin public en hauteur sans lien avec la plage, non restauration de la tour du Lazaret, concession de la partie aménagée (bancs et solarium) au restaurant et à la villa sises au-dessus, abandon de la proposition initiale de Michel Desvigne, paysagiste, concepteur de la piétonisation du Vieux Port, d’un chemin littoral reliant celui-ci aux Catalans… A Marseille, la somme des intérêts privés finit toujours par l’emporter sur l’intérêt général. Ce dernier appellerait pourtant un aménagement d’ensemble cohérent, conforme à la poésie du site et riche en usages, dont puisse profiter le plus grand nombre.

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  3. Voyageur Voyageur

    La loi littoral ne s’applique pas aux clients de l’équipe gaudin.

    Par ailleurs la photo montre la terrasse Sud et non la terrasse Nord.

    De toute façon quand on voit ce qu’est devenu le projet validé de la Maison des sports du stade Tasso ! Les projets validés n’engagent que ceux qui y croient. Sont capables de faire une nouvelle barre les pieds dans l’eau.

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    • Benoît Gilles Benoît Gilles

      Bonjour, nous avons indiqué la terrasse nord en légende l’image car cela fait référence à l’avis de la DDTM qui mentionne l’esplanade nord del a plage des Catalans. En l’occurrence, cela s’inverse qui on regarde la plage depuis le projet.

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  4. Dark Vador Dark Vador

    Fabrice, quand je parle de “bien public” c’est au sens où toutes actions qui peuvent être bénéfiques pour l’ensemble de la population sont bonnes à prendre (dans ce cas précis, un magnifique espace vert par exemple aurait été une merveilleuse action de “bien public”…

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  5. Germanicus33 Germanicus33

    Avec la mairie de Marseille il faut s’attendre à tout: un zèle inquiétant pour aller au delà de la demande des promoteurs, pourtant excessives !
    C’est une piscine d’hiver publique qu’il faut aux Catalans à côté du CNM…

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  6. neomars neomars

    Une piscine, vous n’y pensez pas c’est bien trop couteux nous a t’on expliqué , en revanche une patinoire c’est super utile. Imaginer que des petits marseillais n’arrivent pas à apprendre à patiner sur la glace : il y a mise en danger des enfants !

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  7. Germanicus33 Germanicus33

    Deux impératifs:
    1-Effectuer les rechrerches archéologiques indispensables: ce tunnel doit être contemporain de la belle tour du Lazaret dominant la plage…
    2-Eviter toute utilisation privative !
    Bien sûr, il faudra se mobiliser, comme pour les vestiges grecs de la Corderie, acte de naissance de Massalia, colonie de Phocée.
    A la conquête romaine, Massalia est devenue Massilia. Il y a parfois confusion chez certains défenseurs du site…Puis ce fut Marsiho, et enfin Marseille avec le rattachement à la couronne de France…

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  8. Alceste. Alceste.

    Dites moi, tous. Je comprends pas bien . Ce matin j’ai lu dans le revue municipale de Marseille, La Provence, qu’ils allaient mettre des logements sociaux dans le nouvel immeuble des Catalans , que même c’est Ricciotti l’architecte.
    Avec ma retraite à 1250 euros par mois ,où je dois déposer le dossier pour y avoir droit ?
    Merci d’avance.

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